En attendant d'enlever ce qui reste du Kea Trader

La barge Cali dans la grande rade de Nouméa, juin 2020.
Nouvelle-Calédonie

Le 12 juillet 2017, la Nouvelle-Calédonie découvrait avec surprise l'échouement d'un porte-conteneurs sur un récif pourtant connu. Trois ans après, le Kea Trader reste encastré dans sa prison de corail. Du moins ce qu'il en reste, à savoir une épave brisée. A Nouméa, la barge-grue Cali aménagée en Chine exprès attend toujours de pouvoir lancer le chantier de démantèlement, avant la saison cyclonique. La pandémie de Covid-19 a un peu plus compliqué une situation déjà délicate.

  

Un démantèlement toujours en attente

Au large de Maré, ce qu'il reste du Kea Trader attend toujours d'être sorti de la pleine mer. Les opérations de démantèlement s'avèrent au point mort, en ce milieu d'année 2020.

EN ATTENDANT LA RELEVE
Fin mars, des équipes techniques et du personnel de relève devaient pourtant arriver de Chine par avion. Elles étaient attendues pour renforcer la trentaine d’hommes à bord de la barge-grue Cali, qui a fait son apparition en février dans la grande rade de Nouméa. Longue de 126 mètres pour 32 mètres de large, elle avait été remorquée depuis le port de Shanghai. 

PANDEMIE
Un équipement innovant, équipé d’une grue qui peut lever jusqu'à 800 tonnes et fonctionner à faible tirant d’eau. D'ailleurs, la barge Cali a été adaptée sur mesure aux conditions du récif Durand. Elle a patienté à Nouméa, le temps des travaux préparatoires sur zone. Mais la crise sanitaire est passée par là, avec la fermeture des aéroports et les mesures de confinement. 

«UN EQUIPAGE MINIMAL»
«L'équipage présent est un équipage minimal, pour faire venir la barge par mer», décrit Thierry Canteri, directeur des affaires maritimes de Nouvelle-Calédonie. «Mais il n'est pas suffisant, en compétences, en nombre, pour pouvoir ensuite aller sur le récif Durand, et travailler sur place parce que ce sont des opérations complexes. Elles nécessitent des plongeurs, des grutiers, etc, qui ne sont pas présents à bord de la barge actuellement.»

Ecoutez les explications de Coralie Cochin :

Trois ans après l'échouement du Kea Trader

CONFIE A UNE COMPAGNIE CHINOISE
C'est, rappelons-le, une entreprise chinoise, la Shanghai Salvage company, qui a été chargée de ce démantèlement. 

 

Une épave en décomposition

En 2018, un an après son échouement, ce diaporama montrait le déclin progressif du Kea Trader.  Les deux morceaux de l’épave sont toujours coincés sur le récif Durand. Et le navire poursuit sa lente décomposition. «Il se dégrade forcément, chaque jour, un petit peu puisqu'il est soumis à l'assaut régulier des vagues», souligne le directeur des «Afmar» Thierry Canteri. 

PLUS LA MÊME SURVEILLANCE
Au risque d'une pollution ? «Il y a eu une surveillance très forte au début de l'échouement, c'est normal, puisqu'il y avait quelques débris qui étaient perdus, il fallait les ramasser. Maintenant, il n'y a aucune perte identifiée», assure-t-il. «Il n'y a plus de surveillance quotidienne comme auparavant.»

DES ACTIONS ENTRE-TEMPS
En attendant le lancement du démantèlement proprement dit, des opérations de dépollution se poursuivent sur le récif. En juin 2020, 3,7 tonnes d’acier ont été sorties de l’eau. Trois morceaux de l'épave qui devaient être transférés sur la Grande Terre pour recyclage.

«EXEMPT DE POLLUANTS»
Selon le récent communiqué de l'armateur Lomar Shipping, ce qu'il reste du Kea Trader a été déclaré exempt de polluants après enlèvement par hélicoptère :
  • d'un millier de mètres cubes de fioul lourd, diesel et autres huiles lubrifiantes ;
  • de 697 des 782 conteneurs et plateaux présents à bord ; 
  • de 400 tonnes d’autres matériaux (meubles, matériel informatique, cloisons, faux-plafonds, amarres et éventuels matériels flottants).
DEBRIS IMMERGES
Sans oublier le nettoyage en profondeur des réservoirs, canalisations et autres zones de la structure.  Mais aussi les 123 tonnes de débris d’acier, immergés, qui ont été extraits du récif par des navires de la compagnie SSC.

