Congrès, audit sur la décolonisation, discussions sur l’avenir…ce qu’on peut retenir de l’entretien de Gil Brial, porte-parole de l’intergroupe des Loyalistes au Congrès

Gila Brial, porte-parole de l’intergroupe des Loyalistes au Congrès, invité du JT du 4 septembre 2022
Après l’élection de Roch Wamytan à la présidence du Congrès, Gil Brial, son concurrent malheureux à ce poste, était l’invité politique du JT dimanche 4 septembre. Il est revenu également sur l’audit sur la décolonisation lancé par l’État ou sur les discussions sur le prochain statut de la Nouvelle-Calédonie.

Le 30 août dernier, il se présentait comme candidat unique des non-indépendantistes à la présidence du Congrès. Malgré l’union affichée, Gil Brial n’a pas été élu, les élus de l’Éveil océanien ayant choisi de voter pour le président sortant, le candidat indépendantiste Roch Wamytan, au nom de la stabilité institutionnelle. 
Invité politique du journal télévisé du dimanche 4 septembre, Gil Brial est revenu sur cette élection mais aussi sur les discussions sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie et l’audit de la décolonisation annoncé par l’État. 

Un Congrès qui ne représente pas la population calédonienne

Gil Brial a une nouvelle fois soulevé le problème de la représentativité au Congrès avec un poids des élus différent selon les provinces. Pour le porte-parole de l’intergroupe des Loyalistes au Congrès, il faudra, dans la future organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, "avoir, si on garde la formation du Congrès, un Congrès qui soit représentatif de la population de l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie". 
Et de dénoncer les incohérences du système actuel : "Quand on prend les élections de 2019, les élus indépendantistes qui siègent au Congrès aujourd’hui ont eu 41 700 voix. Les élus loyalistes ont eu 48 200 voix. Il y a 16 % de différence et pourtant, à la fin, les indépendantistes ont un siège de plus. C’est à dire que même quand on rajoute les 6 077 voix de l’Éveil océanien, le bloc EO plus indépendantistes reste en nombre de voix inférieur aux non-indépendantistes. C’est là que je dis qu’il y a une incohérence. En tout cas, ce n’est pas démocratiquement proportionnel".

Le cas de l’Éveil océanien

Roch Wamytan a été reconduit à la présidence du Congrès avec les voix des élus de l’Éveil océanien. Pour Gil Brial, le mouvement de Milakulo Tukumuli "aujourd’hui bascule vers l’indépendance".
"Chacun a le droit de choisir un camp, mais ça ne correspond pas à la base qui leur a permis d’être élus en 2019. Et ce qui me dérange profondément, c’est cette volonté d’appuyer sur la communauté wallisienne et futunienne, dire que c’est une liste communautaire, et qui entraîne une communauté qui est majoritairement pour maintenir la Nouvelle-Calédonie dans la France, et qui veut être son seul représentant aujourd’hui au Congrès". 

Manque d’ouverture

L’élu regrette également le manque d’ouverture des indépendantistes dans le partage des responsabilités. 
Et d’évoquer notamment la commission des finances que les loyalistes ont vainement demandé.  
"Le vote du budget est vraiment un acte politique majeur et quand vous donnez la présidence de la commission des finances à l’opposition, ça lui permet de faire les auditions nécessaires, de s’assurer que le budget correspond vraiment à l’intérêt général. Donc on a fait cette demande et ça a tout de suite été non. Les indépendantistes ont trusté la commission des finances, mais également la règlementation économique et fiscale. Et dans le vote du budget, on a eu la même problématique. On a essayé d’avoir une opposition constructive, d’apporter des améliorations, mais tous les amendements ont été rejetés parce que ça venait de nous". 

L’indispensable unité des loyalistes

L’unité affichée des non-indépendantistes qui se sont rangés derrière sa candidature à la présidence du Congrès était-elle de circonstance ou va-t-elle tenir jusqu’aux discussions institutionnelles ? 
" À chaque fois qu’on est désunis, le camp majoritaire en Nouvelle-Calédonie, de ceux qui veulent rester au sein de la République française, perd quelque chose. On ne peut plus continuer comme ça" réagit Gil Brial. "On est obligés d’être unis à un moment important de l’Histoire parce que c’est dans les prochains mois qu’on va écrire l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, celui de nos enfants, pour des dizaines d’années". 

C’est fondamental qu’on ait une même position (avec nos différences), face à l’État et face aux indépendantistes pour aborder ces discussions

Gil Brial à propos de l'unité des loyalistes


Les partis loyalistes entendent continuer à travailler ensemble pour  "porter un projet commun sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. On va avoir face à nous des indépendantistes qui sont parfois de mauvaise foi, à qui il va falloir répondre, et il faut être unis pour ça".

La question de la réouverture du corps électoral

Des discussions dans lesquelles les non-indépendantistes entendent bien évoquer la question du gel du corps électoral. Un gel qui ne doit pas durer selon Gil Brial. 
" Dans le futur statut, il faut remettre sur la table le corps électoral gelé qui ne peut plus tenir. Il était acceptable au niveau constitutionnel et au regard des droits de l’Homme européens, parce que c’était temporaire, parce que c’était dans la durée de l’Accord de Nouméa" explique-t-il. "Je rappelle que quand les Calédoniens valident l’Accord de Nouméa à 72 % en 1998, ils valident un corps électoral glissant. C’est à dire qu’au bout de dix ans de présence en Nouvelle-Calédonie, on peut participer aux élections provinciales. Ça a été changé à l’encontre de la volonté des Calédoniens et ça ne pourra pas perdurer dans les prochains statuts".

