Le groupe minier français Eramet va ouvrir en 2024 une usine de lithium en Argentine avec le chinois Tsingshan, relançant un projet mis sous cocon durant la pandémie, afin d'approvisionner le marché des batteries de véhicules électriques nécessaires à la transition énergétique.
A terme le gisement, situé à 3.800 mètres d'altitude dans la province de Salta (nord-ouest), dont Eramet possède "100% des droits perpétuels", devrait produire 15% des besoins européens en lithium, a estimé la PDG du groupe Christel Bories lors d'un entretien téléphonique avec les agences de presse lundi.
Le groupe métallurgique et minier estime "avoir la chance d'être au coeur de la solution de la transition énergétique" avec ce gisement sur les hauts plateaux andins, et sa stratégie globale de recentrage sur les métaux critiques nécessaires à la construction de batteries.
Le sidérurgiste chinois, premier producteur mondial d'acier inoxydable, aura 49,9% du projet, et financera 375 millions de dollars sur les 400 millions nécessaires à la construction de l'usine.
Eramet a meilleure mine
Tsingshan est déjà partenaire d'Eramet dans une usine de nickel en Indonésie exploitant le grand gisement minier de Weda Bay.
En Nouvelle-Calédonie, la Société Le Nickel (SLN), berceau mondiale de cette industrie et filiale d'Eramet, est la première productrice mondiale de l'alliage de ferronickel.
Au Gabon, la Comilog, une autre filiale du groupe, est la seconde productrice mondiale de manganèse à haute teneur.
Lithium en Argentine
Eramet dépensera 25 millions de dollars pour une participation de 50,1% et le contrôle du projet en Argentine. La construction de l'usine débutera au 1er trimestre 2022.
Explosion de la demande mondiale
"La transition énergétique nécessite beaucoup de métaux pour le stockage et le transport de l'électricité, 75% des véhicules produits en Europe seront électriques en 2030 et 40% dans le monde" a rappelé Christel Bories.
Le groupe anticipe que la demande mondiale de nickel va être "multipliée par deux", celle de cobalt "par quatre" et celle de lithium "par six" d'ici à 2030.
Pour le seul lithium, le marché mondial qui s'élève aujourd'hui à quelque 350.000 tonnes par an, devrait gonfler à 1 million de tonnes en 2025 et 2 millions de tonnes en 2030, a détaillé la dirigeante.
Pour les débouchés, Eramet est en discussion avec les deux grands consortiums de batteries prévus en France, autour des constructeurs Stellantis (ex PSA-Fiat) et Renault, et d'autres en Europe.
"A l'heure actuelle, il y a pénurie de lithium" dans le monde, a déclaré Christel Bories en rappelant les prix de "près de 30.000 dollars la tonne" atteints sur les marchés spot. "Nous pensons que la tension sur les prix du lithium va durer pendant longtemps" a-t-elle ajouté.
La taille du gisement "permettra d'envisager des extensions ultérieures" de l'usine, dont la production annuelle sera de 24.000 tonnes de carbonate de lithium (LCE) pendant 40 ans.
"économe en eau"
Face aux dégâts environnementaux causés par l'exploitation conventionnelle du lithium dans les régions andines, le groupe prévoit d'utiliser un procédé d'extraction par nanofiltration et osmose inversée "très performant", qu'il a mis au point, et surtout "économe en eau" afin de "préserver l'équilibre hydrique de cette région aride".
La première usine fonctionnera au gaz mais une centrale solaire a aussi été installée sur place et va "monter en puissance", a indiqué Mme Bories.
Eramet vise aussi à développer l'emploi local et finance un programme de réintroduction de la culture ancestrale du quinoa dans cette région, offrant des ressources alternatives de revenus à une poignée de producteurs locaux.
De 75 personnes présentes actuellement sur le site, les effectifs devraient gonfler à terme à 300, très majoritairement locaux.
Eramet avait lancé des explorations en Bolivie, au Chili et en Argentine en 2010 et identifié le "salar" (désert de sel) de Centanario-Ratones en 2012, dont le groupe possède la concession et les droits miniers depuis 2014 et le droit d'exploitation depuis 2019.
Le groupe a donné quelques indications financières sur la rentabilité envisagée de l'opération: l'extraction devrait avoir un coût ("cash-cost") de 3.500 dollars la tonne, et un "taux de rendement interne très élevé". Eramet prévoit ainsi un bénéfice d'exploitation Ebitda de 165 millions d'euros "vers le deuxième semestre 2025", a dit Mme Bories.
A la clôture lundi, l'action Eramet bondissait de 4,75 % à 71,10 euros à la Bourse de Paris dans un marché stable.
LME-Nickel le 08/11/2021 : 19.610 dollars/tonne +0,97 %