Les discussions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie viennent de s'achever à Paris, des décisions ont été annoncées. Décryptage avec un fin connaisseur du sujet : Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur agrégé de droit public et co-auteur d'un célèbre rapport sur le sujet.
Son nom est notamment associé aux Réflexions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, ce rapport public rendu en 2013 au Premier ministre et co-écrit avec Jean Courtial. Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur des universités et agrégé de droit public, faisait partie de la mission déployée, il y a une dizaine d'années, pour examiner les différentes hypothèses d'évolution institutionnelle.
"Les hypothèses se resserrent"
Il s'agissait d'apporter les éclairages nécessaires aux élus sur les futurs possibles. "C’était initialement une demande du Comité des signataires", resitue-t-il. "Nous avions posé sur la table plusieurs hypothèses de statut. Mais aujourd’hui, maintenant que les discussions politiques ont enfin commencé, on s’aperçoit que les hypothèses se resserrent autour de deux hypothèses principales : d’une part, la pleine souveraineté avec partenariat. D’autre part, un nouveau statut d’autonomie étendue."
A l'issue des discussions menées ces derniers jours à Paris entre une partie des politiques calédoniens et l'Etat, NC la 1ere lui a demandé sa vision sur trois points.
1. Le statut issu de l’Accord de Nouméa s’arrête-t-il au lendemain du troisième référendum ?
Ferdinand Mélin-Soucramanien : C’est l’idée que, après l’Accord de Nouméa, en quelque sorte, on tombe dans le vide… Non. Ce qu’on sait, c’est qu’il y a une forme de survie de l’Accord de Nouméa. L'Accord de Nouméa le dit nettement pour certains éléments. Il est clairement prévu que le transfert des compétences est définitif et qu’elles ne peuvent pas être "reprises", quelle que soit l’issue.
Et par ailleurs, il y a une forme de survie de l’Accord de Nouméa. Spécialement en cas de Non au référendum, en tout cas tant qu’un nouveau statut n’aura pas été adopté. Le processus de décolonisation ne va pas s’arrêter du jour au lendemain. Il a une durée indéfinie.
D’ailleurs, la Constitution française reconnaît le droit à l’autodétermination des peuples, quel que soit le processus dans lequel ces peuples sont engagés. Même en cas de succès du Non, il est certain que le droit à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie ne va pas cesser d’un coup. De même qu’il est certain que la revendication indépendantiste ne va pas cesser.
2. Quid du corps électoral ?
Ferdinand Mélin-Soucramanien : Il est certain que, en cas de succès du Non, ce sera la discussion politique la plus sensible, la plus difficile. Ce qu’on sait avec certitude, c’est que ce corps électoral devra être modifié, puisque c’est un point d’attention. La Cour européenne des Droits de l’Homme ne l’a validé que parce qu’il s’inscrivait dans un processus de décolonisation et sous réserve qu’il soit bien transitoire.
C’est la même chose pour le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat, qui ont à chaque fois rappelé que ça ne pouvait pas durer indéfiniment. En cas de succès du Oui, bien sûr, la question ne se pose pas du tout de la même manière puisque là, par hypothèse, le nouvel Etat souverain définit son corps électoral comme il l’entend.
3. A quoi servira la période de transition prévue par l’Etat ?
Ferdinand Mélin-Soucramanien : Il n’y a pas de vide. [En cas de victoire du Oui,] cette période de transition est occupée à préparer, on va dire, le départ de la France. A conclure un partenariat, puisque c’est l’hypothèse principale envisagée. Et en cas de succès du Non, cette période de transition est occupée à préparer un nouveau statut.
Un entretien de Thérèse Waïa, à visionner ici :