Comment composer avec une situation qui affecte largement les installations, les pratiquants et les calendriers de compétition ? Les acteurs du sport calédonien livrent leurs éléments de réponse.
Le basket au rebond
" Dès le début de la crise, j'ai maintenu les contacts avec tout le monde. J'ai tout de suite travaillé dans le sens d'une reprise." Depuis quatre mois, Cathy Poithili, secrétaire générale de la ligue calédonienne de basket-ball, se démène pour que son sport poursuive son développement. Avec d'autres acteurs de la balle orange, elle a planché sur la réorganisation complète des compétitions et de la pratique.
"La volonté générale du comité directeur, des comités provinciaux et des clubs, c'est de pouvoir reprendre l'activité le plus normalement possible pour que les jeunes puissent s'exprimer autrement, et dans le sport", explique-t-elle. Une tâche compliquée, avec la perte des licenciés constatée en province Nord et l'incendie de la salle Anewy à la Vallée-du-Tir, dans le Sud.
L'accès aux infrastructures est une problématique globale, pour le sport calédonien. Il faut obtenir l'aval des collectivités pour utiliser celles qui sont opérationnelles. "À la salle omnisport de l'Anse-Vata, seuls les entraînements sont autorisés par le gouvernement. Il n'y a pas de compétition possible, précise le conseiller technique et sportif Angelo François-Elocie. "Il y a des disparités en fonction des quartiers. À la Vallée-du-Tir, la salle est dégradée. À Rivière-Salée, elle est fermée par la mairie de Nouméa", ajoute Thierry Durand, président de la ligue.
Pour permettre au plus grand nombre de rejouer, des choix étaient nécessaires. Tout a été repensé. "On a décidé d'annuler le championnat territorial de deuxième division. On a maintenu le championnat 5 contre 5 pour les féminines et les hommes. On veut reprendre là où on s'est arrêté. Maintenant, on attend que les collectivités nous donnent les feux verts pour les salles", explique Cathy Poithili.
Pour accueillir des rencontres, des solutions alternatives existent : les halles du complexe Melissa-Delaveuve à Nouméa, au 6e Km, et Michel-Castex à Dumbéa. Cette dernière a notamment servi pour un tournoi amical 5 contre 5 organisé par le comité provincial Sud. Il a permis de relancer l'activité des seniors. "C'est plutôt de bon augure pour la suite du championnat."
Déterminés à ne pas arrêter les activités basket, les acteurs de la discipline ont su trouver des réponses à d'autres problématiques, comme le financement des déplacements des sélections pour des épreuves hors territoire. "On a sollicité l'aide de la fédération internationale et de sa branche océanienne pour bénéficier de l'enveloppe de solidarité olympique. Cela s'est fait via le comité international olympique et le CTOS de Nouvelle-Calédonie. Cela représente une prise en charge majeure des frais de déplacement de nos sélections moins de 23 ans de basket 3 contre 3. Nous n'aurons que 15 % du voyage à payer. C'est plutôt bien pour nos plus jeunes", souligne la dirigeante. La ligue assumera en revanche totalement le coût de participation de ses sélections moins de 15 ans aux Océanias prévus en Australie. L'effectif et le staff technique ont été réduits pour faciliter les choses.
Le football en surface de réparation
Pour prendre le pouls du football local, c'est vers l'AS Magenta et ses 350 licenciés que l'on s'est tourné. Le club est installé au pied des tours du quartier avec des équipes représentées dans toutes les catégories, et plus d'une vingtaine de bénévoles. Les graves troubles des derniers mois ne l'ont pas épargné. Le club-house a été visité, et des équipements de l'équipe senior masculine ont été dérobés. Impossible d'accéder au terrain synthétique sur lequel tous les licenciés s'entraînent. La sécurité n'étant pas assurée, il est fermé par la municipalité de Nouméa. Une médiation sera nécessaire avec les habitants pour espérer le retrouver le plus rapidement possible.
"Depuis quelques semaines, on a relocalisé l'entraînement des séniors au Cise de Koutio et au PLGC, un stade provincial. On a redémarré les jeunes sur les deux derniers samedis au PLGC. L'ensemble des catégories de jeunes est reparti sur les terrains", témoigne le président de l'ASM, Alexandre Pelluchon. L'inquiétude était de savoir si les jeunes licenciés allaient rapidement revenir vers le club. Les premiers regroupements donnent un signal positif. "Je pense qu'on a récupéré 40 à 50 % d'entre eux. Ceci étant, nous avons repris en période de vacances scolaires. On espère qu'à partir du week-end prochain, on retrouvera l'ensemble de nos adhérents. Les parents étaient ravis de déposer leurs enfants et d'un samedi à l'autre, nous avons eu plus de monde."
Cette bonne reprise donne de l'espoir sans faire oublier les difficultés à venir. Si les sponsors ont versé leurs subventions en début d'année, celles des collectivités vont se tarir très prochainement. "On sait très bien qu'elles seront données au compte-goutte, voire totalement supprimées pour l'année à venir. Il y a aussi les partenaires privés qui pour certains, ont été directement touchés par les exactions et qui, bien entendu, feront d'autres choix financiers que d'accompagner malheureusement le sport calédonien. J'ai pu échanger avec quelques-uns d'entre eux. Cela va être très compliqué dans les prochains mois. On sait d'ores et déjà que l'année 2025 sera très difficile, analyse le président.