Favorable aux bilatérales, sous conditions

La visite prochaine annoncée de Jean-François Carenco, le ministre délégué aux Outre-mer est une bonne nouvelle pour Gil Brial. "Pour nous, c’est le début des discussions pour la sortie de l’Accord de Nouméa".
Il se dit favorable aux discussions bilatérales réclamées par les indépendantistes, entre l’État et les indépendantistes d’une part, mais aussi entre l’État et les loyalistes. À deux conditions toutefois.

La première, c’est que ce soit des espaces de discussions, pas de négociations, et encore moins d’accord. Les négociations se feront à trois

Gil Brial, sur les conditions des discussions bilatérales


L’autre condition, c’est que ces bilatérales servent effectivement à préparer les discussions de sortie de l’Accord de Nouméa. 
"Il n’est pas question de dire qu’on veut les bilatérales avec l’État et qu’après, on ne veut plus de discussions à trois. Quand j’entends le discours de Daniel Goa, le président de l’Union calédonienne, où il explique qu’ils vont négocier auprès de l’État une date de l’indépendance, et une fois qu’ils auront l’indépendance, ils négocieront avec les loyalistes… Ce n’est pas comme ça que ça va se passer". 
Pour Gil Brial, les discussions devront se baser sur les résultats des référendums successifs. "Les Calédoniens se sont exprimés de manière majoritaire. Il ne fallait pas nous poser la question trois fois si c’était pour ne pas l’entendre. Ce résultat, on l’a retrouvé aux élections législatives, aux élections provinciales, à chaque fois on est majoritaire et à chaque fois, ça se passe de manière paisible. Donc, on a répondu à toutes les attentes de l’ONU, du monde qui regardait la Nouvelle-Calédonie pour voir si l’État nous accompagnait. Maintenant, on doit préparer pour nos enfants cette Nouvelle-Calédonie sereine, dans la paix et au sein de la République française". 

Audit de la décolonisation

Pour préparer les futures discussions, l’État a également annoncé un audit de la décolonisation, dont le principe avait déjà été acté lors d’un comité des signataires en novembre 2017.
"C’est une demande des indépendantistes à la base, mais je trouve que cette demande est intéressante" souligne Gil Brial. "C’est voir quel est le rôle de l’État dans le processus de décolonisation, en prenant en compte la doctrine de l’ONU qui est de regarder si l’État nous a permis d’avoir des conditions qui ont permis aux Calédoniens de choisir pacifiquement et librement l’accès de la Nouvelle-Calédonie à l’autodétermination, pas à l’indépendance. Pour ça, on établit des critères : est-ce que les Calédoniens ont pu choisir librement ? Est-ce qu’ils ont été éclairés sur leur choix ? Est-ce que l’État a utilisé la force pour régler des conflits ou pour orienter le vote des Calédoniens ? Est-ce que les Calédoniens maîtrisent leurs ressources naturelles ? Est-ce que l’État accompagne la Nouvelle-Calédonie dans une politique régionale ?"
Gil Brial qui se dit "convaincu que l’État a joué pleinement son rôle. Il nous a accompagnés sur le chemin de l’autodétermination et les Calédoniens ont choisi librement de rester au sein de la République française".

Quel avenir pour le Méridien de la pointe Magnin ?

Interrogé également sur le devenir de l’hôtel Méridien de Nouméa, le 2ème vice-président de la province Sud a évoqué l’éventualité d’une mise en sommeil de l’établissement.
Le Méridien avait été réquisitionné pendant plus de 20 mois pour accueillir les passagers en quatorzaine, puis en septaine, pendant la crise Covid. 
"Pendant ces réquisitions, on a mis des personnes qu’on a maintenues quatorze jours dans une chambre d’hôtel, en sortant très peu, mais sans faire les entretiens, sans faire le ménage courant. Si bien qu’il y a eu une dégradation accélérée des conditions d’accueil de ces chambres et aujourd’hui, les experts estiment qu’il y a 650 millions [CFP] de travaux de rénovation" explique Gil Brial, rappelant que l’hôtel de la pointe Magnin était en bon état puisqu’il avait fait l’objet d’une rénovation de 2 milliards en 2015. 
"L’objectif, c’est de limiter la casse sociale, c’est d’avoir une réponse du gouvernement qui puisse nous accompagner et qui finance ces travaux. Si ça c’est mis en place, il n’y a pas de raison de fermer l’hôtel. L’hôtel aujourd’hui, c’est plusieurs métiers, c’est de l’hébergement, de la restauration, et le spa. S’il y a une mise en sommeil, ce sera une mise en sommeil de l’hébergement, parce qu’on n’a pas la capacité d’accueillir les personnes dans le standard de Marriott (gestionnaire de l’hôtel)".

Un entretien avec Steeven Gnipate à retrouver ci-dessous 

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