Pic Nic était édité en Japonais et distribué gratuitement chez les commerçants et dans les hôtels. On trouve encore le numéro 221 dans les boutiques fréquentées par les touristes en provenance de Tokyo, mais le Covid aura eu raison de son existence. Retour sur une histoire originale calédonienne, qui a duré près de 40 ans.
La création en 1983
En format A3, en noir et blanc avec quelques touches de rouge, Pic Nic compte quatre pages et sort à 1000 exemplaires. "Le titre en japonais sur la Une a été dessiné, le reste des paragraphes fait à la machine à écrire, se rappelle Gilles Delrieu. A l'époque il n'y avait pas d'ordinateur, ni de PAO (publication assistée par ordinateur), c'était compliqué ! Avant de trouver les moyens techniques de le faire, il a fallu du temps."
Dans la double page centrale, des plans de Nouméa et des baies, des encarts publicitaires. En quatrième de couverture, des informations pratiques et une carte de l'archipel. "J'ai toujours aimé les livres, l'édition. Je faisais tout, tout seul : la mise en page, le démarchage, les photos. Après un an et demi au Japon, il s'installe en Nouvelle-Calédonie et a l'idée de cette publication. Sa femme l'aide à traduire. Il est guide pour la clientèle nippone et travaille pour un voyagiste à Nouméa.
Même au Japon il n'y avait pas de guide vendu en librairie. Pic Nic leur permettait de trouver les endroits touristiques : les restaurants, les prestataires, les magasins...
Gilles Delrieu, créateur de Pic Nic
Plus de couleurs et plus de pages : toujours en format A3, Pic Nic s'épaissit à 24 pages et devient le "Journal japonais de Nouméa". Dans ce numéro de décembre 1987, les nombreuses publicités côtoient des articles sur les musées, l'aquarium, le marché et le parc forestier, un focus sur les îles Loyauté... En pages centrales, un immense plan du centre ville que l'on peut emmener partout.
"Les vacanciers étaient contents d'avoir ces plans. Ils disaient : 'C'est vraiment pratique !'. Les commerçants aussi étaient ravis car ils avaient l'impression que l'argent mis dans la publicité servait à quelque chose. Pour certains c’était leur clientèle principale, pour d’autres des occasionnels. Les Japonais étaient appréciés ici, bien considérés parce qu'ils étaient polis, qu'ils saluaient. Il n'y a jamais eu de problème relationnel."
1990 : Un mensuel tout en couleur
Le style bouge mais le contenu reste proche, tiré à 5000 unités. 36 pages sur papier mat se partagent en grands thèmes : histoire, restaurants, shopping, tourisme, informations pratiques... Le haut de gamme s'invite dans la publicité "c'est l'âge d'or, confirme Gilles Delrieu. La Nouvelle-Calédonie, c'était une destination où les Japonais pouvaient acheter du luxe. On leur vendait un bout de France dans le Pacifique. Après le Japon s'est ouvert au marché étranger, il a baissé ses taxes, on trouvait tous ces articles sur place plus facilement."
Pic Nic devient un bon plan que l'on se transmet. Et un objet digne du souvenir. "Ils en prenaient un pour le séjour, et ils en ramenaient un tout propre à la maison pour découper. Ils découpaient les photos pour agrémenter leur album de voyage. C'était avant les smartphones bien sûr !"
Dans les années 2000, le budget shopping baisse, tout comme le nombre de touristes japonais qui visite le Caillou. Au plus fort de la destination, ils étaient 33 000 tous les ans. Pic Nic devient bimestriel (il sort tous les deux mois) et laisse plus de choix. La culture prend sa place au gré des partenariats.
Je pense que l'idée que j'avais en tête en créant Pic Nic, c'était de faire un pont entre les touristes et les locaux
Gilles Delrieu
2010 : Dernier format
4500 puis 4000, et enfin 3000 exemplaires : l'évolution du volume de publication de Pic Nic suit celle de la fréquentation des Japonais. Plus petit et pratique, il passe aussi de 48 à 32 pages pour son dernier numéro. La publicité est moins marquée au fur et à mesure du temps : on se rapproche de la maquette d'un guide touristique.
Avant la pandémie, 21 000 touristes nippons choisissaient de venir en Nouvelle-Calédonie tous les ans. Mais le "tourisme est au point mort et mettra du temps à repartir", selon Gilles Delrieu, qui raconte être en train de liquider sa société. L'aventure de Pic Nic se termine au moment où les premiers voyageurs étrangers reviennent sur le Caillou. "J'aimerais bien que quelqu'un reprenne le flambeau et publie un magazine touristique japonais local."