Affaire Pérès-Martinez : au quatrième jour du procès, l’accusé devant ses juges

Salle des Assises de Nouvelle-Calédonie
La quatrième journée de procès devant la cour d'assises de la Nouvelle-Calédonie a été marquée, ce jeudi, par l'interrogatoire d'Olivier Pérès. Un accusé qui s’est une nouvelle fois montré offensif dans sa défense. Dans l’après-midi, il a toutefois confié qu’il ne souhaitait pas "se dédouaner" de cet acte.

Après le témoignage du fils d’Eric Martinez, c’est au tour de l’accusé d’être interrogé par la cour et les parties. Dès le départ, il pointe une chose : l’avocat général a constaté que le fusil avait un canon scié. Ce qui, selon Olivier Pérès, induit son implication dans la "coupe" du canon. "Je suis à nouveau pris à partie par l’accusé, ça me fait beaucoup de peine mais je ne répondrai que [vendredi] matin dans mon réquisitoire", répond l’avocat général. "Je ne m’appuie que sur l’expertise balistique".

Le président de la cour s'adresse à l’accusé, qui veut montrer l’arme de son fils pour la comparer à la sienne : ce n’est pas lui qui dirige les débats. Après l'altercation, qui n’est pas la première dans ce procès, I’accusé évoque l’idée que son couple a été manipulé et conditionné par Éric Martinez. Qu’ils sont dès le départ marqués, car leur voisin leur a dit qu’il a dû tuer des enfants au Rwanda lorsqu’il était dans l’armée.

Retour sur la chronologie des faits

Olivier Pérès revient aussi sur la chronologie des faits. Du 23 juin au 23 juillet 2018, sa femme part en stage au Vietnam. Pour le mari, c’est durant cette période qu’Eric Martinez va convaincre le couple de ce dont il est capable en tant que (prétendu) ex-colonel des forces spéciales. Et notamment de protéger Mme Pérès pendant son séjour grâce à des agents secrets d’Hanoi.

L’accusé enchaîne avec sa version des faits sur le début de la relation entre Éric Martinez et sa propre épouse. Après avoir tissé selon lui un lien avec "sa proie" durant le séjour au Vietnam, puis en France lors d’un voyage en couple, il aurait mis en place un épouvantable stratagème pour lui imposer des relations sexuelles. Pour l’accusé, l’adultère n’était donc pas consenti, il évoque le viol sous emprise et par surprise. 

La description d'une escalade

Il s’agit pour Olivier Pérès d’éléments qui font d’Eric Martinez un pervers manipulateur. S’ensuit un enchaînement d’événements qui précipitent l’accusé vers sa chute. Une graduation de menaces faisant que le chirurgien se sent victime, et en danger. Le 29 août 2018, Mme Pérès informe son mari de son infidélité. Celui-ci découvre, dit-il, une caméra espion dans son salon et Mme Martinez lui apprend, poursuit-il, que "son mari va lui casser la figure"

Toujours selon L’accusé, sa voisine continue à l’informer que les amants auraient décidé de divorcer de leur époux respectif et de partir pour Ibiza. Elle lui aurait aussi lancé : "Mon mari va te mettre sur la paille". L’accusé prend conscience, raconte-t-il, qu’il est devenu le rival et donc l’ennemi d’Eric Martinez.

 

Menaces

Le 4 septembre, Mme Martinez apprend à Olivier Pérès que sa femme a rompu avec son amant. C’est ce jour-là qu’il se réfugie dans son bateau et tente de mettre fin à ses jours. Un ami - entendu par la cour la veille - l'a convaincu de se ressaisir. Il portera plainte auprès du procureur.

Après une discussion avec sa femme le même jour, Olivier Pérès se rend compte, déclare-t-il, de la manipulation et des mensonges dont ils sont victimes. Dans les jours qui suivent, Mme Martinez l’aurait prévenu que son mari va s’en prendre à ses enfants. Sa réponse : si son voisin touche un seul de leurs cheveux, il lui fera la peau. Toujours selon l’accusé, Mme Martinez était sur le point de divorcer de son mari. 

