Meurtres, viols et corruption en Papouasie : l'Australie est accusée de fermer les yeux à cause du centre de Manus

Eoin Blackwell
Un officier australien, qui faisait partie des 73 policiers australiens chargés de conseiller leurs homologues papous, témoigne de la violence qu'il a vue en Papouasie-Nouvelle-Guinée et de l'attitude de l'Australie.
Si vos impôts servaient à raser des villages entiers et à soutenir un régime d'assassins, de violeurs et de corrompus, voudriez-vous le savoir ? C'est ainsi que commence un article du site news.com.au, qui rapporte le témoignage d'un officier de la police fédérale australienne, déployé en Papouasie-Nouvelle-Guinée entre décembre 2013 et juillet 2014.
 
Il faisait partie des 73 policiers australiens chargés de conseiller leurs homologues papous. Mais cet homme, qui souhaite garder l'anonymat, dit avoir été choqué par ce qu'il a vu :
 
"Ce que faisaient les policiers papous, c'était principalement de tuer des gens, violer des gens, raser des villages. Personne ne s'attendait à voir ça."
 
En poste à Lae, la deuxième plus grande ville de Papouasie-Nouvelle-Guinée, il dit avoir été témoin de l'attaque du village de Butibum. Les policiers papous ont expulsé les villageois, en leur disant que leurs titres de propriété n'étaient plus valables sous le nouveau gouvernement et qu'ils devaient partir. Le lendemain, le village a été rasé à l'aide de bulldozers et les villageois qui cherchaient à s'y opposer ont été tués, affirme le policier australien. Il dit avoir averti sa hiérarchie en Australie à plusieurs reprises, sans être entendu :
 
"On s'est vite rendu compte que tout ce qui avait trait à la corruption du gouvernement papou, ou à la brutalité, aux meurtres et aux viols commis par les policiers papous, était édulcoré."
 
Dans un communiqué, la police fédérale australienne souligne que le rôle de ses officiers déployés dans le pays voisin est "extrêmement difficile". Ces policiers ne disposent sur place que de moyens limités ; ils sont envoyés pour former leurs collègues et ne remplissent pas leurs fonctions habituelles de maintien de l'ordre. La police australienne indique ensuite avoir pris connaissance des rapports écrits par l'officier déployé à Lae, mais selon elle, il n'était pas nécessaire d'y donner suite.
 
Jason Sharman, chercheur à l'Université Griffith, spécialiste des questions de corruption et de blanchiment d'argent, estime, lui, que les autorités australiennes sont bien coupables d'ignorer les crimes en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Elles permettent même aux profits de la corruption d'être investis en Australie, dénonce-t-il :
 
"Je pense qu'il y a de l'argent sale papou en Australie et que le gouvernement australien le sait. L'une des raisons pour lesquelles les autorités australiennes choisissent de ne rien faire, c'est l'accord de l'île de Manus. Toutes les routes mènent à Manus, et conserver cet accord qui permet d'envoyer les demandeurs d'asile là-bas prime sur tout le reste. Tout ce qui risquerait de nuire à l'accord est dissimulé."
 
Ni la police fédérale australienne ni le ministère australien des Affaires étrangères n'a voulu répondre aux questions d'ABC sur ce rôle supposé central du centre de Manus dans les relations actuelles entre les deux pays voisins.