Ovide BON est décédé à l'âge de 92 ans. Membre des 3 associations françaises libres de Nouvelle-Calédonie, il a contribué à faire connaitre l’histoire de ces marins du Pacifique.
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Le 19 septembre 2012 lors de l'inauguration de la statue du marin baie de l'Orphelinat, à l'endroit même ou débarqua le général de Gaulle le 11 septembre 1956, Ovide BON, avec six de ses camarades Forces Navales Forces Libres (FNFL), Héliane IGNATIEFF, Ferdinand COURTOT, Rémo TIBURZIO, Jacques LUCIEN, Guy GOUJON et Jean BETFORT, recevaient un bâchis d'honneur avec la bande légendée FNFL des mains du commandant du bâtiment FNFL "la Moqueuse", le lieutenant de vaisseau Madec.
Biographie par Roberto Lunardo
Ovide BON : un enfant du Faubourg Blanchot
De sa naissance à son décès, il y aura passé quasiment toute sa vie.
Né le 22 février 1924 à l’Hôpital Militaire (Gaston Bourret), il réside 3 ans sur la propriété familiale des Salines créée par son arrière grand-père en 1880 au Trianon. Puis son père achète un terrain de 75 ares en 1927, situé entre l’Evécher et les Petites Sœurs de Pauvres, où Ovide résidera jusqu’à son décès.
Comme pour beaucoup de familles calédoniennes, de cette époque, la vie est très difficile économiquement, mais ses parents ont la chance d’avoir un grand terrain qui leur permet de profiter des ressources de la terre avec quelques animaux d’élevage.
Le Faubourg Blanchot de cette époque est incomparable avec celui d’aujourd’hui : une piste en terre avec des caniveaux d’un mètre de profondeur, un creek y coule, des maisons en bois et des chevaux lui donnent une allure Western. Le courant éléctrique n’arrive qu’en 1948 !
Mais les familles sont nombreuses et beaucoup de patriotes de la France Libre y verront le jour.
Au moment de la déclaration de guerre, Ovide est au Collège Lapérouse.
Il suit une branche professionnelle, section bois. Il a des notes excellentes : il est inscrit au tableau d’Honneur. L’annonce de la guerre lui fait perdre subitement le goût aux études et ses notes s’en ressentent.
Mais le fervent patriote qu’est Ovide, comme la plupart des jeunes de cette époque, a un moral au zénith et une grande confiance dans les armées de la France. Il faut dire que la propagande est grande sur l’invincibilité de la France.
Ovide abandonne ses études en fin d’année, au grand désespoir de ses parents. Il se met en quête d’un emploi. Il en aura plusieurs, comme manœuvre, facteur, peintre à son compte.
L'appel du Général de GAULLE
En 1940, il entend la voix chevrotante de la défaite de la bouche du maréchal PETAIN.
Il est atterré !
Il a le moral à zéro jusqu’à ce qu’il entende, les jours suivants, en différé, la voix jeune et énergique de Charles De GAULLE qui invite les français à continuer le combat. C’est le début de son engagement corps et âme pour la France Libre !
Courant juillet 1940, il trouve un emploi stable dans une maison de commerce de la place dont le patron est un fervent gaulliste. Ici, les colons, descendant de la brousse – beaucoup sont d’anciens combattants de 14-18 - se réunissent en secret.
Tout le personnel de cette maison est gaulliste.
Depuis cette maison, toutes les actions en faveur de la France Libre sur le Territoire sont coordonnées.
Depuis cette maison, toutes les actions en faveur de la France Libre sur le Territoire sont coordonnées.
Engagé pour la France Libre
Ovide, âgé de 16 ans est un "homme à tout faire". Il est souvent chargé d’aller espionner les uns et les autres, car pour les besoins de sa profession, il accède à de nombreux services administratifs de l’Armée, sachant qu’on y trouve toujours de fervent pétainistes.
Bien sûr il participe à toutes actions et manifestations pour la France Libre jusqu’au jour heureux du 19 septembre 1940 qui voit le ralliement de la Nouvelle-Calédonie à la France Libre.
En mars 1941, Ovide a 17 ans et rêve d’en découdre. Il se présente dans un bureau de recrutement, mais il est refusé car trop jeune. Quelle déception !
Il imagine alors d’autres solutions comme s’engager chez les australiens ou les britanniques. Mais il y renonce. L’arrivée du Monowai en mai 1941 avec le contingent tahitien puis le départ du Bataillon du Pacifique le ronge car il ne peut les suivre.
Il imagine alors d’autres solutions comme s’engager chez les australiens ou les britanniques. Mais il y renonce. L’arrivée du Monowai en mai 1941 avec le contingent tahitien puis le départ du Bataillon du Pacifique le ronge car il ne peut les suivre.
