Le grand chef du district de Guahma à Maré, Nidoish Naisseline, s'est éteint dans l'après-midi de mercredi. Cette figure de la vie politique calédonienne est décédée des suites d'une longue maladie.
Nidoish Naisseline est né le 27 juin 1945 à la tribu de Nece, à Maré. Avec cinq soeurs, il est l'unique héritier de la dynastie Naisseline, qui dirige la grande chefferie de Guahma depuis le 18ème siècle. En 1973, il succède à son père, Henri Naisseline, le premier chef coutumier à avoir répondu à l'appel du Général de Gaulle. Nidoish Naisseline a été profondément marqué par cette figure paternelle. Dix ans plus tôt, il avait quitté la Calédonie pour suivre des études en métropole.
Le choc de mai 68 et les Foulards Rouges
Le choc de mai 1968 est pour lui déterminant; il abandonne le droit pour la sociologie et, un an plus tard, crée les Foulards Rouges à Nouméa, mouvement pionnier de la revendication kanak. Cet engagement lui vaudra plusieurs séjours au Camp est. Après les Foulards Rouges, succèdent la fondation du Palika, puis du LKS en 1981: un parti qui lui est totalement dévoué. Nidoish Naisseline prône une indépendance multiraciale qui exclut la rupture avec la France. En 1984, il refuse d'intégrer le FLNKS; cette opposition est illustrée 25 ans plus tard par le débat au Congrès sur le double drapeau.
"Dans mon for intérieur", déclare-t-il,
"je souhaite qu'il n'y ait qu'un seul drapeau, qui n'exclue aucun Calédonien".
L'Assemblée territoriale et la province des Iles
Côté institutions, Nidoish Naisseline est élu à l'Assemblée territoriale en 1977, mais il faudra attendre 1995 pour le voir accéder à la présidence de la province des Iles, grâce au soutien du RPCR. Lors de son investiture, il prononce un vibrant plaidoyer en faveur des femmes: encore une fois, sa parole surprend.
"Un des aspects les plus modernes du droit international est le droit de la femme", déclare-t-il. Près de quatre années à la tête de la province des Iles, marquées par un renversement d'alliance au profit des frères ennemis du FLNKS, le tout sur fond d'insurmontables difficultés financières: à l'issue des provinciales de 1999, les premières depuis la signature de l'Accord de Nouméa, Nidoish Naisseline perd son fauteuil de président. Cinq ans plus tard, c'est le retour aux responsabilités mais cette fois dans les transports: il est nommé président du conseil d'administration d'Aircal. A ce poste, Nidoish Naisseline affrontera deux conflits majeurs: le premier en 2009 qui oppose Aircal à l'USTKE et qui se conclut par la condamnation et la mise à l'écart du président du syndicat Gérard Jodar; quant au second qui mobilise en 2011 les usagers de la compagnie, il vire au drame personnel.
Des valeurs anti-conformistes
Le 6 août à Maré, les affrontements entre le collectif des usagers d'Aircal et les ressortissants de son district de Guahma font quatre morts et une trentaine de blessés. Alors que l'enquête suit son cours, Nidoish Naisseline interpelle la justice:
"Qui a tué qui? Il faut qu'on sache pour qu'on puisse se pardonner mutuellement". Un chef coutumier qui défend la dignité de l'individu quelle que soit son appartenance, un indépendantiste qui prône sans relâche le dialogue et la négociation, un politique qui exige que toute leur place soit faite aux femmes... Au-delà de ces contradictions, tel était Nidoish Naisseline, qui aura porté haut les valeurs de l'anti-conformisme.
Un portrait de François Dufour