A 87 ans, le pape s'apprête à relever l'improbable défi d'une odyssée en Asie et dans le Pacifique

Un panneau de bienvenue pour le pape François, à la cathédrale de Jakarta, le 30 août 2024.
En se lançant, à 87 ans, dans son plus long et lointain voyage depuis son élection en 2013, le pape François signe un ambitieux pari auquel beaucoup ne croyaient pas, une manière de faire taire les doutes sur ses capacités à assurer sa charge. 32 000 km, 43 heures de vol, 12 jours et 16 discours : le prochain périple du chef de l'Église catholique dans quatre pays d'Asie du Sud-Est et d'Océanie a des allures d'odyssée de tous les records.

Il aura fallu attendre la douxième année de son pontificat, à trois mois de ses 88 ans, pour voir le pape argentin effectuer ce voyage en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Timor oriental et à Singapour, une promesse qu'il tenait à honorer depuis son report en 2020 en pleine crise du Covid-19. Pourtant, il y a encore quelques semaines, peu d'observateurs l'en jugeaient capable, et les couloirs du Vatican bruissaient de doutes tant la santé du pontife argentin avait suscité l'inquiétude.

À Pâques, François, qui connaît des fragilités respiratoires et se déplace en fauteuil roulant depuis 2022, avait annulé plusieurs engagements, affaibli par un état grippal qui avait relancé les spéculations sur son état de santé. Un an après une lourde opération de l'abdomen, certains s'interrogent : est-il raisonnable d'enchaîner les messes géantes dans des stades, les cérémonies et les rencontres, avec jusqu'à huit heures de décalage horaire, à un rythme effréné ? "Le pape croit toujours qu'il faut pousser un peu plus loin", confiait récemment un haut responsable de la diplomatie vaticane. "Il se sent capable de faire ce voyage cette année. L'an prochain, ce sera moins sûr."

Protocole habituel

Loin de vouloir réduire la voilure, Jorge Bergoglio, qui a répété ne pas envisager de renoncer tant que sa santé le permet, considère ces déplacements comme la pierre angulaire de son ministère. Avec ce quarante-cinquième voyage à l'étranger, le jésuite argentin, devenu le pape le plus âgé de l'Histoire à voyager, retourne à sa vocation de pasteur de terrain : loin de la bureaucratie de la Curie romaine qu'il n'apprécie guère, le contact avec les foules semble lui redonner de l'élan. Les contraintes liées à son état de santé sont pourtant réelles : désormais incapable de monter un escalier, il doit utiliser un monte-charge pour atteindre l'avion.

Si le pape voyage avec son médecin personnel et deux infirmiers, le dispositif médical ne prévoit "pas de précautions supplémentaires" pour ce périple, a indiqué vendredi le directeur du service de presse du Saint-Siège, Matteo Bruni. "Celles déjà en place pour chaque voyage apostolique sont évidemment suffisantes", a-t-il ajouté. Temple du secret, le Vatican ne dit mot sur cette question sensible. Aucun détail sur les précautions des organisateurs, comme d'éventuels protocoles avec les hôpitaux locaux. Lors de son voyage en Afrique début 2023, une ambulance ultra-équipée suivait le pape partout, prête à intervenir. Le programme du voyage prévoit néanmoins une journée de repos à Jakarta après un vol de treize heures.

Force mentale

Au Vatican, ce voyage suscite "de l'admiration" pour son abnégation à poursuivre sa mission malgré les critiques, confie une source vaticane. Mais aussi "de la préoccupation, et même un certain agacement devant l'acharnement du pape, qui met ses services de santé et de sécurité sur les dents." Pour le professeur Andrea Ungar, président de la Société italienne de gérontologie, "ce voyage démontre une fois de plus la force mentale du pape et montre comment, malgré son âge, on peut encore agir (...) Plus on s'arrête, plus on devient sédentaire. Une forte motivation donne une énergie incroyable." Le principal point d'interrogation demeure la manière dont le pape, qui a déjà dû annuler des déplacements pour raisons de santé, va réagir à autant de sollicitations.

François n'a plus voyagé à l'étranger depuis sa visite à Marseille en septembre 2023, sa plus longue "pause internationale" à l'exception de l'année 2020 marquée par la pandémie. D'autant que cette tournée, qui débute mardi 3 septembre, s'insère dans une rentrée extrêmement chargée : à peine revenu à Rome, il repartira pour une visite au Luxembourg et en Belgique fin septembre, avant un mois d'octobre consacré au Synode sur l'avenir de l'Eglise. Et en décembre, il doit donner le coup d'envoi du Jubilé 2025, grande année de pèlerinage à Rome pour laquelle trente-deux millions de fidèles sont attendus. Un autre signe, s'il en fallait, que François est plus que jamais à la barre.