Depuis un mois, Sébastien Rague est pêcheur professionnel dit "spécifique". Il a l’autorisation de capturer des poissons dans notre lagon, à destination d’aquariums d’eau salée du monde entier. En mars dernier, il a obtenu un arrêté de la direction du développement durable de la province Sud, après avoir passé un permis de navigation, mis son bateau en règle, expliqué ses intentions et ses connaissances dans le domaine.
Commandes spéciales
La semaine prochaine, il lance sa première campagne de pêche dans le Sud du territoire. “Les étincelles, ce sont toujours les petits poissons bleu turquoise les plus demandés. Ils sont jolis et ce sont des poissons abordables. Les autres poissons plus rares, ils sont pris sur commandes spéciales”, explique le pêcheur. “Par exemple, si on me demande un baliste Picasso, ça sera une commande pour laquelle on ira pêcher un seul spécimen. On ne prend jamais plus que ce dont on a besoin”, poursuit Sébastien Rague.
À l’intérieur de son bateau de 6 mètres 20 : trois bacs, remplis d’eau oxygénée. Les poissons sont capturés à l’aide de filets et d’épuisettes. Ils sont ensuite mis dans des bacs d’acclimatation pendant plus d’une semaine, à Païta. Avant d’être envoyés vers leur destination finale. “Ils sont là pendant une semaine. Ce sont comme des bacs de quarantaine, où on ne doit pas mélanger les espèces entre elles. Une fois que l’acclimatation est faite, on peut les envoyer chez les clients. Il faut que tout se passe rapidement ensuite”, détaille le pêcheur.
Exportés à l'international
Des spécimens revendus sur le territoire à des passionnés d’aquarium d’eau salée, mais aussi exportés à Dubaï, en Europe, en Asie et jusqu’aux États-Unis. Un marché de niche qui coûte. “Avoir un aquarium d’eau salée, c’est un budget un peu plus conséquent. Il y a plus d’appareils. Il faut tester le sel, le Ph de l’eau… Cela peut débuter autour de 25 000 francs pour en avoir un chez soi”, ajoute Sébastien Rague.
Des poissons revendus à l’international à des prix qui varient. “Cela va de 100 francs CFP, jusqu’à 200 000 francs selon les spécimens”, poursuit le professionnel.
“C’est un marché de niche”
Pas de quota ni de restrictions. Mais selon la province Sud l’activité est suivie. Deux arrêtés d’autorisation de pêche ont été émis par les services de la direction du développement durable à la province : en 2011 et en 2023. “Aujourd’hui, il n’y a pas de quota en termes de prélèvement comme on peut en avoir dans certains autres arrêtés. Là, on a des informations liées au volume des aquariums de stockage que le demandeur possède. Ensuite, au moment de l’export nous on a des informations par le biais du SIVAP qui nous remet un listing, ce qui nous permet d’avoir la quantité prélevée et les espèces exportées”, assure Nicolas Pebay, à la tête de la direction du développement durable de la province.
Un marché sur lequel la qualité prime sur la quantité. “C’est un marché de niche. En province Sud, on a trois pêcheur sur ce domaine et une faible pression, ce sont des prélèvements minimes. Aujourd’hui, ce qui vaut sur ce marché c’est la qualité plus que la quantité. L’important pour ces pêcheurs c’est de fournir des espèces différentes à leurs clients. La rareté et la diversité, ça permet d’avoir un prix plus intéressant que s’ils avaient des quantités importantes”, poursuit Nicolas Pebay.
En lien avec l'IRD
La province Sud l'assure, des études sont menées en parallèle avec les spécialistes de l'IRD. “S’il devait y avoir un impact sur les espèces, à ce moment là, on serait emmenés à pouvoir mettre des quotas ou bien des interdictions selon la période ou pendant une durée à définir. On travaille avec différents partenaires notamment l’IRD, avec qui on réalise des suivis et des études mises en place si nécessaire”.
Une étude est en revanche en cours, autour d’une espèce de poisson Ange dont la pêche spécifique pourrait être régulée à termes. Car l’espèce est en voie de disparition dans le monde.
Reproduction
Sébastien Rague possède pour l’heure au total près de 2 000 litres de cuves d’aquarium, à Païta. Il espère pouvoir faire évoluer son activité autour de la reproduction de certaines espèces. “J’aimerais faire plusieurs tentatives de reproduction, pour pouvoir essayer de réintroduire tout ce qui est poissons en disparition dans nos lagons", commente le pêcheur.
Il souhaite aussi lancer un projet de ferme de coraux pour les restaurer. “Avec le réchauffement climatique, les coraux blanchissent. Le but, c’est d’essayer de pouvoir un jour demander des parcelles pour replanter des coraux en pleine mer, comme dans les autres pays”.