Le cumul des mandats, sport national français

Dans un entretien accordé aux Nouvelles Calédoniennes, Sonia Lagarde, députée et maire de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, expliquait avoir renoncé à démissionner de son mandat de députée. En France, la pratique est extrêmement répandue : plus de 80% des députés exercent ainsi un autre mandat d'élu. 
Ce n’est un secret pour personne : en matière de politique, la France est la championne du cumul des mandats. 
 
En 2012, d’après les chiffres d’un rapport sénatorial, 82% des députés et 77% des sénateurs exerçaient au moins un autre mandat d’élu. 45% des députés et 48% des sénateurs seraient soit maires, soit présidents de conseil général ou de conseil régional. 
 

Une exception européenne, mais qui pourrait changer

Une exception européenne, puisqu’à titre comparatif, la proportion moyenne d’élus en situation de cumul dans le reste des pays de l’Union européenne ne dépasse pas les 20%. Et une spécificité de longue date puisqu’en 1936, déjà environ un tiers des députés français exerçaient un mandat local.
 
La situation devrait pourtant définitivement changer avec la nouvelle loi sur le non-cumul des mandats, adoptée par l’Assemblée nationale le 22 janvier de cette année. A partir de 2017, le cumul de fonctions exécutives locales – maire notamment – sera incompatible avec un mandat de député ou de sénateur. 
 

Plusieurs tentatives pour mettre fin au cumul de mandats

Mais il aura fallu du temps, de la salive et de l’encre pour en arriver là. En effet, la discussion autour d’un possible non-cumul des mandats a fait son apparition il y a déjà plusieurs années. Encouragés par un vent de mécontentement populaire face à des élus cumulant plusieurs mandats - et de ce fait plusieurs traitements- les politiques - de gauche - se sont succédés pour annoncer un durcissement de la loi. 
 
Avant 1985, seuls les membres du gouvernement ne peuvent être en même temps parlementaires. Cette disposition est prévue par l’article 23 de la Constitution : «Les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle.» 
 
Hormis cet article, peu contraignant, aucune autre trace d’un texte limitant outre mesure le cumul des mandats et fonctions. En 1985, le gouvernement de Laurent Fabius impose des premières restrictions. Les lois votées font la distinction entre la situation des parlementaires et celles des élus locaux, mais n’auront pas de réelles conséquences sur les habitudes politiques françaises, ancrées de longue date. 
 
Deuxième tentative : sous le gouvernement de Lionel Jospin, en avril 2000, une nouvelle loi est adoptée. Le projet essuie une résistance acharnée de la majorité sénatoriale, alors de droite et la loi finale se retrouve au final beaucoup plus modeste. Ainsi, un député ne peut pas cumuler plus d'un mandat local, sauf si la ville est de moins de 3.500 habitants. Coup d’épée dans l’eau, la loi n’a manifestement pas été respectée.
 

Le non-cumul de mandats : une promesse électorale

En 2012, parmi les promesses de campagne, le président François Hollande avait annoncé le non-cumul des mandats comme l’un des piliers de son programme. Dès le mois de juin 2013, le Parlement s’attèle à l’examen de deux textes de loi visant à interdire à un parlementaire d’exercer simultanément une fonction de chef - ou d’adjoint - d’un exécutif local, et ce à partir de mars 2017. La loi est adoptée par l’Assemblée nationale le 9 juillet 2013. 
 
Mais les traditions françaises ont la vie dure. Ainsi, le 19 septembre 2013, le Sénat entre en résistance en adoptant le projet de loi de non-cumul des mandats… tout en s’excluant du dispositif.
 
Finalement, la longue saga de la loi sur le non-cumul des mandats se termine le 22 janvier, avec l'adoption définitive par le Parlement du projet de loi. A partir de 2017, la loi prévoie l’interdiction du cumul de fonctions exécutives locales – maire notamment – avec un mandat de député ou de sénateur. 
 
A noter que le texte, qui avait été voté par 313 voix, avait été largement rejetés par les élus UMP, puisque trois seulement avaient approuvé le texte.
 
Dans ce contexte, continuer de justifier un cumul de mandats devient périlleux. A différents niveaux, les politiques sont ainsi souvent sommés de s’expliquer quant à leurs multiples casquettes. Il y a moins d’un mois, en métropole, c’était au tour de la ministre de la santé, Marisol Touraine, d’être appelée à expliquer, sur le plateau de l’émission de télévision « On n’est pas couché », son cumul de mandat de ministre et de de conseillère générale d'Indre-et-Loire.