50 ans après, le portrait d’Hélène rejoint ses arrières-arrières-petits-enfants

C’est au hasard d’un groupe de dons sur les réseaux sociaux que Michèle a vu apparaître un visage familier. Celui de son arrière-arrière-grand-mère, immortalisée dans les années 70 par le portraitiste Marcel Fréchin. Aujourd'hui, l'ancêtre anonyme a retrouvé un nom et les siens.

C’est un portrait à l’encre noire, au trait fin et minutieux, sur du papier format raisin. Un portrait resté pendant plus de 50 ans celui d’une anonyme, désignée comme « vieille femme en robe mission », et qui vient de retrouver les siens.


Ce portrait c’est celui d’Hélène, centenaire en cette fin des années 70 lorsque Marcel Fréchin dessine son visage creusé par le passage du temps.
Un visage unique, aussitôt reconnu par Michèle, lorsqu’il y a quelques semaines une annonce paraît sur un groupe de dons en ligne : « Donne portrait de femme mélanésienne », peut-on lire sous une photo du tableau.

A la fin des années 70, l'illustrateur Marcel Fréchin réalise une série de portraits à l'encre.

 

Une photocopie en guise de souvenir

« C’est ma cousine qui m’a appelée, raconte la jeune femme. Elle m’a dit "Regarde, c’est pas le portrait de notre arrière-arrière-grand-mère ?" » 
Pour Michèle, le doute est impossible, car elle a en quelque sorte grandi sous les yeux de son ancêtre : « Ma grand-mère avait un portrait d’elle, mais ce n’était qu’une photocopie. »  Une photocopie des Nouvelles calédoniennes, qui en 1977 s’étaient intéressé à la centenaire de Coula et avaient publié sa photo. Une photo frappante de ressemblance avec le tableau peint par Marcel Fréchin.

En 1977, Hélène, alors considérée comme doyenne Kanak, a l'honneur des Nouvelles calédoniennes qui racontent son histoire.


«  Elle gardait vraiment précieusement [ce portrait] avec elle. On a plusieurs fois déménagé et à chaque fois, elle le récupérait, elle le serrait contre elle et quand elle réaménageait sa chambre, elle le mettait bien en évidence. "C’est ma grand-mère et elle me suit là où je vais", me disait-elle. »

 

«  Elle gardait vraiment précieusement [ce portrait] avec elle. "C’est ma grand-mère et elle me suit là où je vais", me disait-elle. »

Michèle, à propos de sa propre grand-mère

 

Michèle et sa cousine envoient aussitôt des messages à celle qui est alors encore la propriétaire du tableau, Sylvie. Le portrait, celle-ci l’a acquis « il y a une quarantaine d’années, c’était un très joli portrait. Je savais que c’était quelqu’un de vrai, vivant qui avait été dessiné, mais quant à son nom et son origine… Je n’en avais aucune idée. »

Je savais que c’était quelqu’un de vrai, vivant qui avait été dessiné mais quant à son nom et son origine… Je n’en avais aucune idée.

Sylvie, ancienne propriétaire du tableau.


Alors lorsqu’elle décide de le donner, c’est avec l’espoir, qui sait, qu’un petit miracle se produira : « Je voulais l’offrir, mais je ne voulais pas que ce soit une déco, je voulais que ce soit quelque chose qui parle à quelqu’un », raconte Sylvie.


Arbre généalogique

Le miracle se produit et les deux femmes se retrouvent le lendemain. Un moment fort pour l’une comme pour l’autre. « Je vois une jeune fille enjouée, qui me sort son ordinateur avec un arbre généalogique, et qui me raconte l’histoire de son ancêtre, se souvient Sylvie.  Donc moi j’étais toute émue de faire plaisir, mais bouleversée par l’histoire de cette femme en plus. J’ai trouvé que c’était beau parce que ça m’a un peu associée à son histoire. »

Michèle est « encore émue » de ces retrouvailles avec son ancêtre : « Quelque part, j’ai ressenti l’émotion que ma grand-mère avait eue à l’époque quand elle se trimballait avec son portrait tout partout », raconte-t-elle en riant.

Quelque part, j’ai ressenti l’émotion que ma grand-mère avait eue à l’époque quand elle se trimballait avec son portrait tout partout .

Michèle


Car Michèle est passionnée par son histoire familiale : « J’ai toujours aimé la généalogie, depuis que je suis adolescente. Dans la vie, on avance mieux lorsque l’on sait d’où on vient. J’ai déjà commencé par moi, mes parents, ainsi de suite. »  La jeune femme se rend même aux archives afin de retrouver l’article des Nouvelles calédoniennes consacré à Hélène. Jamais elle n’aurait pensé avoir un jour son véritable portrait chez elle : « C’est un privilège de l’avoir récupéré à la maison, dit-elle. On est très heureux. J’en ai parlé autour de moi dans ma famille, j’ai même été parler à mes oncles de la joie qu’on a ressentie de récupérer le portrait. »

Interview Michèle


Des retrouvailles qui ont aussi été l’occasion de resserrer les liens familiaux : « Elle a une fille encore en vie à Bourail, j’ai appelé un de mes grands-pères de Houaïlou. Ça m’a permis de parler généalogie avec eux », souligne Michèle.


Michèle qui est très heureuse d’avoir ramené Hélène dans sa famille. Et d’avoir redonné son identité à une femme restée trop longtemps anonyme.

Le reportage de Charlotte Mannevy :

L'histoire du portrait d'Hélène