Face à l'explosion des ventes de voitures électriques, l'Europe a commencé à rapatrier la filière de production des batteries, mais reste loin de l'autonomie notamment pour son approvisionnement en matières premières, comme le nickel.
La Nouvelle-Calédonie doit trouver sa place dans cette filière en plein essor. Elle est le cinquième producteur mondial de nickel, avec une exploitation responsable et soucieuse de l’environnement. Telle est l'opinion de l'une des plus anciennes agences d'information sur les matières premières, Roskill.
Le nickel calédonien aura son rôle à jouer dans la production pour le marché des batteries électriques, surtout depuis que l’Usine du Sud (Prony resources) produit exclusivement du nickel de qualité NHC-MHP. Les considérations environnementales sont importantes pour les fabricants de batteries et tout particulièrement pour les producteurs de véhicules électriques.
Enjeux
L’industrie calédonienne se veut exemplaire, y compris pour son alimentation électrique qui va favoriser l’utilisation des énergies renouvelables et plus propres.
Les batteries des voitures électriques, qui pèsent entre 200 et 600 kilos et représentent une partie importante de la valeur du véhicule, sont pour l'instant fabriquées en majorité en Asie, entre la Chine, la Corée du Sud et le Japon.
Usines
Après des années à faible voltage, l'Europe compte désormais 38 projets d'usines de batteries pour un total de 1.000 gigawattheures (GWh) annuels prévus, et près de 40 milliards d'euros d'investissement, selon l'ONG Transport & Environnement.
La société suédoise Northvolt prévoit d'atteindre une capacité de production annuelle de 150 GWh en Europe d'ici à 2030, avec une grande usine en construction en Suède et deux méga-usines supplémentaires à l'étude.
Prony Resources
Son laboratoire d’étude étudie actuellement différentes sortes de nickel, l’une des matières premières essentielles entrant dans la composition des batteries. Northvolt a reçu du nickel de Nouvelle-Calédonie. Il s’agit du produit intermédiaire NCH-MHP de l’Usine du Sud (Prony Resources), a appris Outre-mer la 1ère.
Les constructeurs de voitures, qui misent sur un avenir en grande partie électrique, se positionnent et privilégient les matériaux responsables, respectueux de l’environnement.
Tesla et Trafigura
Volkswagen a investi dans Northvolt et prévoit de construire cinq autres usines. Stellantis développe deux usines, Tesla, qui a un accord commercial avec Trafigura pour acheter du nickel (NHC-MHP) à l’Usine du Sud (Prony Resources), prévoit de faire de sa nouvelle usine de Berlin "la plus grande usine de cellules au monde" avec 250 GWh en 2030.
Leurs fournisseurs asiatiques ne sont pas en reste: Envision AESC (Chine) prévoirait de s'associer à Toyota et Renault pour de nouvelles usines de batteries au Royaume-Uni et en France. LG Chem et SKI (Corée du Sud) ont ouvert des usines en Pologne et Hongrie, tandis que CATL (Chine) construit un site en Allemagne.
Volumes
"Alors qu'il y a une demande monstrueuse d'augmentation des volumes, il y a un enjeu majeur pour tous les constructeurs à casser l'oligopole des fabricants de batteries", analyse Eric Kirstetter du cabinet Roland Berger. "Mais il va aussi leur falloir accéder aux matériaux pour les cellules (anode, cathode), dont l'approvisionnement va être déterminant pour le prix et la fourniture de la batterie".
Tous ces projets sont largement soutenus par les pouvoirs publics européens, qui veulent lancer l'Europe dans l'industrie automobile du futur.
"L'Europe est devenue un carrefour mondial de la batterie, et devrait atteindre l'indépendance stratégique dans ce secteur critique", a lancé fin mars le vice-président de la Commission, Maros Sefcovic. Selon lui, ces usines devraient couvrir la demande européenne à partir de 2025.
Cet objectif est bien optimiste, selon Oliver Montique, analyste pour le cabinet Fitch Solutions, qui mise plutôt sur 2040 pour la mise en place d'une "filière complète comprenant l'extraction et le raffinement des matières premières, la construction de batteries et leur utilisation par des constructeurs européens".
Pour se démarquer de ses concurrents asiatique et américain, l'Europe compte développer des usines moins polluantes dans toute la chaîne de production.
La France et la Nouvelle-Calédonie n’ont pas attendu, en facilitant la relance de l’usine de nickel calédonienne du Sud, en développant les projets dans les énergies renouvelables, en finançant le projet Lucy de stockage innovant des résidus miniers.
Une nouvelle norme, en cours de discussion, pourrait aussi imposer un approvisionnement responsable en matières premières, en accord avec le LME de Londres, et un recyclage optimal des batteries.
Enjeux
Pour développer la prochaine génération de batteries, et moins dépendre de la technologie litihum-ion, dominée par des leaders asiatiques, la Commission européenne a lancé en janvier son deuxième "projet d'intérêt commun", soit un ensemble de programmes de recherche financés à hauteur de 2,9 milliards d'euros.
Ces usines pourraient créer sur le continent 800.000 emplois, pour lesquels il faudra vite former des salariés, souligne la Commission.
Il faudra aussi que les ventes de véhicules électriques suivent, prévient Transport & Environnement. Des normes trop timides contre les émissions de CO2 freineraient l'électrification du marché et l'Europe se retrouverait en surproduction, selon l'ONG, qui demande une interdiction de la vente des moteurs à essence ou diesel dès 2035.
Une fois les usines en marche, il faudra les approvisionner en matières premières: les besoins en lithium devraient être multipliés par 18 d'ici 2030, selon la Commission européenne.
L'industrie aura également besoin de cinq fois plus de cobalt et de nickel. Concernant le lithium, l'Europe peut compter sur de larges gisements sur son territoire (en Tchéquie, en Pologne ou en Allemagne, entre autres). Le groupe minier français Eramet a réalisé, avec succès, un test pour extraire du lithium des saumures d'une station géothermale dans le Bas-Rhin, en Alsace.
Selon Oliver Montique, l’Europe doit aussi "développer des accord d'approvisionnement avec les pays aux ressources abondantes, à la diplomatie favorable, et aux infrastructures solides, histoire de "ne pas être menacée au niveau commercial ou politique". Dans le Pacifique-Sud, avec l’Australie, la Nouvelle-Calédonie a donc toute sa place pour le nickel.
LME
Le nickel a subi une correction négative cette semaine. Hausse du dollar et baisse de l’acier inoxydable ont pesé sur les cours du métal. "Mais les fondamentaux restent bons, avec les batteries électriques" a conclu Alastair Munro, analyste du négociant Marex Spectron.
LME-Nickel : 17 177 dollars la tonne, -6% sur la semaine.