Les Forces Navales Françaises Libres
En juillet 1941, il rencontre un copain du Faubourg qui lui apprend qu’il vient de signer un engagement dans les F.N.F.L. Ils prennent les jeunes à partir de 17 ans. Immédiatement il lui demande à y être conduit pour signer lui-même un engagement.
L’accueil et l’ambiance sont formidables, il y rencontre beaucoup de monde.
Il effectue toutes les démarches nécessaires puis son engagement est enfin signé, avec la promesse qu’il partira vers l’Angleterre.
Mais les jours passent et il ne voit rien venir. Il se présente régulièrement au bureau de recrutement où on lui indique qu’il n’y a pas de navires, jusqu’au jour où, après de longues semaines d’attente, il décide de ne plus s’y rendre.
Il reprend des petits boulots.
Création de l'unité Marine de Nouméa
Survient enfin l’attaque de Pearl Harbour et l’arrivée sur le Territoire, en décembre 1941 à bord du Cap des Palmes, de Thierry D’Argenlieu chargé de la réorganisation de la défense du Pacifique.
Rapidement de nouveaux bureaux d’engagement sont mis en place et cette fois-ci, on prend toutes les personnes de bonne volonté. L’unité Marine Nouméa est créée.
Embarquement à bord du Cap des Palmes
Ovide signe donc un nouvel engagement le 12 janvier 1942. Il est enfin pris dans les FNFL où il suit des cours d’opérateur radio.
Il est affecté au service radio du Quartier général, auprès des américains du 92th coastal Artillery sur la colline au dessus de la caserne, en poste de guet.
Mais toujours pas de possibilité de quitter le territoire pour le front !
Courant 1943, il réitère sa demande pour le front.
Ce n’est qu’en mars 1944, alors qu’il est en poste à Touho, à 7h00 du matin, il se trouve au village et une jeep vient le récupérer pour le descendre sur Nouméa pour un embarquement immédiat sur le "Cap des Palmes" qui part pour la Californie en vue d’un réarmement.
Pas le temps d’aller récupérer son paquetage au poste de Guet, il embarquera avec seulement les vêtements qu’il aura sur le dos.
Pas le temps d’aller récupérer son paquetage au poste de Guet, il embarquera avec seulement les vêtements qu’il aura sur le dos.
Le navire fait donc route vers les arsenaux de Mare Island à San Francisco, où, pendant plusieurs semaines, il est ré-équipé et modernisé pour la seconde fois.
Ovide découvre la gentillesse des américains et l’extraordinaire dynamisme de leur industrie. Sur le "Cap des Palmes" des ouvriers, hommes et femmes travaillent jour et nuit !
Départ vers Guadalcanal
Le "Cap des Palmes" est alors rattaché à la 3ème flotte de l’amiral HALSEY. Il effectue de nombreux convois d’escortes sous des conditions climatiques très difficiles.
La chaleur y est étouffante, on vit torse nu, on dort sur le pont du navire quand cela est possible. Ovide, tout comme ses camarades dans le poste radio, transpire à tel point qu’un marin est chargé d’éponger la cabine régulièrement.
Ovide boit malheureusement peu, ce qui lui causera plus tard des ennuis de santé et la dialyse qu’il devra subir jusqu’à son dernier jour.
En mai 1945, le "Cap des Palmes" est affecté à de nouvelles missions d’escorte dans l’océan Indien, puis vient rapidement l’arrêt des hostilités contre le Japon. Le navire est dirigé vers la Métropole où il débarque le 1er septembre 1945.
Retour en Nouvelle-Calédonie
Comme le Bataillon du Pacifique, il attend son rapatriement vers la Nouvelle-Calédonie à Paris.
Puis, le retour a lieu en 1946 à bord du "Sagittaire" qui passe par les Antilles où le navire a une avarie. Il arrivé à Tahiti où une grande fête se déroule et enfin le caillou.
Après son retour, il ne veut plus trop entendre parler de la radio, mais il se laisse persuader par un de ses anciens camarades F.N.F.L. de faire quelques mois de dépannage à la Station Côtière, pour finalement y terminer sa carrière en 1975.
Membre des trois associations françaises libres de Nouvelle-Calédonie dès son retour sur le Territoire, Ovide aura conservé jusqu’à son dernier soupir son idéal de français libre.
Il aura contribué, avec le dernier petit noyaux de marins encore en vie, à aider à la connaissance de l’histoire de ces marins du Pacifique qui aura été occultée durant toutes ces années, et pour lesquels l’inauguration de la statue du "marin calédonien de la France Libre" de la baie de l’Orphelinat aura été une fierté et une reconnaissance.
Ovide se rendait tous les deux jours à sa dialyse à la clinique de la Baie des Citrons. Et son chemin passait systématiquement par le rond point de la baie de l’Orphelinat d’où il pouvait regarder cette statue avec émotion.
Ovide, soldat d’un idéal, celui de la France Libre, repose en paix !