"Je suis un prisonnier politique", a déclaré Christian Tein, lors d'une visite non programmée de deux sénateurs à laquelle un correspondant de l'AFP a pu assister. Arrivé il y a une semaine au centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach, Christian Tein, mis en examen notamment pour complicité de tentative de meurtre et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, a pu librement s'exprimer sur ses conditions d'incarcération. "J'étais en garde à vue à la gendarmerie de Nouméa et j'ai appris par le juge des libertés et de la détention qui j'irais à l'isolement du côté de Mulhouse", a raconté l'homme de 56 ans qui s'est toujours défendu d'avoir appelé à la violence, bas de training gris, tee-shirt blanc et lunettes sur le bout du nez.
"Voyage interminable"
"J'ai compris qu'il fallait retrouver de l'apaisement suite à toute cette médiatisation. On n'a pas le temps de se préparer à quoi que ce soit", a-t-il encore raconté aux sénateurs écologistes Jacques Fernique (Bas-Rhin) et Anne Souyris (Paris).
"Je suis arrivé ici, c'est le centre qui m'a fourni les premières affaires pour me changer. Le voyage a été interminable et j'étais menotté dans l'avion. C'était difficile. Je commence à trouver mes repères. J'avais besoin aussi de me reposer, d'avoir quelque chose de calme pour le moment. Le personnel est vraiment sympathique, pour le moment ça va."
Je suis un prisonnier politique...
Durant cet entretien, Christian Tein n'avait pas le droit d'aborder son rôle dans les troubles qui ont paralysé la Nouvelle-Calédonie. Il n'en glisse pas moins : "Je suis un prisonnier politique, et le premier extradé de la sorte avec mes camarades".
"J'ai pu téléphoner à mon avocat à Nouméa mais c'est compliqué, il y a le décalage horaire. Je dois prendre contact avec un avocat ici", a-t-il poursuivi. "J'ai aussi eu contact avec ma compagne qui va arriver en France et ici ce jeudi. J'espère que je pourrai la voir dans les prochaines semaines. Elle est hors de tout cadre politique."
M. Tein a aussi déclaré s'être "inquiété" pour ses camarades interpellés et extradés en même temps que lui. "J'aimerais savoir si la situation va bien" pour eux.
Pour l'heure, Christian Tein n'a pas le droit aux visites, mais il tente de vivre presque normalement : il regarde la télévision et suit les informations. Pour les élections, il a même voté... par procuration.
Ce sont les sénateurs qui l'informent des résultats du 1er tour en Nouvelle-Calédonie et lui annoncent qu'Emmanuel Tjibaou est arrivé en tête dans la seconde circonscription (la sienne) avec un peu plus de 44 % des suffrages. "Mon vote aura finalement servi à quelque chose", sourit Christian Tein.
"Reprendre les discussions"
Sa situation au sein de l'établissement haut-rhinois devrait rapidement évoluer. Mercredi, il devrait pouvoir côtoyer d'autres personnes en isolement dans le cadre d'activités (jeux de société, médiation animale, échecs, cours...). "En attendant, je lis, j'ai vu ce matin un aumônier et il m'a donné une bible. J'ai aussi pris des livres à la bibliothèque. Mais cela ne remplace pas le contact humain", raconte-t-il.
Philosophe, il ne manque d'ouvrir une petite parenthèse : "À un moment, il faudra que l'on se remette autour d'une table pour reprendre les discussions. Il y va de la survie de la Nouvelle-Calédonie".
Depuis le début des troubles en Nouvelle-Calédonie liés à la réforme constitutionnelle sur le dégel du corps électoral, critiquée par les indépendantistes kanak, 1 520 personnes ont été interpellées, selon le haut-commissariat de la République dans l'archipel.
Onze militants indépendantistes ont été interpellés le 19 juin. Parmi eux, neuf ont été placés en détention provisoire, dont sept dans diverses prisons de l'Hexagone.Les violences, les plus graves survenues dans l'archipel depuis les années 1980, ont fait neuf morts, selon le dernier bilan des autorités, et des dégâts matériels considérables (incendies, destructions, pillages...).