Calédoniens ailleurs : Johan, pilote de chasse à la trajectoire improvisée

Calédoniens ailleurs : Johan, pilote de chasse à la trajectoire improvisée
Nombre de nos compatriotes font le choix de quitter la Nouvelle-Calédonie. Études, recherche d’emploi, envie d’ailleurs, les raisons sont multiples. Mais qui sont ces Calédoniens qui tentent l’aventure ailleurs ? Cette semaine, Johan, pilote de chasse.
Par mesure de sécurité, certaines informations sont passées sous silence.

Ils sont deux Calédoniens à savoir piloter un avion de combat : le commandant Richard et l’aspirant Johan. Des parcours exceptionnels, des destins admirables. Une trajectoire inattendue pour Johan.  Au lycée, le métis kanak originaire de la tribu de La Conception se cherche. Médecin, pilote de ligne, certains métiers l’attirent mais sans déclencher de réelle vocation. L’idée d’intégrer l’armée de l’air lui trotte déjà dans la tête. « Être à la pointe de la technologie et l’aspect tradition et respect des valeurs m’ont toujours attiré. » En 2013, le bac obtenu, Johan tente une première année de médecine. Constat est fait quelques mois plus tard que cette voie-là n’est pas pour lui. « Je me suis rendu compte que j’aimais être dehors. » Le Calédonien se tourne alors vers son deuxième choix : pilote. L’étudiant se lance dans les démarches dont celle, fastidieuse, de trouver des moyens financiers pour intégrer une école privée. Deux prêts plus tard, Johan rejoint l’Airways College à Agen. Une école qui lui avait été recommandée par d’autres Calédoniens. Cette seconde voie est la bonne. « Dès le début, je me suis dit ‘c’est exactement ce qu’il me faut’. Même si rapidement - dès notre premier meeting aérien à Toulouse - j’ai eu envie de piloter un avion de chasse. »
 
Johan rêvait de devenir pilot de chasse

Décidé à relever ce défi, le métis kanak visite la base aérienne de Cazaux, effectue des simulations, se renseigne pour intégrer l’armée de l’air. Diplômé deux ans plus tard en tant que pilote professionnel, Johan passe peu de temps après le concours d’Elève Officier du Personnel Naviguant de l’armée de l’air. Une sélection drastique y est faite. « Le concours est ouvert à tous ceux qui ont le bac, ils doivent avoir entre 18 et 27 ans. Environ 1500 candidats se présentent pour une centaine retenue. Et surtout, on ne peut le passer qu’une seule fois. Je n’avais qu’une seule chance. » Sur une semaine - en novembre 2016 - Johan, qui s’est préparé rigoureusement pendant deux mois, enchaîne les épreuves : maths, physiques, anglais, connaissances générales, tests psycho-techniques et tests psycho-moteurs. « Les deux premiers jours, trois quarts des candidats sont éliminés. » Retenu, le Calédonien n’en a pas encore fini avec le processus de recrutement. « Deux fois par an, une commission refait une sélection par rapport à notre dossier. Pendant une semaine, j’ai rencontré psychologue, médecin, pilote… Puis nous effectuions une grosse batterie de tests et d’importants examens médicaux à l’hôpital militaire. » En trois étapes, sur six mois environ, Johan décroche le précieux sésame. Le jeune homme intègre le 1er mai 2017 la base aérienne de Salon-de-Provence, l’école des officiers de l’armée de l’air. Le voilà engagé pour dix ans. Pendant trois mois, le Calédonien va apprendre ce qu’est le « métier de militaire » : tir, survie, saut en parachute, combat… Johan débute en parallèle sa formation en tant que futur pilote. Ses compétences sont constamment évaluées. Six mois après ses débuts, c’est au cours d’un conseil d’orientation qu’il choisit définitivement de devenir pilote de chasse.
 
Le 21 novembre, le Calédonien a reçu ses ailes de pilote de chasse

Car le Calédonien le sait maintenant, ce métier « c’est ce qui le faisait rêver. » Sur les bases aériennes de Cognac et de Tours, le jeune homme apprend à voler sur différents avions de chasse comme le TB30 Epsilon ou l’Alphajet. Le 21 novembre 2019 marque la fin d’un premier cycle pour Johan. Le Calédonien a reçu en présence du commandant Richard ses ailes de pilote de chasse. Le fameux macaron. Basé à Cazaux depuis octobre, Johan apprend maintenant « la guerre aérienne ». « On apprend à faire du combat : air / air et air / sol. » Ce cycle de huit mois terminé, Johan repassera devant un conseil d’orientation pour définir en fonction de son classement quel escadron il rejoindra. Toutefois, protéger et combattre ne seront pas pour tout de suite. L’aspirant Johan doit encore connaître une phase d’apprentissage sur Rafale ou sur Mirage 2000 puis obtenir sa qualification de pilote opérationnel. Celle qui lui permettra de partir éventuellement en opération extérieure. A 24 ans, alors qu’un nouveau chapitre de sa vie s’ouvre, le Calédonien ne touche plus terre, au sens propre comme au figuré. « J’ai suivi mes rêves. Un rêve qui est venu au fur et à mesure que je m’imprégnais du milieu aéronautique. C’est pour moi le meilleur métier du monde. »

Le reportage de Pierre Lacombe sur l'aspirant Johan 
Deux pilotes de chasse calédoniens dans l'armée de l'air

par ambre@lefeivre.com