Ce club d'une solidité reconnue reste très prudent sur l'avenir, et préoccupé. "Il existe un vrai risque sur un grand nombre de clubs, y compris un club aussi important que le nôtre. Ce sera très compliqué d'aller chercher des recettes. On va devoir trouver quelques nouveautés. Il faudra aussi être très vigilant sur les dépenses. L'ensemble du sport calédonien devra trouver d'autres relais pour que nos jeunes continuent à faire du sport." Pour les meilleures équipes du territoire, participer à la ligue des champions d'Océanie dans les années à venir sera par ailleurs un véritable challenge. Un budget de 5 à 6 millions de francs Pacifique pour cette seule compétition est nécessaire.
Point d'interrogation également pour les clubs basés aux îles. Ils sont désormais confrontés à la diminution des liaisons aériennes vers la Grande terre et des déplacements plus chers. Pour maintenir une activité pour tous, la fédération calédonienne a indiqué que son département technique planchait sur des tournois communaux et provinciaux. Lors d'une conférence de presse lundi dernier, le président Gilles Tavergeux rappelait également les différentes formules utilisées par le passé, et notamment celles des championnats provinciaux avec le système de playoffs en fin de saison pour déterminer les vainqueurs territoriaux.
Le padel pour sauver le tennis
Autre ligue majeure sur le Caillou : le tennis. Ses infrastructures n'ont pas du tout été endommagées par les exactions. La relance se fait encore doucement du côté du Mont-Dore et de Païta. Mais d'autres clubs sont repartis sur de bonnes bases en Brousse ou à Nouméa au Receiving, affirme le président Olivier Le Dain. Comme toutes les autres disciplines du territoire, c'est principalement la question des finances qui se pose aujourd'hui.
La fédération française apporte son soutien pour les salaires des cinq salariés de la ligue, mais d'autres problèmes se posent. "Tout ce qui concerne les projets de déplacements pour notre centre territorial d'entraînement ou l'accompagnement d'un jeune talent comme Heremana Courte (médaillé d'or des derniers Jeux du Pacifique en individuel) sont pour l'instant totalement impossibles. On vit de subventions et de mécénat, et ces deux branches-là ne sont pas très loin d'être cassées."
Le comité directeur planche sur différentes idées pour exploiter au mieux les installations de la ligue au Ouen Toro et faire rentrer de l'argent. "Il faut réinventer un modèle économique. La construction de nouveaux terrains de padel constitue une bonne source de revenus. On pourrait aussi aller un peu plus vite que prévu sur la mise en place de terrains de pickleball, une discipline rentrée dans le giron de la fédération française de tennis depuis six mois. Sa promotion pourrait générer d'autres retombées intéressantes, mais cela veut dire sacrifier des terrains de tennis. On est plutôt dans une phase où l'on va devoir attendre, du fait de la délégation de service public sur notre site de ligue".
Le Challenger ATP de Nouméa 2025 est, lui, toujours envisagé. "Il nous servira à mettre en avant nos activités pour faire en sorte que les sponsors qu'il a attirés s'intéressent aussi à la ligue. Aussi paradoxal que cela puisse paraître vu le contexte, il est en bonne voie. Les sponsors présents jusqu'à présent suivent quasiment tous. On a trouvé un nouveau partenaire titre. Les réunions que l'on a pu avoir avec la province et le gouvernement nous ont plutôt rassurés sur leur implication dans le tournoi. Et nous avons un très grand soutien de l'ATP pour qui ce Challenger est très important à cet endroit-là et cette période-là. Elle nous donne une enveloppe exceptionnelle cette année du fait du contexte. On est plutôt positif sur la tenue du tournoi pour l'instant."
Le pôle espoir rugby peut transformer l’essai
Qu'en est-il du rugby, l'une des ligues les plus efficaces dans la formation de jeunes talents ? D'après nos informations, le pôle espoir de Nouvelle-Calédonie n'est pas en danger financièrement, malgré la crise. La fédération française assure 80 % de son budget de fonctionnement. Sur les 20 pensionnaires, six sont partis dans l'Hexagone en 2024 et un septième les suivra en fin d'année.
D'un point de vue plus pratique, la structure fonctionne en mode dégradé. Les terrains d'entraînement ferment à 18 heures et les internats utilisés habituellement ne sont pas accessibles. Le pôle parvient à s'entraîner au stade Numa-Daly de Nouméa pour la partie rugby et peut s'exercer à la musculation au lycée Dick-Ukeiwë de Dumbéa.
Pour les plus jeunes licenciés, deux rassemblements ont pu être organisés, au stade Pentecost il y a quinze jours et à celui du Pont-des-Français samedi dernier. Une centaine de pratiquants se sont déplacés. Il manquait à l'appel les joueurs de plus de 17 ans et les séniors. Les compétitions sont arrêtées jusqu'à nouvel ordre. Seul le championnat de rugby à 10 a pu aller à son terme. Le souhait de la ligue serait de proposer des tournois sur les deux derniers mois de l'année. En attendant, elle tente de faire un état des lieux des situations professionnelles des bénévoles impliqués dans le ballon ovale calédonien.