Les principaux métaux des batteries électriques se trouvent disponibles dans une vaste région encore relativement isolée du Canada. Sur place, du nickel, du cuivre, du platinum et du palladium. Deux compétiteurs australiens se livrent une concurrence féroce pour en prendre le contrôle.
Le site minier s’appelle Eagle’s Nest (Nid d’aigle). Il est situé à l’intérieur du vaste gisement du "Cercle de feu", un endroit presque inhabité dans l’immensité de la toundra canadienne. La zone est constituée de sulfure de nickel polymétallique. Un rêve d’investisseur…
Au nord-ouest de l'Ontario, mais surtout à Toronto, la capitale financière du nickel au Canada, BHP, le plus grand groupe minier au monde et un magnat australien du secteur se livrent un combat acharné pour acquérir ce gisement contenant des millions de tonnes de nickel, mais aussi d’autres métaux de la transition énergétique.
L'offre d’achat de BHP sur la société Noront Resources (NOT-V), qui possède Eagle’s Nest, s’inscrit dans la volonté du géant australien de tourner la page du pétrole pour s’orienter résolument vers les "métaux de l’avenir", au premier rang desquels le nickel.
Mais Wyloo Metals, créée par le businessman Andrew Forrest, détient déjà 24% de Noront. Le magnat australien a mis sur la table une offre 27% supérieure à l'offre de BHP. Il rajoute 325 millions de dollars canadiens (256 millions de dollars américains). Et c’est une bonne affaire, quel que soit le résultat de ce bras de fer. Les actions de Noront Resources à la Bourse de Toronto ont grimpé de plus de 140 %. Et la société précise qu’elle dispose encore de trois grands gisements dans les basses terres de la baie James.
"Nous allons vers une augmentation des fusions et acquisitions dans le nickel qui est motivée par le besoin de nickel durable et de nickel en dehors de la chaîne d'approvisionnement chinoise", a déclaré Steven Brown, consultant en nickel au Financial Times, le quotidien économique de référence à la City de Londres.
La bataille entre BHP et Wyloo Metals pour prendre le contrôle de Noront Resources, survient dans un contexte de ruée sur les dernières grandes réserves mondiales de nickel. Il s’agit de répondre principalement à la demande croissante de métaux pour les batteries des véhicules électriques, lesquels se généralisent. Cette course au nickel vise à sécuriser de nouvelles sources d'approvisionnement alors que les entreprises des pays riches sont obligées de réduire considérablement leur empreinte carbone.
Le gouvernement provincial de l’Ontario s'est engagé à construire une route de 300 kilomètres jusqu'au gisement de nickel d’Eagle’s Nest, en consultation avec un certain nombre de communautés des Premières Nations. Les peuples autochtones de la région, dont la route traverserait le territoire, ont demandé un moratoire sur le projet, le temps d'une analyse d'impact.
Eagle’s Nest, qui sera exploitée par 400 personnes, est la plus importante découverte de nickel à haute teneur au Canada depuis le gisement de Voisey’s Bay, il s’agit du projet le plus avancé de la zone du Cercle de feu.
Le gisement devrait produire 3 000 tonnes de minerai par jour, qui seront extraites par des procédés souterrain et traitées pour livrer 150.000 à 250.000 tonnes de concentrés nickélifères par an. La mine devrait entrer en production dans un peu plus de trois ans après l'obtention des permis avec une durée de vie prévue de 11 ans et un potentiel de 9 années supplémentaires.
Le projet entend répondre aux inquiétudes de l'Agence internationale de l'énergie. Pour l’institution, la demande de nickel, qui est utilisé dans les batteries de voitures mais aussi pour les camions électriques, devrait être multipliée par près de 20 d'ici 2040, si le monde atteint les objectifs climatiques fixés par l’accord de Paris.
Malgré ce défi, les constructeurs automobiles mondiaux semblent prêts à payer un prix plus élevé pour un nickel produit de manière responsable, comme en Nouvelle-Calédonie, selon les analystes londoniens et le Directeur général du LME Matthew Chamberlain.
À partir de 2024, l'Union européenne a proposé que seules les batteries avec déclaration d'empreinte carbone puissent être vendues en Europe, ce qui rend difficile l'approvisionnement en Indonésie. Mais favoriserait, en revanche, le nickel produit sur le Caillou mais aussi en Australie et au Canada.
"Dans ce contexte porteur, il est dommage que les usines calédoniennes ne produisent pas encore suffisamment. Cette année le marché mondial aura un déficit que j’estime à 127.000 tonnes de métal de nickel"
Pour sécuriser, autant que possible ses approvisionnements, Tesla a déjà signé des accords pour acheter du nickel à BHP en Australie, à Vale au Canada et au consortium Prony Resources (usine du Sud) en Nouvelle-Calédonie. La société coréenne de batteries LG Chem a signé le mois dernier un accord pour acheter du nickel à Australian Mines, qui développe un projet dans le nord du Queensland.
L'administration de Joe Biden souhaite également développer une chaîne d'approvisionnement nord-américaine pour des métaux tels que le nickel, a déclaré Henri van Rooyen, directeur général de la société Talon Metals qui est soutenue par un autre géant australien du secteur, Rio Tinto. Plus au Sud, c’est Glencore, bien connu en Nouvelle-Calédonie, qui développe un projet associant cuivre et nickel dans le Minnesota. La ruée vers le "métal du diable" ne fait que commencer…