La société derrière ce qui deviendrait la plus grande mine de charbon de l'Australie, fait l'objet d'une enquête pour corruption en Inde. Des sociétés du groupe Adani sont soupçonnées d'avoir notamment envoyé de l'argent offshore...
•
Les autorités soupçonnent des sociétés du groupe Adani d'avoir envoyé de l'argent offshore et artificiellement gonflé les prix de l'électricité aux dépens des consommateurs indiens. Le groupe indien est sous le coup d'une enquête pour fraude; il veut exploiter la plus grande mine de charbon du pays dans le nord du Queensland. Adani promet de créer 10 000 emplois directs et indirects pour extraire le charbon australien. Ce chiffre est controversé, mais le gouvernement fédéral est conquis. Il se dit prêt à donner une subvention d'un milliard de dollars à Adani, pour construire une ligne de chemin de fer de 400 km qui relierait la mine au port d'Abbott Point.
Seulement voilà, ABC a révélé jeudi que les finances d'Adani sont troubles. Le groupe fait l'objet d'une enquête en Inde. Ariane Wilkinson, est avocate et travaille pour Environmental Justice Australia, une ONG de conseil juridique qui aide les communautés concernées par l'impact des énergies fossiles et du changement climatique: « La direction indienne du renseignement sur les revenus des entreprises (Directorate of Revenue Intelligence) enquête sur les agissements de 5 entreprises du groupe Adani. Elles sont accusées d'avoir gonflé artificiellement les prix du charbon et des biens d'équipements importés en Inde, en produisant des fausses factures. C'est un système classique de blanchiment d'argent basé sur le commerce. Les entreprises se servent de ces factures artificiellement gonflées pour placer leurs profits à l'étranger et ainsi, éviter de payer des impôts. »
Ce faisant, Adani est accusé d'avoir aussi sur-évalué les factures d'électricité pour les Indiens. L'entreprise nie toute malversation, et dans un communiqué transmis à ABC, précise que toutes ses importations se font dans le cadre d'appels d'offres évalués par les instances régulatrices, et que donc tout se fait dans les règles.
Pour l'instant, ces révélations ne remettent pas en cause le plan du gouvernement australien de donner 1 milliard de dollars à Adani. David Chaikin, professeur de droit des affaires à l'université de Sydney estime que, « en Australie, les banques, les institutions et le gouvernement ne devraient pas financer un projet quand l'entreprise bénéficiaire fait l'objet d'accusations de fraudes. Il faut attendre la conclusion de l'enquête avant de se decider à accorder, ou pas, un prêt à ladite entreprise. »
De son côté, Matthew Canavan, le ministre fédéral des Matières premières et du grand nord australien, se veut rassurant. Il a toute confiance, dit-il, dans le comité de la NAIF - c'est le nom du fonds d'investissemnet fédéral dans les infrastructures du grand nord australien. C'est lui qui doit donner son feu vert au versement d'une subvention à Adani.
Le ministre n'a pas apprécié les révélations d'ABC sur l'enquête commanditée en Inde contre Adani. Jeudi matin, il a surtout souligné les aspects positifs de ce projet de mine de charbon, sur ABC. "J'ai toute confiance dans les 36 conditions que le gouvernement fédéral a imposées à Adani, a dit Matthew Canavan. Adani va faire des choses qui vont améliorer l'environnement du centre du Queensland. Le groupe va aussi protéger 31 000 hectares supplémentaires pour fournir un habitat au diamant à bavette (un oiseau du Queensland en voie de disparition, classée espèce en danger, NDLR). La compagnie minière va aussi limiter ses prélèvements d'eau dans les sources de la région, et réinjectera 730 mégalitre d'eau dans le grand bassin artésien chaque année. Vous voyez, nous imposons des conditions très strictes, et ce projet représente un bénéfice environnemental net pour la planète, en plus de protéger l'environnement ici dans le centre du Queensland. Car notre charbon est de très haute qualité, et il remplacera le charbon de moindre qualité, extrait en Inde ou en Indonésie, donc c'est une bonne chose pour l'environnement."
D'après l'Australia Institute, un laboratoire d'idées progressiste, la méga mine de charbon devrait émettre en tout 79 millions de tonnes de carbone par an, soit plus que les émissions de Paris, New York, ou encore Tokyo.