Des nouvelles de Matthieu Juncker, le biologiste marin parti en Robinson Crusoé sur un atoll polynésien

A gauche, Girouette, une sterne Gygis alba, née le 25 décembre. En haut à droite, le trimaran à voile et à pédales de Matthieu Juncker, que l'on voit en bas, assis "au bar de la page" comme il a nommé l'installation.
Parti observer la faune et la flore d’un îlot inhabité des Tuamotu, Matthieu Juncker, biologiste marin, doit rentrer en Calédonie en février. Il racontera alors tout de son aventure de huit mois, interrompue au moment des émeutes. En attendant, il a accepté de nous livrer des extraits.

Il avait “l’embarras du choix” pour fêter le Nouvel an : grimper en haut “d’une montagne pour dormir plus près de la voûte céleste, me joindre à grosse une fiesta organisée par mes meilleurs voisins, crabes, bernard-l’ermite et oiseaux, allumer un grand feu et me coucher à 19h sans état d’âme”, liste Matthieu Juncker. Le biologiste marin, Calédonien d’adoption, a finalement opté pour une soirée sur le lagon.  

En avril, il est parti en Robinson Crusoé sur un îlot inhabité des Tuamotu. Sa mission : observer pendant huit mois les effets du réchauffement climatique sur la faune et la flore d’un environnement très préservé. Dans ses “bagages”, il avait notamment une habitation en kit fabriquée par une entreprise calédonienne. Et un trimaran à double propulsion : voile et pédales, pour ne pas risquer de se retrouver en rade entre deux motus isolés.  

Des “Titi” dans les yeux 

C’est sur ce trimaran qu’il a passé la Saint-Sylvestre, comme suspendu entre la mer et le ciel. “Il n’y avait pas un souffle d’air. (...) Le lagon reflétait le ciel et le ciel le lagon. Dans l’eau cristalline, sous la coque, je voyais passer et repasser un requin nonchalant. Tout était calme, tout était doux. Moment d’éternité”, décrit-il avec poésie dans ses réponses envoyées à NC la 1ère via “Radio Motu”, comme il a baptisé le relais assuré par ses proches. 

En tête, il se repasse l’image “de deux poussins “Titi”, blottis contre le ventre d’un parent”. Il a eu la chance de croiser ces bébés oiseaux en danger d’extinction un peu plus tôt. Ils ne vivent plus que sur cinq des atolls des Tuamotu, c’est pour cela que le scientifique a choisi ces îles pour réaliser son rêve d’enfant. Le Chevalier des Tuamotu ou “Titi” est l’objet principal de son étude. Pendant sept mois, il a écumé le lagon sur des centaines de kilomètres pour évaluer les effectifs de "Titi". Il a “arpenté une quarantaine d’îlots à pied, en procédant à des comptages systématiques, en y revenant plusieurs fois pour obtenir des données robustes”, décrit-il sur sa page Facebook.   

Il estime d’ores et déjà qu'en quinze ans, “leur effectif a été divisé par deux, voire trois.” Le 28 décembre, il a vu un œuf dans un nid. De quoi “donner envie d’y croire”. Alors, sur son trimaran, le 31 décembre, alors que 2024 se termine et que 2025 apparaît, il “lève un verre en pensant à la famille, aux amis, à la vie et en souhaitant longue vie aux Titis”. 

Les émeutes, un déchirement 

Il poursuivrait bien son aventure six mois de plus. Mais il rentrera mi-février en Calédonie. “La famille m’attend, je dois retrouver une activité professionnelle pour faire bouillir la marmite et j’aspire à m’investir encore davantage dans la préservation de la planète”, explique-t-il.  

La mission a duré un peu plus longtemps que prévu déjà : il l’a interrompue quelques semaines pendant les émeutes pour retrouver sa famille. Face aux violences et aux inquiétudes de ses proches, il s’est senti “déchiré”. “J’étais bien sur l’atoll. J’avais dépassé le stade de « survie » depuis quelques semaines : l’eau, le poisson, me soigner… Je me consacrai enfin à ma passion pour l’observation de la faune sauvage. J’avais affronté quelques-unes de mes peurs. 

“Je suis bien et j’étais prêt à poursuivre 6 mois de plus” 

Mais sa connexion satellite ne fonctionne plus depuis plusieurs semaines. “Je ne pouvais qu’envoyer et recevoir quelques mots via une balise de tracking en mode SMS”, détaille-t-il. “Mi-juin, un voilier de passage m’a permis de contacter ma femme, de mesurer le désarroi de la famille. Tout s’est enchaîné alors miraculeusement. J’ai pris trois bateaux et trois avions, le premier vol Tahiti-Nouvelle-Calédonie venait d’être rétabli et en 5 jours, j’étais auprès de la famille”, raconte-t-il. 

Début août, “nous avons senti la situation s’apaiser. Je ne percevais pas d’engagement politique fort pour un nouveau projet social, je ne voyais pas de rebondissement économique mais le respect semblait reprendre place. Rassurés, nous avons décidé que je pouvais reprendre le fil de l’expédition. 

Un film en préparation

Il la racontera dans un film de 90 minutes, dont il a commencé la réalisation. “Il sera diffusé sur France 5, Ushuaia et certainement aux Etats-Unis", annonce Matthieu Juncker.  

Il aimerait également publier un livre à partir de son carnet de bord, enregistrer un podcast, discuter avec les Calédoniens lors de causeries, de conférences ou encore d’émissions TV et radio. 

En attendant, il est possible de le suivre sur les réseaux sociaux (Facebook et Instagram), ainsi que sur le site Internet matthieujuncker.com.