Ils ont accepté de nous raconter leur histoire. Eugénie, Olivier et François ont été brutalement plongés dans l’univers dévastateur du virus.
Au sein du service de médecine interne, transformé en unité Covid, NC la 1ere rencontre Eugénie le jeudi 30 septembre, alors qu'elle est l’objet de toutes les attentions. Cette habitante de Nouméa, hospitalisée depuis quelques jours, vient alors de perdre son mari, emporté par la pandémie. Il n'était pas vacciné.
C'est mon mari qui a commencé à attraper. Comme je m'occupais de lui, après, je suis [tombée] malade aussi.
Elle n'a pas toussé, explique-t-elle, mais sentais son corps "fatigué". Eugénie et son époux ont été pris en charge au Médipôle. Hélas, "mon mari est parti, il n'est pas resté longtemps, une semaine". Ils n'étaient pas ensemble à ce moment. "C'est très dur."
De deux à une douzaine de services Covid
Au CHT, depuis début septembre, on est passé en quelques jours de deux services Covid à une douzaine. Le personnel soignant a dû sortir de sa zone de confort. Il a fallu apprendre de nouveaux gestes, de nouveaux protocoles. Mais aussi gérer un stress physique et psychologiques auxquels peu étaient préparés.
Ce qui est difficile, c'est qu'on a des patients qui peuvent paraître bien, sont assez jeunes, n'ont pas forcément beaucoup d'antécédents, et qui vont se dégrader assez rapidement. Vu qu'on n'a pas beaucoup de places en réanimation, des fois on ne peut pas faire plus par manque de moyens.
Afflux de malades non-vaccinés
"La peine qui a pu être ressentie", enchaîne le Dr Serie en évoquant notamment la semaine du 20 septembre, "c'est de voir arriver une grande quantité de gens non-vaccinés. On a les moyens de prévenir cette maladie, et il n'y a pas un taux de vaccination suffisant en Nouvelle-Calédonie pour permettre de protéger cette population."
C'est hyper difficile pour nous d'avoir des gens non-vaccinés, jeunes, qui vont étouffer dans un lit.
"C'est venu petit à petit"
François a 22 ans. Il était persuadé d’échapper à la maladie, que rien ne pouvait lui arriver. Il ne s’est pas fait vacciner. Pas le temps, pas l’envie. "Ça a commencé avec du mal de tête. Après le nez qui coule. C'est venu petit à petit. Je pensais que ça allait être une petite maladie qui allait durer deux-trois jours. Ben non."
Je faisais un peu de sport, j'avais un travail. Mais la maladie a bien pris toute mon énergie. C'est une maladie qui est vraiment... J'ai pas les mots. C'était un combat vraiment dur.
"Je ne voulais pas venir à l'hôpital"
Pas le temps non plus de se faire vacciner, pour Olivier. "Je devais le faire, mais pendant le travail, je n’avais pas le temps. Et après, il y avait trop de monde." Seulement voilà, le week-end précédent, cet homme solide de 48 ans se sent très mal. En quelques heures, son état se dégrade tellement qu'il faut le mettre sous oxygène au Médipôle.
"Quand j’ai attrapé [le virus], je suis resté à la maison mais ce n’était pas bon du tout", détaille-t-il. "J’avais mal de partout, et j’avais du mal à respirer à cause du Covid. Je remercie ma femme. C’est elle qui m’a dit de venir à l’hôpital. Moi, je ne voulais pas, je suis têtu. Je n’ai pas pensé à mes enfants, à la famille".
Je regrette beaucoup. Le vaccin c’est important. Le Covid, c’est dangereux.
Retrouvez son témoignage recueilli par Laurence Pourtau et Laura Schintu, diffusé le jeudi 30 septembre :
Père et fils
Alors qu'il est sur son lit d’hôpital, Olivier apprend que son père, non-vacciné, est lui aussi en phase critique.
On avait un deuil. C'est comme ça qu'il l'a attrapé. J'ai demandé au docteur si il pouvait nous mettre ensemble dans une chambre. Pour qu'on reste soudés, pour qu'il ait un peu le moral. Moi aussi. Ça va mieux, les infirmiers m'ont enlevé l'oxygène.
Pic critique
Après un pic critique la semaine d'avant, l’activité de ce service Covid a un peu ralenti : le taux d’occupation des lits est passé de 95 à 70 % ces derniers jours. Pour autant, la vigilance ne se relâche pas, tant que la couverture vaccinale restera insuffisante.
Si les gens sont vaccinés et protégés, on aura moins de formes graves, moins de personnes en réanimation. L'hôpital est dédié au Covid, beaucoup de pathologies ne sont plus prises en charge de la même manière.
Pas encore terminé
Eugénie, François et Olivier ont peut-être passé le plus dur mais ils ne sont pas au bout de leur traitement. Ils pourraient avoir besoin d’une oxygénothérapie prolongée, ou pourraient perdre le gout et l’odorat pendant plusieurs mois. Tous trois sont aujourd’hui persuadés que la vaccination leur aurait sans doute épargné une telle épreuve.
Retrouvez cette immersion signée Laurence Pourtau, Laura Schintu et Georgia Roussel :