Australie : une « nouvelle génération volée »

Dans l'État du Victoria, le nombre d'enfants aborigènes enlevés à leurs parents a augmenté de 60% en l'espace de deux ans. Et la plupart du temps, ils ne sont pas confiés à des proches et se retrouvent coupés de leurs racines aborigènes.

« Brisant le cœur de nos mères, nous séparant, enlevant les enfants »

Ce mercredi à Melbourne, dans le Victoria, Archie Road a repris les paroles de sa célèbre chanson Took the children away. Une chanson qui raconte l'histoire des Générations volées : entre 1910 et 1970, environ 50 000 enfants aborigènes ont été enlevés de force à leurs familles pour être placés dans des familles d'accueil ou dans des foyers. Les autorités voulaient ainsi qu'ils soient éduqués comme des Blancs.
 
Des milliers d'enfants aborigènes ont donc été coupés de leurs racines. Et ce n'est pas du passé, la situation actuelle est alarmante, estime le commissaire à la jeunesse aborigène du Victoria, Andrew Jackomos.
Au cours d'une enquête de deux ans, il a observé un nombre croissant d'enfants aborigènes placés par les services sociaux dans des familles d'accueil : +60% entre 2013 et 2015. Il parle d'une « situation de crise » : « Neuf enfants aborigènes sur dix sont confiés à des personnes non-aborigènes, et je sais que les préjugés racistes jouent un rôle là-dedans. Je connais des grand-mères parfaitement compétentes, aimantes, qui veulent avoir la garde de leurs petits-enfants. Moi-même, j'ai failli être placé en famille d'accueil, je sais que le système est mauvais. »

 

Les violences familiales sont la première cause des placements 

D'après le rapport rendu par Andrew Jackomos, 88% des enfants placés en ont été victimes. L'alcool et la drogue sont des facteurs cités dans 87% des cas.
Le commissaire à la jeunesse aborigène n'est pas le seul à tirer la sonnette d'alarme. Raeline Harradine met en place des projets pour les familles et les enfants aborigènes de la région de Bendigo, dans le Victoria :
« C'est une nouvelle génération volée. Il y a des enfants qui sont enlevés à leurs familles, à leurs groupes culturels ; par conséquent, ils manquent d'informations sur leurs origines et ça a des répercussions sur leur vie d'adulte. Ne pas connaître leur culture, leurs traditions, leur patrimoine, cela entame leur confiance en eux. Ce n'est que s'ils savent d'où ils viennent qu'ils peuvent être fiers de leurs origines. »
 
Le gouvernement du Victoria a accepté l'ensemble des 79 recommandations faites par Andrew Jackomos. Plusieurs changements ont d'ailleurs déjà été annoncés par les autorités locales.
Il faut maintenant passer à l'action, demande le commissaire à la jeunesse aborigène :
« On est sur la bonne voie, mais il ne s'agit pas seulement d'avoir pris de bonnes mesures et de mettre sur pied les bons programmes, il faut s'assurer que ces programmes sont bien mis en œuvre. C'est là que ça ne va pas.
Dans le Victoria, les lois sont les bonnes, les gens se parlent, il y a un dialogue constant entre les communautés aborigènes et le gouvernement, mais au quotidien, j'observe de mauvaises pratiques, j'entends toujours parler d'enfants placés dans des familles d'accueil alors que leurs grand-mères demandent à s'en occuper
. »
 
Andrew Jackomos appelle aussi à lutter contre les violences familiales à l'origine des décisions de placement. « Apprendre aux jeunes adultes ce qu'est une relation saine et respectueuse est primordiale », estime-t-il.