Dans son pick-up, Patrick, le boulanger de Nily n'est que passager. Au volant, on retrouve André, alias le convoyeur, à qui les barrages ne font pas peur. A Bouraké, il contourne les ballots de paille. A Ouinané, il slalome entre les voitures calcinées en direction de la minoterie de Saint-Vincent.
"Je suis métisse, je connais pas mal de monde sur les barrages. Je fais ça pour mon village, pour que tout le monde ait à manger, que tout le monde se sente bien, aussi bien les noirs que les blancs. Y a pas de différence avec moi", clame ce retraité que les habitants surnomment Dédé.
"C'est très dur pour tout le monde"
D'un naturel rieur et altruiste, André n'en demeure pas moins inquiet pour le territoire. "Je ne sais pas où on va aller mais c'est très dur pour tout le monde. Y a plus de boulot, les gens n'ont plus de sous", regrette ce père de cinq enfants.
"Hier, j'étais chez moi, deux petits Mélanésiens sont venus me voir pour demander du boulot, même juste passer la débroussailleuse pour s'acheter un kilo de riz. Moi ça me fait mal quand je vois ça. Un beau pays comme ça, qui se retrouve dans cet état, c'est inquiétant pour tout le monde", conclut-il.
Convoyeur de farine, Dédé joue également un rôle important pour les autres commerçants de la commune. Il fait partie des habitants qui déchargent les barges remplies de victuailles qui accostent à Port Ouenghi. Lors de ses expéditions, le transporteur fait de temps en temps un geste sur les barrages : donner un kilo de riz, une bouteille d'huile, un billet de 1000 francs.
Un trajet moins fructueux que d'ordinaire
Après deux heures d'attente à Saint-Vincent, la farine est enfin chargée dans le pick-up. Patrick, le boulanger, cinq employés et 40 ans de métier, fait le trajet pour la deuxième fois. "Je voulais 70 sacs de 25 kilos, mais nous n'en avons eu que 50. Les quantités sont réduites", explique-t-il.
Bientôt, Patrick et André n'auront plus d'essence pour aller chercher la matière première. Le boulanger tiendra dix jours tout en passant quotidiennement six à huit sacs de farine. En temps normal, c'est douze pour fournir les trois stations-service et d'autres commerces de La Foa.
Retrouvez ci-dessous le reportage radio de Julie Straboni :