Coronavirus : les craintes de la Banque mondiale pour la région Asie-Pacifique

Port Moresby capitale de la Papouasie-Nouvelle-Guinée
Le virus est désormais à l’origine d’un choc mondial. Les pays du Pacifique, qui se remettent des tensions commerciales et sont aux prises avec la pandémie de Covid-19, sont confrontées à la perspective d’un choc financier et d’une récession à l'échelle mondiale.
Grâce à des politiques macroéconomiques solides et à une réglementation financière prudente, la plupart des pays de la région sont en mesure de faire face à des turbulences d’une ampleur normale. Or, souligne la Banque mondiale "nous assistons actuellement à une combinaison inhabituelle d’événements perturbateurs qui se renforcent mutuellement et semblent rendre inévitable l’émergence de difficultés économiques considérables dans tous les pays." Dans son dernier rapport consacré à la situation économique en Asie de l’Est et Pacifique et intitulé East Asia and Pacific in the Time of COVID-19, la Banque mondiale appelle les gouvernements de la région à agir dès maintenant pour atténuer une partie des effets immédiats de la pandémie, avec des investissements d’urgence dans les capacités sanitaires et l’adoption de mesures budgétaires ciblées.

Projections incertaines
Dans un environnement en évolution rapide, il est extrêmement difficile d’établir des projections de croissance précises. C’est pourquoi le rapport propose à la fois une hypothèse de référence et un scénario plus pessimiste. Selon ces scénarios, la croissance régionale devrait, au mieux, ralentir à 2,1 % en 2020 et au pire tomber dans le négatif à -0,5 %, contre un taux estimé à 5,8 % pour l’année 2019. En Chine, la croissance devrait chuter cette année à 2,3 % selon le scénario de référence ou à 0,1 % dans l'hypothèse basse, contre 6,1 % en 2019. L'endiguement de la pandémie permettrait une reprise soutenue dans la région, même si les risques liés aux tensions sur les marchés financiers devraient rester élevés.

Un choc économique et social
Le choc provoqué par le coronavirus aura également de graves répercussions sur la pauvreté. Dans le scénario de croissance de référence, ce sont près de 24 millions de personnes de moins qui sortiront de la pauvreté en 2020 dans la région à cause de la pandémie (avec un seuil de pauvreté fixé à 5,50 dollars par jour). Si la situation économique devait encore se détériorer et que le scénario pessimiste devait prévaloir, quelque 11 millions de personnes supplémentaires pourraient tomber dans la pauvreté. Selon des projections régionales antérieures, près de 35 millions de personnes auraient dû sortir de la pauvreté en 2020, dont plus de 25 millions rien qu’en Chine.

Tensions
"Les pays d’Asie de l’Est et du Pacifique qui subissaient déjà les tensions commerciales internationales et les répercussions de la propagation du coronavirus en Chine sont maintenant confrontés à un choc mondial, souligne Victoria Kwakwa, vice-présidente de la Banque mondiale pour l’Asie de l’Est et le Pacifique. "Heureusement, cette région dispose d’atouts qu’elle peut exploiter, mais les pays devront agir rapidement et prendre des mesures d’une ampleur inimaginable jusqu’ici."

La Banque mondiale, institution financière de l'Organisation des Nations unies (ONU), recommande notamment d'investir de toute urgence dans les capacités nationales en matière de soins de santé et la préparation à plus long terme. Il suggère également d’adopter une approche qui intègre les mesures d’endiguement de l’épidémie et les politiques macroéconomiques. Des mesures budgétaires ciblées, telles que des subventions pour les indemnités de maladie et les soins de santé, contribueraient à l'endiguement et veilleraient à ce que la privation temporaire de ressources ne se traduise pas par des pertes de capital humain à long terme. "Outre des actions nationales ambitieuses, une coopération internationale plus poussée constitue le vaccin le plus efficace contre cette menace virulente. Les pays d’Asie de l’Est-Pacifique et d’ailleurs doivent lutter ensemble contre cette maladie, maintenir les échanges commerciaux ouverts et coordonner la politique macroéconomique", affirme Aaditya Mattoo, économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Asie de l’Est et le Pacifique.

Partenariat
Le rapport appelle à une coopération internationale et à de nouveaux partenariats public-privé transfrontaliers en vue d’accélérer la production et la fourniture de matériel et de services médicaux essentiels face à la pandémie, mais aussi de garantir la stabilité financière par la suite. L’ouverture commerciale doit être préservée pour permettre à tous les pays de se procurer des fournitures médicales et autres produits indispensables, et pour faciliter le redressement économique rapide de la région.

Faciliter le crédit aux ménages
Sur le plan des politiques à mener, le rapport recommande en outre d’assouplir le crédit pour permettre aux ménages de lisser leur consommation et aux entreprises de survivre au choc immédiat. Toutefois, étant donné le risque d’une crise prolongée, le rapport souligne la nécessité de coupler ces mesures avec une surveillance réglementaire, d’autant plus que l’endettement des entreprises et des ménages est déjà lourd dans de nombreux pays de la région. Pour les pays plus pauvres, un allègement de la dette sera nécessaire, afin que les ressources indispensables puissent être consacrées à la gestion des conséquences économiques et sanitaires de la pandémie.

Fragilité du secteur touristique
Le rapport souligne également un risque nettement accru de paupérisation pour les ménages qui dépendent de secteurs particulièrement exposés aux effets du coronavirus, comme le tourisme en Thaïlande et dans les îles du Pacifique ou l’industrie manufacturière au Cambodge et au Viet Nam, et plus généralement dans tous les pays pour les travailleurs du secteur informel. Dans certains pays, les conséquences de la pandémie viennent aggraver des conditions locales, comme les sécheresses (Thaïlande) ou les chocs liés aux produits de base (Mongolie).

Ce que dit la Banque mondiale 
Dans les pays insulaires du Pacifique, les perspectives pour 2020 sont exposées à des risques importants car ces économies sont tributaires de l’aide, du tourisme et des importations.

En raison de la pandémie de Covid-19, les conjonctures économiques nationales et régionales sont très fluctuantes et sujettes à des évolutions quotidiennes. L’analyse présentée dans le rapport se fonde sur les dernières données nationales disponibles en date du 27 mars.

Aide et soutien
Le Groupe de la Banque mondiale mobilise une aide rapide d’un montant de 14 milliards de dollars afin de renforcer l’action des pays en développement face à la pandémie de Covid-19 et accélérer la vitesse de rétablissement. Cet appui immédiat comprend des financements ainsi que des conseils et une assistance technique destinés à aider les pays confrontés aux conséquences sanitaires et économiques de la pandémie. IFC, la plus importante institution mondiale d'aide au développement, y contribue à hauteur de 8 milliards de dollars, avec des financements visant à aider les entreprises touchées par la pandémie et à protéger les emplois. La BIRD et l’IDA, deux autres institutions de la Banque mondiale s'emploient à mettre à la disposition des pays une enveloppe initiale de 6 milliards de dollars pour financer la réponse sanitaire. En vue de fournir un soutien plus large et répondre aux besoins des pays, le Groupe de la Banque mondiale prévoit de déployer 160 milliards de dollars sur une période de 15 mois pour protéger les populations pauvres et vulnérables, soutenir les entreprises et favoriser le redressement de l'économie.