Cyclone Chido à Mayotte : un "élan de solidarité exceptionnel" pour aider l'archipel dévasté

Une habitante d'un bidonville de Majicavo, rasé par le passage du cyclone Chido
Les associations nationales et mahoraises se mobilisent pour venir en aide aux habitants démunis, deux jours après le passage du cyclone Chido. Un soutien laborieux à organiser tellement les besoins semblent immenses et du fait que les infrastructures, comme l'aéroport et l'hôpital, ont été touchées.

150 sapeurs-pompiers et sapeurs sauveteurs de toute l’Île-de-France sont arrivés à Mayotte en passant par la Réunion. Leur mission : l’ouverture des routes et l’assistance aux Mahorais pour les 15 prochains jours.

La priorité est à l'acheminement militaire et médical pour soutenir le 101e département, meurtri par le passage du cyclone Chido dont le bilan pourrait s'alourdir dramatiquement.

"Cela ne nous est jamais arrivé"

Mais dans l'Hexagone, les associations mahoraises s'organisent pour aider leurs compatriotes, ou plutôt tentent de s'organiser car elles sont désarmées face à une telle catastrophe. Mayotte n’avait pas connu un cyclone d’une telle force depuis 1934. Même Kamisy en 1984 n’avait pas été aussi violent.

"À cette époque-là, il n'y avait pas beaucoup de Mahorais en France. Et donc ça ne nous est jamais arrivé", raconte Issouf Saindou, président de la fédération des associations mahoraises de métropole (FAMM) qui regroupe une trentaine d'organisations.

Pour savoir comment agir, la fédération s'est donc "rapprochée des institutions" qui lui ont déconseillé de "mettre en place des collectes de denrées alimentaires". "Il faut savoir qu'envoyer un conteneur à Mayotte de la métropole coûte entre 15.000 et 18.000 €, rien que le transit, rapporte Issouf Saindou. Si on met une collecte en place, il faut des entrepôts, il faut des personnes. Cela demande beaucoup de logistique, beaucoup, beaucoup d'argent."

Le mieux est donc de collecter des dons et de les "envoyer directement à des associations à Mayotte, là-bas, que ce soit la Croix-Rouge, aux Médecins du Monde ou n'importe, pour qu'ils puissent directement acheter le produit à côté, que ce soit à La Réunion ou dans les îles d'à côté."

"Tout le territoire est dévasté"

La fédération est aussi en lien avec la délégation de Mayotte à Paris, qui représente le Conseil départemental de Mayotte dans l'Hexagone. Cette dernière est en lien avec la cellule de crise du département sur place malgré les conditions très dégradées. "Il faut savoir que le bâtiment du Département a été totalement dévasté et qu'il est très difficile de communiquer avec nos collègues à Mayotte", souffle Faridy Attoumane, le délégué du Conseil départemental de Mayotte à Paris avant d'annoncer que les élus "vont transmettre un courrier à Matignon pour que le territoire soit déclaré zone sinistrée".

"Il est vrai que l'accent a été mis davantage sur les personnes qui ont des maisons de fortune, mais la réalité c'est que toute la population de Mayotte est aujourd'hui impactée par le passage de ce cyclone, rappelle-t-il en listant les bâtiments comme le Conseil départemental, les locaux de Mayotte la 1ère ou encore l'hôpital. Tout le territoire est dévasté."

C'est là d'où vient encore la difficulté de pouvoir nous organiser puisque les infrastructures n'ont pas tenu le choc face à ce phénomène hyper violent qui laisse Mayotte complètement dévastée.

Faridy Attoumane

Une plateforme téléphonique

La délégation a par ailleurs mis en place pour les Mahorais de l'Hexagone une plateforme téléphonique avec trois personnes du pôle cohésion sociale et appui aux familles pour répondre aux appels. Les numéros sont indiqués dans cette publication Facebook : 

Pour la communauté qui vit en région parisienne, "nous sommes physiquement présents dans la délégation, donc les personnes qui effectivement souhaitent passer nous voir pour proposer leur soutien, pour demander de l'aide, nous sommes à leur écoute", ajoute Faridy Attoumane.

"Nous constatons un élan de solidarité exceptionnel vis-à-vis de nos compatriotes de l'Hexagone, mais aussi ceux des Outre-mer qui viennent spontanément proposer leur soutien, leur aide", salue Fraidy Attoumane, le délégué de Mayotte à Paris. Si "la volonté d'aider est la bienvenue", il prévient néanmoins ses compatriotes de ne pas agir avec précipitation pour ceux qui souhaitent retourner au plus vite sur l'archipel pour aider leurs proches en détresse.

