Deux nouveaux rapports s'apprêtent à rallonger la liste des documents dits de référence, concernant l'épais dossier calédonien. Mardi 14 février, le haussariat a annoncé le nom des prestataires qui ont été retenus pour mener, d'une part un audit sur la décolonisation, d'autre part un bilan de l'Accord de Nouméa. Voilà ce qu'on en sait.
1 L'audit de la décolonisation, "un point de situation"
Deux cabinets de conseil, un pour chaque étude, ont été recrutés via des marchés publics, "à la suite de l'analyse des offres". Le cabinet allemand Roland Berger est chargé de rédiger l’audit de la décolonisation. Vocation de ce document, demandé depuis plusieurs années par les indépendantistes ? "Faire un point de situation sur les avancées de la Nouvelle-Calédonie au regard des grands textes des Nations Unies en matière de décolonisation après trente ans de dialogue politique et de passage par différents statuts." C'est la présentation qu'en faisait, l'an dernier, Rémi Bastille, qui était secrétaire général du haut-commissariat. Devenu depuis préfet chargé d’une mission de service public, il a évoqué le sujet mercredi 15 février dans l'Invité de la matinale, résumé ici.
Pour dresser ce point de situation, cinq critères doivent être scrutés :
- l'accès aux responsabilités des populations locales,
- les inégalités sociales,
- la répartition des richesses,
- l'immigration
- et l'accompagnement vers l'indépendance.
L'audit de la décolonisation consistera à : établir un bilan du processus de décolonisation durant la période définie par le cahier des clauses techniques ; déterminer les points sur lesquels des évolutions / améliorations sont possibles, identifier les marges d'amélioration à l'application et au développement des principes et résolutions des Nations Unies en Nouvelle-Calédonie.
Intitulé du marché public
2 Le "bilan de l'Accord", pour évaluer les politiques publiques qui en ont découlé
Autre démarche qui vient d'être lancée, le bilan "définitif de l’Accord de Nouméa". Le cabinet CMI a été choisi pour le réaliser. Ce même cabinet a déjà dressé les bilans intermédiaires de l’ADN en 2011, et en 2018. Concernant ce dernier, le document, de 292 pages, peut être consulté ici et sa version synthétique de trente pages, là. L’approche est toutefois différente. Plus que le respect ou non des engagements, c’est la pertinence et l’efficacité des politiques publiques ces vingt-cinq dernières années qui seront jugées.
Pour rappel, le célèbre accord signé le 5 mai 1998 à Nouméa, qui a succédé aux Accords de Matignon, prévoyait le transfert successif, total ou partiel, à la Nouvelle-Calédonie de plusieurs compétences jusque-là gérées par l'Etat. Il a établi une partie du cadre institutionnel, avec le gouvernement collégial, le Congrès, le sénat coutumier ou le principe de citoyenneté. En a résulté un statut de large autonomie. Ce même accord, ratifié par référendum le 8 novembre 1998, fixait aussi la possibilité d'organiser trois consultations sur l'indépendance.
Ce bilan visera à apprécier la pertinence et l'efficience de l'organisation administrative et institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie telle qu'elle résulte de vingt-quatre années d'application de ce texte.
Intitulé du marché public
3 Le calendrier
Les deux cabinets ont commencé leurs travaux. Ils iront prochainement à la rencontre des acteurs calédoniens : élus, syndicats, associations. Mais selon l'Etat, "lors d'une réunion organisée le 9 février au haut-commissariat, les acteurs politiques associés à la rédaction des deux cahiers des charges ont pu échanger avec les prestataires retenus". La version finale est attendue pour le mois de juin 2023. Le haussariat assure que des points réguliers seront faits d'ici là. A noter que ces documents étaient au départ attendus pour décembre 2022 et février 2023.
4 Des "démarches" qui doivent "alimenter" les discussions
Le haut-commissariat compte sur ces "deux démarches distinctes mais complémentaires" pour alimenter les discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Ces documents sont d'ailleurs mentionnés dans la feuille de route fixée par la Première ministre le 28 octobre 2022, à Paris. Elisabeth Borne la dressait juste après la Convention des partenaires, qui se voulait un important rendez-vous politique après la dernière consultation (contestée) sur l'autodétermination. Les trois référendums prévus par l'Accord de Nouméa ayant eu lieu, quid de la suite ? Quid du prochain statut ?
"Nous avons constaté la nécessité d’appuyer nos réflexions sur les enseignements de l’expérience, au moment où s’ouvre cette période de transition", déclarait alors la cheffe du gouvernement. "En conséquence, sur la base des cahiers des charges validés à Nouméa par l’ensemble des forces politiques, nous sommes convenus de lancer l’audit de décolonisation qui évalue l’accompagnement de la Nouvelle-Calédonie par l’État depuis 1988 au regard du droit international. De la même manière, un bilan de l’Accord de Nouméa sur les transferts des compétences par l’État et leur exercice par la Nouvelle-Calédonie et les provinces sera réalisé pour éclairer les travaux de la Convention des partenaires."
Mais Rémi Bastille de le répéter, sur notre antenne : "L’audit de la décolonisation est une démarche de long terme et de fond vis-à-vis des Nations Unies, mais qui n’implique pas par elle-même une indépendance ou une sortie de la République française."