Warren Guilloux tient une société de transport à Raiatea depuis 14 ans. Taxi, navette touristique...il est bien implanté sur l'île, avec une offre diversifiée et bientôt sept véhicules à Raiatea. En 2023, alors que le Pays cherche une nouvelle société pour assurer le transport scolaire à Moorea, Warren se positionne. Affaire conclue : il remplace la société Réseau de Transport Urbain et doit desservir les écoles primaires et maternelles de l'île, les collèges d'Afareaitu et de Paopao, le lycée agricole d'Opunohu, en plus des transports pédagogiques, réguliers et privés, de janvier à juillet 2024. "On devait être trois, mais les deux autres ont changé d'avis, parce qu’ils s'occupent aussi des paquebots. Le problème c'est le manque de bus !" veut-il souligner.
Warren puise alors dans les fonds de sa société pour remettre quatre de ses véhicules aux normes et obtient quatre autres bus mis à disposition par le Pays. Deux sont en panne, "j'attends que les pièces arrivent, elles n'existent pas ici." À partir de mardi prochain, neuf bus devraient être en service à Moorea.
Virements tardifs du Pays et trésorerie en berne
Mais voilà, sa trésorerie en a pris un coup et il ne veut pas piocher dans celle de sa société de Raiatea. Chaque mois, il attend donc le virement du Pays pour pouvoir payer ses salariés. Sauf que le Pays est toujours en retard dans ses paiements.
Le premier mois, les salariés se sont montrés compréhensifs. "Nous avons entendu qu'il rencontrait des difficultés au niveau de sa trésorerie, nous avons été bienveillants, mais ce n'est pas à nous, salariés, de supporter cette situation aussi longtemps !" déplore Titaina Germain, chauffeur de bus.
Précarité des salariés
Cela fait trois mois, et la situation n'évolue pas. Les 24 salariés de Moorea sont à bout de patience. Quinze jours de retard dans le versement de leur salaire, c'est trop. "Cela fait trois mois de suite que nos salaires sont en retard et que notre couverture sociale n'est pas à jour. Ces retards de salaire engendrent beaucoup de difficultés dans les familles" poursuit Titaina.
Les salariés rencontrent notamment des problèmes au niveau de leur couverture sociale. "Il n'y a pas longtemps, j'ai fait une chute, j'ai eu besoin d'aller voir le médecin, malheureusement étant donné que je n'avais pas de salaire, je n'ai pas pu me rendre [à mon rendez-vous] en temps et en heure. Ce n'est que deux jours après que je suis allée voir le médecin, tellement je souffrais. Je n'ai pas pu faire de déclaration d'accident de travail. Aujourd'hui je suis toujours en arrêt et je viens d'apprendre que certains collègues sont en arrêt de travail, ils n'ont pas pu payer leur consultation et leurs médicaments. Moi ça m'alerte" dénonce Titaina.
"Nous n'avons plus rien dans nos frigidaires"
Une de ses collègues accompagnatrice confirme et évoque une dégradation de ses conditions de vie, due à ces retards de paiement. "En ce moment, on a beaucoup de difficultés, c'est répétitif, c'est la troisième fois qu'on est dans cette situation. Je ne suis pas bien. Déjà que la vie est dure, on fait notre possible pour faire avec. Mais je n'en peux plus. Il y a des foyers qui se déchirent" alerte l'accompagnatrice, qui a souhaité garder l'anonymat.
Les salariés ont rencontré la DGEE, l'entité chargée de lancer la procédure de paiement pour Warren Transport. "Elle a exposé que les fonds allaient être débloqués deux semaines après la fin du mois. Ce délai est dépassé ! Et là, on apprend qu'il n'a toujours pas réceptionné les fonds et qu'il va falloir attendre encore deux semaines...mais c'est long !" lance Titaina, désespérée.
Warren Guilloux a saisi le Pays à ce sujet. "On va voir", c'est tout ce qu'on lui répond. "Les employés sont au courant... je les comprends et je fais de mon mieux. Dès que je reçois le virement, la première chose que je fais, c'est les payer. Mais je les paye toujours" se justifie le gérant, en appelant ses salariés déjà à bout de souffle, d'être encore un peu patients "le temps de me lancer complètement." Titaina reste ferme : "nous n'avons plus rien dans nos frigidaires. Qu'il prenne ses dispositions pour que nos salaires soient payés en temps et en heure."