C'est un beau bébé de 500 pages et près de 3 kilos. Trois ans de travail, pour l'historienne Christiane Terrier. L'ouvrage Vers une école pour tous, l'histoire de l'enseignement en Nouvelle-Calédonie des années 1840 à 2000 vient de sortir. Une histoire au long cours.
1/5 Une concrétisation grâce au Covid
Christiane Terrier commence à y penser, il y a plusieurs années, lorsqu'elle sillonne les routes du Caillou pour l'Ecole normale, le premier nom de l'Institut de formation des maîtres (IFM). Elle recueille des informations sur toutes les petites écoles du territoire qu'elle visite. "A chaque fois quand j'arrivais, notamment dans les tribus un peu isolées, je m'interrogeais sur l'origine de ces écoles. Je posais des questions..."
Une fois à la retraite en 2009, l'historienne travaille sur d'autres projets d'écriture, mais l'idée de ce livre sur le développement des écoles calédoniennes ne la quitte pas.
C'est finalement la crise sanitaire, en 2020, qui sera l'élément déclencheur. "J'ai senti qu'on était coincé pour un bon moment et je me suis dit qu'il était temps de me lancer."
Trois ans plus tard, l'ouvrage est publié. Vers une école pour tous retrace les principales étapes de l'histoire de l'enseignement entre 1840 et 2000. Avec dix pages de chronologie à la fin du livre.
2/5 Des photographies retrouvées aux archives de Rome
Christiane Terrier tenait à ce qu'il y ait beaucoup d'iconographies dans son ouvrage. Comme autant de témoignages visuels. C'est en Italie, à Rome, que l'historienne découvre une série de photographies précieuses. Une "découverte extraordinaire", selon elle.
Des clichés en noir et blanc, dénichés aux archives des pères maristes. "J'ai trouvé un lot absolument formidable, des photos prises par le père Guéneau dans le cadre d'une mission créée dans les années 1930. On a une reconstitution de ce que pouvait être la vie dans ces petites écoles."
Des clichés qui montrent le quotidien des enfants, du lever à la corvée d'eau, en passant par la préparation des repas et la consolidation des radiers d'accès à la mission.
3/5 De nombreux portraits d'enseignants
L'historienne aborde de très nombreuses thématiques dans ce livre, à commencer par les prémices de l'école calédonienne, de 1840 à 1914. Avec, par exemple, le développement de l'enseignement confessionnel, l'arrivée des premières congrégations féminines, la mise en place des écoles indigènes publiques à partir de 1885, ou encore la laïcisation.
Christiane Terrier laisse bien sûr une large place aux portraits des enseignants qui ont marqué cette époque comme Frédéric Surleau, Suzanne Russier ou Marguerite Lefrançois. "J'ai beaucoup d'admiration pour une religieuse qui s'appelle Sœur Marie de la Croix qui a fondé les sœurs missionnaires de la Société de Marie et qui s'est beaucoup investie dans son métier."
La deuxième partie de l'ouvrage s'attarde sur l'entre-deux-guerres, avec des éclairages sur les moniteurs, les écoles de Brousse ou celles des îles Loyauté, sans oublier le développement de l'enseignement secondaire.
Enfin, la troisième partie revient sur les premiers manuels locaux, le développement des activités parascolaires ou la naissance de l'université.
Elle revient également sur ce qu'elle appelle des "dynasties d'enseignants". "Bien sûr, il y a des individualités, mais il y a aussi des familles. J'ai évoqué la famille de Ben Hombouy [décédé en 2018], dont le grand-père était à la fois pasteur et enseignant, comme son père. Et puis dans l'enseignement public, je parle de la famille Avril à Pouembout. Là aussi, on va de la grand-mère jusqu'à la petite-fille qui est encore enseignante actuellement."
4/5 Des anecdotes éclairantes
Au fil des pages également, des anecdotes qui racontent la réalité du quotidien des élèves calédoniens. Parmi lesquels, l'écrivain Jean Mariotti. Christiane Terrier a retrouvé une photographie de la véritable "Madame Boubignan". Un personnage évoqué dans le roman A bord de l'incertaine, un texte qui est un peu le symbole de l'enseignement inadapté de l'époque.
Dans son livre, Jean Mariotti raconte comment cette enseignante demande à sa classe de faire une rédaction sur les "vraies" saisons. "Il était entendu pour elle qu'il s'agissait des saisons de France et Jean Mariotti était plongé dans un abîme de perplexité parce que ça ne correspondait à rien en Nouvelle-Calédonie", précise l'historienne.
Le nom de cette enseignante dans le livre de Jean Mariotti est Madame Boubignan, mais en réalité il s'agissait de Madame Plunian.
5/5 Une place pour toutes les communautés
Le livre évoque principalement les écoles destinées aux enfants kanak et aux enfants européens. "J'ai tenu bien sûr à ce que les autres communautés y figurent, notamment au moment de l'intégration de leur enfants dans le système éducatif après 1945. C'est l'abolition du régime de l'indigénat qui a fait que les autorités ont eu une obligation scolaire pour tous.
Une obligation qui s'étend aussi aux enfants des engagés asiatiques. Les Vietnamiens et les Indonésiens, par exemple. "On ne sait pas toujours que, selon les endroits en Nouvelle-Calédonie, ça n'a pas été sans poser un certain nombre de problèmes à l'époque. Parce que finalement les écoles se sont retrouvées à devoir accueillir des flux très importants d'élèves."
Le livre de Christiane Terrier Vers une école pour tous, l'histoire de l'enseignement en Nouvelle-Calédonie des années 1840 à 2000 est disponible dans les librairies ou auprès du Cercle des musées de la ville de Nouméa.
Une présentation du livre, suivie d’une séance de dédicaces, est prévue le lundi 27 mars 2023, à 18 heures, dans le bâtiment administratif du musée de la Ville de Nouméa (entrée par les jardins du côté du portail rue du Maréchal-Foch).