Les images des tôles envolées, des fenêtres brisées et des murs effondrés ont suscité l’émoi et la désolation. De nombreux Mahorais ont vu en l’espace de quelques heures tout ce qu’ils avaient de plus cher s’envoler face aux rafales de vent enregistrées à plus de 200 km/h. "Les habitats en dur avaient été pensés et construits par les architectes pour résister à des vents maximum de 210 km/h, explique le météorologue guadeloupéen Gaël Musquet. Lors de cette tempête, les rafales ont été enregistrées à plus de 226 km/h."
À Mayotte, près d’un tiers de la population vit dans les bidonvilles, soit 100.000 personnes, d'après les chiffres avancés par Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur démissionnaire. Ces derniers, pas préparés à une telle catastrophe et plus vulnérables, ont subi les événements.
Aujourd’hui, ils sont déjà en phase de reconstruction, mais le vice-président de l'association Architectes de l’urgence, Patrick Coulombel, alerte sur la reconstruction de ce type d’habitat. "L’erreur serait de laisser se réorganiser le bidonville, avertit-il. Les gens vont réessayer de faire une petite maison dans laquelle ils vont essayer de survivre, mais il ne faut pas pérenniser tout ça."
L’architecte va plus loin et déconseille aussi l’installation de modulaires en se basant sur les exemples du passé. "C’est ce qui a été fait en Haïti [à la suite du terrible tremblement de terre de 2010, NDLR] où on a amené de petites maisons en contreplaqué temporaire pour un ou deux ans. Et 14 ans après, ces habitats y sont toujours, informe-t-il. C’est une vraie problématique, il ne faut pas tomber dans le schéma de faire de l’habitat informel à terme avec de l’habitat transitoire qui est amené."
"Un an avant que les autorités posent un cadre"
"La reconstruction, malheureusement, ça ne se fait pas en quelques semaines", lâche Karine Meaux, responsable des urgences à la Fondation de France. Les Mahorais vont donc devoir se montrer patients dans ce long processus qui s’ouvre devant eux.
"On a toute une politique foncière à mener car il faudra s’interroger, à savoir si les terrains peuvent supporter les constructions", déclare le météorologue Gaël Musquet. On est sur une équation compliquée, on a 450.000 personnes selon les hypothèses les plus pessimistes sur le territoire de Mayotte, soit plus qu’en Guadeloupe alors que le territoire est quatre à cinq fois plus petit. En termes de densité de population, le défi va être important à relever."
Très vite, la pression locative va se faire ressentir, mais il faudra du temps et des ressources économiques pour remettre à flot l’archipel. "Souvent, il faut à peu près un an avant que les autorités puissent poser un cadre pour la reconstruction, précise Karine Meaux. C’est un an d’études scientifiques et techniques, de négociations entre l’État, l’autorité locale et les habitants, il faut ce temps malheureusement. Donc pendant un an, il faut trouver une solution temporaire, mais qui n’absorbe pas tous les fonds pour qu’il en reste pour la reconstruction derrière."
Assouplir les règles pour la reconstruction
Mayotte, département le plus pauvre de France, va devoir panser ses plaies avec les maigres ressources qui lui restent, mais pourra aussi compter sur l’élan de solidarité qui s’organise et sur le soutien de l’État.
En ce sens, Patrick Coulombel d’architectes de l’urgence espère que les réglementations européennes sur la reconstruction seront assouplies. "Pour une reconstruction pérenne, il faudra un certain nombre de matériaux de base et il faudra adoucir les réglementations européennes qu’on va adapter à la situation locale pour répondre aux problématiques cyclonique et sismique."
La reconstruction ne fait que commencer et le président de République Emmanuel Macron devrait se rendre dans l’archipel de Mayotte dans les prochains jours.