"Il existe des juges pour vérifier que les mesures prises par l'administration respectent le droit et les libertés fondamentales", assure une brochure intitulée "Découvrir la justice administrative : que fait-elle pour vous ?"
Selon le site du ministère de la Justice, cette juridiction permet aux citoyens, aux associations ou aux entreprises de :
- demander l’annulation totale ou partielle d’une décision administrative ou fiscale : un arrêté de refus de permis de construire, par exemple,
- engager la responsabilité de l’administration publique : par exemple, celle d’un établissement hospitalier qui aurait commis une erreur et fait subir un préjudice à un patient,
- contester la régularité des élections.
Gratuit, sans obligation de choisir un avocat
La justice administrative juge également les litiges entre administrations, l’État contre une collectivité territoriale par exemple. Il tranche dans différents domaines : impôts, contrats administratifs, libertés publiques, urbanisme, droit social... Si le requérant n'est pas satisfait de la décision, il peut faire un recours devant la cour administrative d'appel, et saisir le Conseil d'État en dernier recours, en "cassation".
Si la situation est urgente, il existe le référé, qui permet d'obtenir une décision en quelques jours, voire quelques heures si nécessaire.
L'appui d'un avocat n'est pas obligatoire : si vous demandez l'annulation d'un acte par exemple, vous pouvez le faire vous-même en saisissant par télérecours via le site du tribunal administratif. Mais si vous souhaitez réparer un préjudice de l'État, il est obligatoire d'avoir recours à un avocat.
Une activité soutenue
Treize audiences calédoniennes, une pour Wallis-et-Futuna : c'est ce qui est prévu en moyenne par an. Les neuf magistrats et greffiers ont connu une année record en 2024.
Tous les jours - ou presque -, la juridiction reçoit des requêtes de fonctionnaires d'État ou territoriaux. "On est le juge de l'administration. Elle prend des décisions, administratives, vis-à-vis de ses propres agents, et nous sommes compétents, explique Gilles Prieto, rapporteur.
"C'est gratuit : il n'y a pas de frais à acquitter pour nous saisir, précise le président des tribunaux administratifs de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna, Hugues Delesalle. Et on est très peu formalistes sur la façon dont nous sommes saisis. Dès lors qu'un particulier nous expose sa demande, et qu'il joint la décision qu'il attaque, en expliquant globalement sa démarche, pour nous c'est suffisant."
On est très peu formalistes, et très pratiques, dans l'intérêt du justiciable. On interprète de façon bienveillante les requêtes, surtout quand elles sont présentées sans avocat.
Hubert Delesalle, président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie
Le particularisme calédonien
La grande spécificité de la Calédonie, ce sont les textes applicables. "Beaucoup de dispositions de l'Hexagone [n'ont pas cours] ici. Et donc il faut déterminer les textes applicables localement, et c'est un énorme travail, selon Hubert Delesalle. Il y a tout un droit local, qui n'est pas facile à manier et à appréhender. Et avec des questions de compétences qui se posent régulièrement et qui sont redoutables, pour lesquelles on peut saisir le conseil d'État, d'ailleurs."
"Ce qu'il faut savoir aussi, c'est qu'à chaque fois qu'une loi du pays est prise, les textes prévoient que le conseil d'État, donc notre juge de cassation, soit saisi pour avis en tant que conseiller, rappelle Gilles Prieto. Systématiquement."
Sur les tendances, contrairement à l'Hexagone, la Nouvelle-Calédonie ne connaît pas d'explosion des contentieux des étrangers, qui représentent 40 % des requêtes au niveau national, en moyenne. Ici on en dénombre cinq en 2023, aucune en 2024. Sur les conditions d'incarcération des détenus par contre, la juridiction est sollicitée depuis plusieurs années.
"Et les contentieux miniers, on en voit assez peu au niveau national. Sauf en Guyane", ajoute Gilles Prieto, qui a exercé dans ce département d'outre-mer. "La différence, c'est le code minier local, alors qu'en Guyane, c'est le code minier international qui s'applique", indique Hubert Delesalle.
L'environnement, un sujet confié à des spécialistes
Enfin, on retrouve des contentieux en rapport avec la mer : les campagnes de pêche de requins dans la province Sud, l'arrêté relatif aux réserves du parc naturel de la mer de corail, l'optimisation de la capacité de diffusion de l’émissaire marin de l’usine du Sud... "Ce sont sans doute les affaires les plus complexes et les plus lourdes, parce qu'on a beaucoup d'écritures. Généralement, ce sont des avocats parisiens qui interviennent, et ils sont très pointus sur ces questions-là", remarque Gilles Prieto.
"Il y a une autre particularité marquante, c'est qu'on est un tout petit tribunal (le plus petit après celui de Papeete, qui compte un greffier en moins), rappelle le président. Donc on fait tout. On traite tous les contentieux dont nous sommes saisis. Alors que la plupart des tribunaux de l'Hexagone ont plusieurs chambres, spécialisées par matière."