Nos habitants à Mayotte vont manquer de nourriture, vont manquer d'eau, n'ont pas de solution de logement pour l'instant... Sans doute se dépêcher pour rentrer et aller accumuler les difficultés qui sont déjà sur place, n'est pas la bonne solution.

Faridy Attoumane

700.000 € de dons

Lui conseille plutôt de faire des dons à des associations comme la Croix-Rouge. Et elle n'est pas la seule : plusieurs organismes nationaux se mobilisent comme la Fondation de France. Cette dernière a lancé un appel aux dons dimanche midi et a déjà récolté en ce lundi après-midi 700.000 € de dons. "Je compare avec les ouragans dans les Antilles en 2017, analyse Karine Meaux, responsable des urgences à la Fondation de France. Dès que ce sont les territoires français qui sont impactés, les Français se mobilisent encore plus."

Celle-ci a eu très peu de nouvelles des associations mahoraises avec qui elle travaille sur place. " On essaie de ne pas tomber trop dans l'inquiétude, même si c'est quand même un peu angoissant, avoue-t-elle. On espère que dès qu'elles le pourront, elles prendront contact avec nous pour nous rassurer et pour nous dire de quoi elles ont besoin, puisque nous, nous sommes prêts très rapidement à pouvoir envoyer des fonds pour soutenir leurs actions."

Engagée sur Mayotte via ces associations dans un programme de prévention des crises et des catastrophes centré sur le traitement de l'eau et l'habitat digne et sûr, la Fondation de France sait que sa priorité première sera l'eau. "C'était déjà hier l'eau et ça reste de l'eau, insiste la responsable des urgences. Avec la crainte que les eaux de pluie qui tombent actuellement soient récupérées, stockées dans des conditions qui soient peu favorables à la santé des personnes."

L'urgence pour elle sera donc de renvoyer du matériel – celui envoyé auparavant ayant été détruit – "pour filtrer, épurer et stocker l'eau. Ça, c'est vraiment la priorité pour éviter notamment les risques sanitaires ou épidémiques".

Soutien psychologique

"Cela ne nous empêche pas en parallèle de commencer aussi à réfléchir à d'autres actions qui vont être essentielles très vite, qui sont le soutien psychologique aux populations qui sont immanquablement traumatisées vu la violence de l'événement", poursuit Karine Meaux, évoquant également la reprise de l'activité économique et bien sûr la mise à l'abri des personnes dont les maisons ont été détruites.

Forte de son expérience des catastrophes naturelles comme Irma aux Antilles ou le séisme en Haïti, la Fondation de France estime qu'il faudra "à peu près un an avant que les autorités aient pu reposer un cadre pour la reconstruction".

En attendant, 60.000 m² de bâches vont être envoyées en urgence par l'association Architectes de l'urgence pour apporter du matériel de couverture temporaire aux habitants. 

Des médecins en appui

Une autre association, le Secours populaire, vient quant à elle de débloquer 100.000 € de son fonds d'urgence. "Cette première enveloppe vise à apporter le plus rapidement possible du matériel, explique Sébastien Thollot, secrétaire national de l'association en charge des solidarités. Donc on est comme beaucoup aujourd'hui dans une phase d'identification des besoins et surtout après de faire un bon acheminement des produits qui seront envoyés."

Une mission devrait partir d'ici à quelques jours une fois que l'aéroport et les voies de communication seront sécurisés. L'organisation compte envoyer également des médecins sur place, via sa branche des "médecins du Secours populaire". "L'idée ça va être de pouvoir travailler avec l'ARS (l'agence régionale de santé, NDLR) et d'autres pour avoir une prise en compte de la question de l'accès aux soins, peut-être de questions du matériel et donc ça va se faire en lien avec les administrations présentes sur place pour qu'on puisse être à côté", détaille Sébastien Thollot.

Si l'association n'a pas d'antenne locale, elle a deux partenaires à Mayotte, l'association Horizon à Tsingoni et l'AEJM (association des étudiants et des jeunes de Mayotte) à Dembéni, qui leur remontent les informations depuis le terrain. Nourriture, vêtements, logement... Les besoins sont criants et "vont être très conséquents", prévient le secrétaire national, "au vu de la catastrophe".

Le Secours populaire devait organiser des activités festives pour les enfants avec l'association Horizon. Si Noël et les fêtes de fin d'année ne sont plus la priorité, "on verra ce qui va être fait surtout pour les enfants, assure Sébastien Thollot. Moralement, garder un petit lien, une petite solidarité permet aussi à tout le monde de garder le cap."

 

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