En quête de protection

Après avoir informé les forces de l’ordre, rien ne se passe, selon lui. "Il aurait suffi d’inquiéter Éric Martinez pour qu’il s’arrête", prononce-t-il devant les assises. Olivier Pérès fait appel à une société de protection, explique-t-il. Il multiplie les démarches auprès d’un détective privé. Disant "ne pas avoir voulu nuire à Éric Martinez mais avoir voulu le mettre hors d’état de nuire".

C’est lors d’une rencontre avec Mme Martinez que l’accusé, continue-t-il, se sent "hypnotisé". Lors de leur conversation, prétend-il, elle aurait "continué à jeter de l’huile sur le feu". Tout s’enchaîne ensuite jusqu’au 13 septembre. Olivier Pérès apprend l’existence d’une vidéo qui pourrait "lui porter l’estocade". Il la reçoit le lendemain, elle dure vingt minutes mais impossible de la lire, décrit-il, en ajoutant : il est indiqué "signé Éric". Pour l’accusé, ce message a été envoyé par la femme de Martinez.

"Comment quelqu’un de sensé peut prendre une telle décision ?"

Il quitte précipitamment l’hôpital, rentre chez lui, réfléchit une dizaine de minutes. A la cour, il décrit un énorme dilemme. Puis décide de s’armer et de faire peur à l’autre homme avec une arme, de s’expliquer. Lui-même s’interroge : "Comment quelqu’un de sensé, de normal, peut-il prendre une telle décision ?" L’accusé dit ne pas être sûr de croiser Éric Martinez sur le green. En arrivant près du trou numéro 16, il lui demande pourquoi s’en prendre à ses enfants. L'autre lui aurait répondu qu’il allait "le crever".

Le dernier acte

Selon Olivier Pérès, la victime s’avance dans sa direction, les mains dans les poches, en "une charge lente". Lui, tire une première fois, puis une seconde fois pour arrêter son voisin qui continue à avancer. Il recharge son arme et tire une troisième fois. Un tir mortel que l’accusé ne pouvait pas éviter, assure-t-il.

D'après lui, le combat à mort devait aller jusqu’au bout. "J’ai sauvé ma famille", lance-t-il. "Si je n’avais pas tiré ce dernier tir, c’est moi qui serais mort". Une déclaration sans aucun regret ni remord vis-à-vis de son acte.

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Questions d'avocats

Questionné par maître Calmet pour la partie civile, l’accusé répond qu’il a agi dans l’urgence, ce 13 septembre, sans réfléchir. Il a toutefois pris le temps de se changer, avant de partir sur le green à la rencontre d’Eric Martinez. Autre avocat de la partie civile, maître Mimran l'interroge sur son comportement, après avoir tiré trois fois. Olivier Pérès reconnaît qu’il n'a pas porté secours à la victime - "Je n’ai pas eu de réflexes de médecin, de prévenir les secours."

A l’avocat général, il explique comment il est allé tirer dans la mangrove de Tina, quinze jours avant les faits. Pour vérifier l’état de marche de son arme, argumente-t-il, parce qu'il était terrifié d’être attaqué par l’ex-amant de sa femme. Une période durant laquelle il s’est senti "neutralisé par la peur" : "Je tenais des propos incohérents et je n’étais pas dans un état normal."

"J'encaisse la responsabilité"

Quand vient le tour de son propre avocat, Olivier Pérès ajoute qu’il "ne souhaite pas se dédouaner de ces faits, c’est dramatique". "J'encaisse la responsabilité", énonce-t-il. "Un fils a perdu son père, ça me fait mal de voir le fils de la victime ainsi." Ou encore : "Je ne m’en remettrai jamais". Jamais il n'a prononcé de tels mots depuis le début du procès.

Le compte-rendu de cette quatrième journée, par Natacha-Lassauce Cognard et Laura Schintu :

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