La rivalité avec la Chine s'intensifie. Pékin s'inquiète vivement de la livraison à l'Australie de sous-marins américains à propulsion nucléaire équipés de missiles, même conventionnels.
L'Australie souhaite aussi renforcer la présence de militaires américains au nord de son territoire et envisage l'acquisition de missiles de défense anti-aérienne. Il souffle comme un vent de guerre froide sur le Pacifique Sud...
La Chine a un "programme très important de construction de sous-marins nucléaires", a fait valoir vendredi le Premier ministre australien Scott Morrison dans une interview à la station de radio 2GB.
"Ils ont le droit de prendre, en matière de défense, des décisions dans leurs propres intérêts, et, bien sûr, l'Australie et tous les autres pays aussi", a-t-il répliqué aux critiques de Pékin.
La Chine condamne
La Chine a vivement réagi, qualifiant l'acquisition de ces sous-marins "d'extrêmement irresponsable" et menaçant notamment "la stabilité dans la région indo-pacifique". Cet accord dénommé "Aukus" (Australia UK US) "intensifie la course aux armements et compromet les efforts internationaux de non-prolifération nucléaire", a déclaré le porte-parole de la diplomatie chinoise, Zhao Lijian.
Il a aussi pointé que l'accord remet en cause les efforts internationaux de non-prolifération nucléaire. L’Australie risque de "se tirer une balle dans le pied".
Le nouveau pacte de sécurité entre l'Australie, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, annoncé mercredi par le président américain Joe Biden, prévoit aussi une collaboration étroite entre Washington et Canberra en matière de cyber défense, et d'intelligence artificielle notamment.
Une coopération qui existe déjà dans le domaine du recueil de données électroniques. La surveillance du Pacifique Sud est déjà effectuée à partir des "grandes oreilles" de la station d’écoute de Waihopai en Nouvelle-Zélande dans le cadre du réseau Five Eyes. Elle permet la collecte de renseignements au profit des Etats-Unis, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de la Grande-Bretagne.
Le chef du gouvernement australien a martelé dans différentes interviews que son gouvernement répondait à l'actuelle situation dans la région Asie-Pacifique, "où les territoires sont de plus en plus disputés et où la rivalité s'intensifie."
"Assurer la paix" avec des armes américaines
L'Australie a "tout à fait conscience" de la capacité des sous-marins nucléaires chinois et des dépenses militaires croissantes de Pékin, a-t-il déclaré à la télévision Channel Seven.
"Nous souhaitons nous assurer que les eaux internationales demeurent internationales tout comme l'espace aérien et que la règle de droit s'applique de la même manière partout", a-t-il déclaré.
Canberra souhaite s'assurer qu'il n'y a pas de "zones interdites" dans les régions régies par le droit international, a précisé le Premier ministre australien. Une ambition qui vise directement les ambitions de la Chine dans la région.
"C'est essentiel, que ce soit, en matière de commerce, de câbles sous-marins, des avions et l'espace dans lequel ils peuvent voler (...) c'est l'ordre des choses que nous devons préserver. Cela permet d'assurer la paix et la stabilité et c'est l'objectif que nous cherchons à atteindre".
L'annonce de cette alliance n'a pas manqué de susciter l'ire de la France, qui voit par conséquent lui échapper un contrat de 90 milliards de dollars australiens (56 milliards d'euros) pour fournir à l'Australie 12 sous-marins à propulsion conventionnelle aussi performants que les sous-marins américains.
Pour la France, la potion est amère
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a eu des mots cinglants, parlant d'un "coup dans le dos" de Canberra et d'une "décision unilatérale, brutale, imprévisible". Evoquant aussi ce samedi soir dans le journal de France 2 (vidéo) "un mensonge et une crise grave",
Tensions commerciales
Mais, en toile de fond c'est la montée en puissance de la Chine qui est la véritable raison de cette alliance.
Elle revendique des zones de la mer de Chine méridionale, riche en ressources naturelles et par laquelle transite chaque année des milliards de dollars de marchandises, et rejette les prétentions territoriales des autres riverains: Vietnam, Malaisie, Brunei, Taïwan et Philippines.
La Chine a été accusée de déployer des missiles antinavires et des missiles sol-air, ignorant une décision de la Cour permanente d'arbitrage (CPA) qui a jugé que en 2016 que Pékin n'a aucun "droit historique" sur cette mer stratégique.
Les tensions commerciales entre Pékin et Canberra n'ont pas cessé de croître depuis 2018. Ces derniers mois, la Chine a imposé de sévères sanctions économiques à l'encontre de nombreux produits australiens.
Beaucoup estiment qu'il s'agit avant tout de représailles contre le refus des investissements chinois dans des secteurs jugés stratégiques et contre les appels de Canberra à une enquête sur les origines de l'épidémie de Covid-19.
Justifications australiennes
M. Morrison a affirmé que cette nouvelle alliance, qui est le fruit de longues discussions avec Washington et la Grande-Bretagne, sera permanente. Comme chacun sait, la France n'en fait pas partie...
"Cela implique un engagement très important, pas seulement aujourd'hui mais pour toujours. (...) C'est un partenariat qui permettra à l'Australie d'assurer sa sécurité à l'avenir".
Il a par ailleurs affirmé que cette alliance de défense a été "bien accueillie" par les dirigeants du Japon, de l'Inde, de Singapour, de la Nouvelle-Zélande, des Fidji et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée avec lesquels il s'est entretenu.
Le ministre australien de la Défense Peter Dutton a fait preuve d'une certaine arrogance après les réactions de certains responsables chinois, les qualifiant de "contre-productives, immatures et franchement embarrassantes".
"L'Australie souhaite simplement assurer une paix et une stabilité durables dans la région", a-t-il déclaré dans une interview accordée à Sky News Australia. Mais une paix armée par les Etats-Unis.
L'Australie envisage aussi d'accueillir plus de Marines américains dans la ville de Darwin, au nord du pays, face à la Chine, distante tout de même de 4000 kilomètres, et pourrait enfin renforcer ses moyens de défense sol-air. On évoque l’acquisition du système de missiles MIM-104Patriot. La colère de la Chine n'est pas prête de s'apaiser.