Calédoniens ailleurs : Elsy Bokoe-Gowe, à l’école de la vie

Calédoniens ailleurs : Elsy Bokoe-Gowe, à l’école de la vie
Nombre de nos compatriotes font le choix de quitter la Nouvelle-Calédonie. Etudes, recherche d'emploi, envie d'ailleurs, les raisons sont multiples. Mais qui sont ces Calédoniens qui tentent l'aventure ailleurs ? Cette semaine, Elsy Bokoe-Gowe, étudiante à l’Inalco en anthropologie sociale.
Pour Elsy, l’école, c’est toute sa vie. «Un rêve», «un point fort» mais aussi une ancre à laquelle se raccrocher quand les ennuis et les obstacles fragilisent voire mettent à mal son parcours. Un tel attachement qui fait qu’aujourd’hui, à 32 ans, la Calédonienne est toujours sur les bancs de l’école bien décidée à «assouvir sa soif de connaissance» et à aller au bout de ses projets. 

Celle qui a connu «un parcours chaotique, très difficile», apprend à aimer l’école grâce à sa tante, institutrice. Elsy, élève à l’école de la tribu de Montfaoué à Poya – dont elle est originaire - puis à l’école Saint-Jean-Bosco de la tribu d’Azareu à Bourail, se promet d’aller «loin dans les études». Malgré un contexte familial compliqué, la Kanak s’accroche. Au collège du Sacré-Cœur de Bourail, ses profs lui conseillent la voie professionnelle quand elle est en 3e. Un choix qui ne lui convient guère. «J’ai décidé de redoubler pour avoir de meilleures notes et pouvoir intégrer le lycée général Apollinaire Anova de Païta.»  L’arrivée dans la capitale, le fait d’avoir redoublé, un quotidien délicat à gérer, autant d’épreuves qui mènent Elsy à une importante remise en question. « Je me suis découragée et les premiers temps, le lycée a été un échec pour moi. » Grâce à l’implication de ses enseignants, la jeune fille s’accroche et obtient son bac section Littéraire en 2006. Surtout la Calédonienne découvre une matière qu’elle aime et dans laquelle elle excelle : l’apprentissage des langues kanak. Elle perfectionne ainsi son a’jië, qu’elle passe d’ailleurs en option au bac. Cet amour des langues lui donne de nouvelles perspectives d’avenir.  "Mon professeur, Monsieur Assia Boai, m’a poussé dans cette voie et m’a conseillé de devenir professeur de langues kanak. Pour lui, j’étais faite pour ça. » 

Malgré les obstacles administratifs, économiques et personnels, Elsy s’inscrit en licence à l’Université de Nouvelle-Calédonie. Mais sa situation ne lui permet pas de poursuivre sa scolarité. Entre 2007 et 2010, la jeune femme est contrainte de laisser tomber plusieurs fois ses études pour subvenir à ses besoins. En 2011, une parenthèse  la conforte dans son idée de continuer et de devenir professeur. Elle accepte d’être enseignante remplaçante à l’école de sa tribu à Poya. « J’ai eu une vraie prise de conscience. Mes élèves parlaient et comprenaient le français et l’a’jië mais ne maîtrisaient pas totalement les deux langues. Pour moi, enseigner le français autant que les langues kanak permettraient de résoudre des problèmes d’incompréhension. Un enfant plurilingue s’en sort parfois mieux qu’un élève monolingue. »  En 2012, forte de ses réflexions sur l’apprentissage des langues, Elsy fait son retour à l’UNC en licence LLCER (Langues, Littérature, Civilisations étrangères et régionales) parcours langues et cultures océaniennes.

Un très grave accident de voiture en 2013 met à frein à son projet mais la Calédonienne n’abandonne pas. «Ma passion pour l’école et mes objectifs à atteindre m’ont permis de quitter mon fauteuil roulant et de m’envoler vers d’autres horizons. » Diplômée en 2015, elle s’installe à Paris où, sur les conseils d’une professeure à l’université, la Kanak suit des cours à l’Inalco. Après une réorientation disciplinaire et un temps d’adaptation nécessaire à sa nouvelle vie, Elsy est en master 2 de recherche d’anthropologie sociale. Si l’étudiante envisage de poursuivre en doctorat, elle souhaite rentrer au pays dans un premier temps. « Je veux m’investir pour les jeunes dans le domaine de l’éducation et des langues. Notamment valoriser et promouvoir l’écriture de ma langue, l’a’jië. »

Pour que l’école soit une réussite pour tous, Elsy réfléchit à d’autres moyens d’enseigner. Elle nous l’explique en prenant comme exemple la culture de l’igname.
Calédoniens ailleurs : Elsy Bokoe-Gowe, à l’école de la vie


par ambre@lefeivre.info