Au musée de la ville de Nouméa, l’acquisition de cette nouvelle collection est accueillie avec enthousiasme. Il faut dire que ces bi-valves, trocas ou encore nautiles font partie intégrante de l’histoire calédonienne. Ces coquillages aux dessins tantôt naïfs, tantôt élaborés, ont été gravés, sculptés, par des bagnards.
Nacres, trocas ou burgaux
C'est Muriel Mainguet, la toute nouvelle conservatrice des musées de Nouméa, qui en fait la présentation. "Ces coquillages sont variés. On retrouve beaucoup la nacre, qui est un support facilement accessible, qu'on trouve localement, comme le trocas. Un peu plus rares sont les burgaux qui, eux, viennent probablement du Vanuatu. Et on suppose d'ailleurs que ces (burgaux) sont postérieurs à 1886, date à laquelle l'administration pénitentiaire a rendu officiel et légal le travail des artistes du bagne et a fourni cette matière première."
Un art devenu commerce
Dès l’ouverture du bagne en 1864 en Nouvelle-Calédonie, la gravure sur coquillage est pratiquée de manière clandestine par des condamnés. D’abord interdite, elle est officiellement autorisée en 1886. L’administration pénitentiaire fournit les outils et les supports, les détenus font le reste. Les bagnards donnent naissance à de véritables œuvres d’art.
Le commerce de ces coquillages gravés prend de l’ampleur avec diverses commandes passées par les familles calédoniennes, les fonctionnaires, les voyageurs, le personnel du bagne et leurs familles.
Des portraits de personnages illustres
Et ces pièces sont plutôt rares, à l’image de cette reproduction de la maison du directeur de l'administration pénitentiaire à l'Ile Nou. Une œuvre d'une finesse incroyable, réalisée par le faux-monnayeur Joseph Müller, un artiste réputé du bagne.
Ou encore les portraits de femmes, gravés par Jacques Joseph Dintroux, cordonnier de profession et condamné au bagne à perpétuité pour assassinat. Il y passera quarante-six années et décédera en détention.
Jacques Joseph Dintroux gravera notamment le portrait de madame Agar, "qui était une figure connue de la culture parisienne, puisque c'était une grande tragédienne, qui avait d'ailleurs pris fait et cause pour la Commune". Autre œuvre : le portrait de Nellie Melba, "une cantatrice australienne pour qui (le chef cuisinier) Escoffier a créé la pêche Melba, le fameux dessert". Pour la petite anecdote, Helen Porter Mitchell, de son nom de naissance, s'était rebaptisée "Melba" du nom de la ville de Melbourne, région d'où elle était originaire.
Ces coquillages, achetés à un particulier, viennent donc enrichir les collections du musée de la ville de Nouméa. Des pièces uniques, qui demandent encore des recherches historiques, avant d’être exposées et visibles du grand public.