Calédoniens ailleurs : Patchouli Sipa, une vie dédiée aux autres

Calédoniens ailleurs : Patchouli Sipa, une vie dédiée aux autres
Nombre de nos compatriotes font le choix de quitter la Nouvelle-Calédonie. Études, recherche d’emploi, envie d’ailleurs, les raisons sont multiples. Mais qui sont ces Calédoniens qui tentent l’aventure hors du Caillou ? Cette semaine, Patchouli Sipa, retraité de l’armée.
 
Des décennies à servir son pays, des années à œuvrer pour sa communauté et maintenant, en plein confinement, des heures à s’investir pour les plus démunis. Ancien militaire, élu municipal, agent polyvalent au service des handicapés, Patchouli Sipa a dédié sa vie aux autres.

Pourquoi une telle envie de s’engager ? « Si vous avez commencé à aider, vous aiderez toute votre vie. C’est cela rendre service à quelqu’un », répond le Maréen. Une philosophie inculquée dès son plus jeune âge. « J’ai été élevé en collectivité. Nous étions une famille nombreuse, chacun savait ce qu’il avait à faire, on ne profitait pas des uns des autres. » De cette unité, le Kanak a « appris le sens du partage ». Un état d’esprit qui incite rapidement Dokucas, de son prénom en nengone, à s’engager au sein de l’armée. « J’ai toujours eu envie d’y entrer. Mon père était engagé volontaire pendant la Seconde guerre mondiale, mon grand-père avait participé à la Première. L’uniforme a toujours été présent à la maison. Je trouvais que l’armée était un engagement fiable. » Un CAP de maçonnerie en poche, il s’engage dès l’année suivante. Audacieux, il choisit de devenir parachutiste, une troupe d’élite de l’armée de terre. « Je voulais voyager. » Sa détermination, sa rigueur et sa condition physique payent. Il intègre en 1978 le 425e bataillon de parachutistes à Pau faisant de lui le premier sous-officier Kanak à intégrer les paras.
 
Premier sous-officier Kanak à intégrer les parachutistes, Patchouli a eu le privilège de rencontrer Mère Thérésa

L’armée devient alors « toute sa vie ». Unité et dévouement, son quotidien. « Notre mentalité était un pour tous et tous pour un. » Pendant près de trente ans, le Calédonien est envoyé sur le théâtre d’opérations particulièrement sensibles. Patchouli se rend six fois au Liban dans les années 70-80, au Tchad, en Côte d’ivoire, en République centrafricaine du temps de Bokassa ou encore en Yougoslavie dans les années 90. Si le Kanak a vu bien des atrocités de guerre, ce qui le marquera de ces années sont « la faim et la misère. » « L’humain est de cœur un peu sauvage. » Fier de sa carrière, de son expérience, lui qui un jour fut Casque Bleu et a pu protéger Mère Theresa, décide de prendre sa retraite en 2003, à 44 ans. « L’armée s’ouvrait sur une nouvelle époque. J’avais l’impression de n’avoir plus rien à donner. » Le retour à la vie civile n’est pas des plus faciles. Le choc passé, il faut (ré)apprendre ce quotidien qu’il n’a jamais connu. Stages et entretiens permettent à Patchouli de rebondir en tant que responsable des services généraux dans une entreprise d’informatique, installée près de Roissy. Pendant quinze ans, il goûte à cette autre vie « plus teintée » que celle de l’armée « où tout était blanc ou noir. »
 
Depuis 2014, le Calédonien est élu municipal à Egly, dans l’Essonne, là où il vit

De sa philosophie de vie et de son passé militaire, le Calédonien garde cette envie d’œuvrer pour les autres. En 2014, il devient élu municipal dans la commune francilienne où il réside avec sa famille. « J’avais envie de rendre service à la population et notamment de donner un coup de main pour le sport », explique cet ancien champion de boxe de Nouvelle-Calédonie. En 2018, Patchouli souhaite aller plus loin. Il devient pour sa ville agent polyvalent afin de conduire les enfants handicapés à leur école. « Ce nouveau métier, c’est pour m’assagir. J’ai vu tellement d’horreurs dans ma vie. Travailler avec cette école, c’est peut-être pour demander pardon. C’est l’appel de la sagesse. » Cette année, ce grand-père et père de famille a été réélu au conseil municipal. « Je dois m’occuper des cérémonies militaires et devoirs de mémoire. » En plein confinement, Patchouli a eu envie d’aider les autres encore une fois. Il s’est porté volontaire auprès d’associations pour transporter des vivres à des SDF et des familles défavorisées. Un autre moyen pour le Maréen de « donner la main à tout le monde ». « J’aime rester simple. Ce que j’ai fait, c’est pour moi. »
 
Patchouli profite de sa famille, lui qui est père de deux filles et grand-père de deux petits garçons

par ambre@lefeivre.com