 

Des habitants de Maré attendent dédommagement

Le récif Durand se situe en pleine mer, au Sud-Est de Maré.

A 90 km du récif Durand, l'île de Maré. Il y est prévu une réunion le mardi 14 juillet, pour aborder de nouveau le dossier Kea Trader. Des habitants demandent à l’armateur un dédommagement pour la pollution causée.

«LA MER, C'EST LE GARDE-MANGER»
«Le récif Durand, ça appartient à un clan du district de Penelo», précise Georges Rueuru, président du collectif de ce district. «Comme il y a des conteneurs qui sont tombés dans l'eau... Qu'est-ce qui nous dit que le poisson est bon à consommer ? Si demain, on va pas attraper des maladies ? Pour les îles, la mer, c'est le garde-manger.»

BOULETTES ET DEBRIS
Le 29 novembre 2017, quelques mois après l’échouement, le plan Orsec «Polmar terre» est déclenché : des boulettes d’hydrocarbures ont été découvertes sur les plages de onze communes calédoniennes. En février et mars 2018, ce sont des mousses de polyuréthane et des débris de containers qui s’échouent, lors des passages des cyclones Gita et Hola. Belep, et Maré, vont encore connaître des arrivées épisodiques de substances tombées du Kea Trader. Le plan Polmar terre est levé en novembre 2019. 

 

Comment le Kea Trader en est arrivé là

Le Kea Trader s'est échoué au large de Maré le 12 juillet.

Lorsque le Kea Trader s'échoue, voilà six mois seulement qu'il est sorti du chantier naval chinois de Guangzhou Wenchong. Battant pavillon maltais, le porte-conteneurs mesure 184 mètres de long pour une largeur maximale de trente mètres et un poids de 25 000 tonnes.

ENCASTRE A PLEINE PUISSANCE
Cette nuit du 11 au 12 juillet 2017, il file droit devant à 18 nœuds (plus d'une trentaine de kilomètres / heure), en direction de Nouméa et en provenance de Tahiti, quand il trouve sur sa route le récif Durand isolé en haute mer. Le colosse s'enfonce dans le corail à pleine puissance.
Le rappel d'Erik Dufour et Laura Schintu :

UN RECIF POURTANT CONNU
L'accident ne fait pas de blessé auprès des 18 membres d'équipage, et ne cause pas de pollution immédiate. Mais il surprend : l'endroit, cartographié depuis un siècle, est connu et signalé. Plusieurs mois après, l'enquête confirme ce que l’on pressentait. Le rapport rendu depuis Malte écarte la panne technique ou les conditions météorologiques, et pointe une succession d’erreurs humaines, détaillées ici Or, dès le départ, retirer le géant de sa prison de corail s'annonce long, difficile et excessivement coûteux - pour le propriétaire et ses assureurs. Retour sur les très nombreuses péripéties de ce feuilleton, dans le dossier que nous avions consacré au premier anniversaire de l'échouement :
 

En quelques dates

Le porte-conteneurs, pris le 13 octobre 2018.

Nuit du 11 au 12 juillet 2017
Le Kea Trader en pleine lancée s'échoue sur le récif Durand.

24 juillet 2017
Une légère pollution est repérée en mer, un relâchement d’eaux mazouteuses comme il va s'en produire régulièrement.
 
27 juillet 2017
Le fioul commence à être pompé.
   
28 septembre 2017
Le bateau est déclaré perdu.
 
9 octobre 2017
Première tentative, infructueuse, de remise à flot.
 
12 novembre 2017
Quatre mois après s'être encastré dans le corail, le Kea Trader se brise en deux sous l'effet d'une forte houle.
 
22 novembre 2017
Découverte des premières boulettes d'hydrocarbure, sur des plages de Lifou.
 
Janvier 2018
Evacuation des derniers impompables.
 
Février 2018
Les deux parties de l'épave s'écartent sous le coup du cyclone Gita.
 
Mars 2018
Sous l'effet du cyclone Hola, les deux morceaux de coque se percutent, provoquant d'importants dégâts et la chûte de conteneurs à la mer. 

Fin mai 2018
Les deux parties de la coque sont complètement séparées.

4 novembre 2019
Le plan Orsec Polmar Terre est levé

12 novembre 2019
Une délégation d'autorités institutionnelles et coutumières se rend au plus près du récif, pour se rendre compte. 

29 novembre 2019
L’Etat valide le plan de retrait de l’épave, en accord avec les élus et les représentants coutumiers.

Février 2020
Arrivée de la barge-grue Cali à Nouméa.