Depuis l’Hexagone, Christian Tein appelle à “l’apaisement” et s’inquiète de l’absence de l’Etat sur le dossier de la Nouvelle-Calédonie

Christian Tein s'exprimant pour la CCAT lors d'une mobilisation, en 2024.
"Plus personne ne s'occupe" de la Nouvelle-Calédonie du fait de l'incertitude politique à Paris, s'est alarmé mercredi le leader indépendantiste Christian Tein. Il estime également ne pas comprendre pourquoi il est détenu à la prison de Mulhouse-Lutterbach (Haut-Rhin), à plus de 17.000 kilomètres de chez lui.

C’est sa deuxième prise de parole depuis son incarcération en détention provisoire en Alsace. A nouveau, il s’agit d’une visite d’élu écologiste, accompagné d’un journaliste de l’AFP. Un entretien où le leader indépendantiste a voulu montrer une volonté d'apaisement. "Nous, on veut vivre comme tous les autres peuples, être reconnus chez nous et pouvoir cheminer ensemble. Et le nouveau gouvernement, j'espère de tout cœur, va pouvoir prendre les choses à bras le corps. Parce que là, il n'y a plus personne qui s'occupe de nous", déclare Christian Tein lors d'une visite de l'eurodéputée écologiste Marie Toussaint. 

"Il faut apaiser les choses et il faut que la justice, là-bas, regagne la confiance des populations kanak. Parce que pour nous, il y a un fossé énorme entre le pouvoir judiciaire et la population kanak", ajoute le porte-parole de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) en Nouvelle-Calédonie, emprisonné à Mulhouse à l'isolement depuis le 23 juin. 

Nous, on veut vivre comme tous les autres peuples.

Christian Tein

Soupçonné d'avoir orchestré les exactions contre la réforme électorale en Nouvelle-Calédonie, mis en examen notamment pour complicité de tentative de meurtre et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, Christian Tein s'est entretenu dans sa cellule durant une vingtaine de minutes avec Marie Toussaint. 

"On a quand même vécu 30 ans de paix, ce n'est pas rien. Des gens comme Jean-Marie Tjibaou ou Jacques Lafleur ont initié cette démarche de paix. Puis malheureusement cette fragilisation en quelques jours a foutu en l'air 30 ans de paix", poursuit Christian Tein, s'exprimant sur un ton calme. 

"Faire les choses pacifiquement" 

La réforme du corps électoral, qui a mis le feu aux poudres sur le Caillou depuis le 13 mai, a "toujours été la mère de toutes les batailles et cristallise encore les populations de la Nouvelle-Calédonie". 

"Accélérer le calendrier tel qu'il a été fait, ce n'était pas la meilleure des solutions. C'est emmener la population calédonienne dans le mur (...) Il y a tellement de belles choses à faire dans ce pays (plutôt) que de venir s'emmerder dans une cellule de quelques mètres carrés. Parce que moi, je n'ai pas souhaité ça. J'ai toujours voulu faire les choses pacifiquement", insiste le leader kanak. 

"Depuis 1853, l'histoire de la Nouvelle-Calédonie ne fait que se perpétuer à travers le temps. Il faut déboucher à un moment, il faut mettre les choses à plat définitivement. On peut trouver des solutions pour ce pays. Il faut simplement que les hommes et les femmes de bonne volonté créent les conditions, c'est pas plus dur que ça", estime Christian Tein qui devait recevoir, pour la première fois depuis son incarcération, la visite de sa compagne mercredi après-midi. 

"le peuple de France, un peuple généreux" 

 "Je remercie le peuple de France, c'est un peuple généreux : si on a pu développer notre pays, c'est avec les dotations des impôts et ces honorables Français qui sont dans toutes les régions de France. Je sais reconnaître ça. J'espère qu'il y a un beau soleil qui va se lever un jour pour ces deux peuples, le peuple kanak et le peuple de France", ajoute-t-il. "Mais je pense que ce n'est pas en nous emmenant loin, moi et les autres camarades, qu'on va trouver une solution." 

Christian Tein, qui se considère comme un "prisonnier politique", admet être incarcéré dans de bonnes conditions, même si "c'est difficile par rapport à l'éloignement". 

"Il est hébergé dans des conditions à peu près satisfaisantes", relève Marie Toussaint. "Mais il y a un hic : c'est évidemment le fait que ce soit un prisonnier politique et qu'il est traité comme tel : il est mis en quartier d'isolement pour des raisons politiques, des raisons médiatiques qui n'ont aucun trait à son comportement. Et il est à plus de 17.000 kilomètres de sa famille."  Des conditions sur lesquelles, le leader indépendantiste était déjà revenu lors de ses déclarations précédentes depuis la prison se Mulhouse.