ENTRETIEN. La handballeuse Suzanne Wajoka, bientôt chez les Bleues : "Au fond de mon coeur, je suis très fière "

Suzanne Wajoka se confie à l'approche de sa participation au rassemblement de l'équipe de France senior, fin octobre.
Jamais une handballeuse calédonienne n'avait eu l'honneur d'être intégrée à l'équipe de France senior. Fin octobre, Suzanne Wajoka, 23 ans, participera à un stage national avec des Bleues vice-championnes olympiques. Dans un long entretien accordé à NC la 1ère, l'ailière gauche de l'Entente sportive bisontine raconte son émotion et son parcours.

"Elle a ouvert la porte, maintenant il faut rester dans la salle". Olivia Vaïtanaki a le sens de la formule et livre ce petit message dans un grand rire. La responsable du pôle espoir du Pacifique a vu l'une de ses protégées appelée en équipe de France sénior pour un stage national du 20 au 27 octobre prochain.

Si elle-même a été une pionnière en devenant la première joueuse du territoire à devenir professionnelle, Suzanne Wajoka, qui l'a imitée, est allée encore plus loin. L'ex-licenciée de la JS Mont-Dore, désormais à l'Entente sportive bisontine en première division, sera la première à vivre l'expérience des Bleues. Elle nous a fait part de son état d'esprit et de ses ambitions dans un entretien par visioconférence.

NC La 1ère : Le 1er octobre dernier, la nouvelle tombe : vous figurez dans la liste des vingt joueuses retenues par le nouveau sélectionneur Sébastien Gardillou pour préparer deux matchs amicaux contre la Hongrie. Comment l'apprenez-vous ? 

Suzanne Wajoka : Par mon coach à l'Entente sportive, juste après l'entraînement. Franchement, cela faisait partie de mes objectifs. Je me suis dit : pourquoi ne pas aller le plus vite possible en équipe de France ? Cela représente beaucoup, parce que je suis passée par des étapes de ma vie qui ont fait que cela a été dur. J'ai vécu beaucoup de moments où je voulais arrêter. Le fait de recevoir cette convocation m'a rendu heureuse de n'avoir rien lâché. J'ai été énormément surprise, et au fond de mon coeur, je suis très fière.

Suzanne Wajoka, ailière gauche de l'ESBF, est appelée en équipe de France senior du 20 au 27 octobre prochain.

Vous avez rapidement prevenu Olivia Vaïtanaki, celle qui vous a pré-formé sur le territoire ? 

S.W : Avec le décalage horaire, elle était en train de dormir, alors je lui ai envoyé un message en majuscules : "OLIVIA, JE SUIS PRISE EN EQUIPE DE FRANCE !" (rires). On s'est appelée juste après, en se rappelant tous les moments vécus ensemble avant de venir ici. Elle saura de quoi je parle. Elle était très contente et fière d'apprendre cette nouvelle.

Elle m'a toujours accompagnée, a toujours été là pour moi. Que ce soit quand je suis arrivée dans l'Hexagone, ou quand je revenais ensuite en vacances en Nouvelle-Calédonie. Elle m'a toujours montré qu'elle croyait en moi. C'est l'une des personnes qui l'a fait dès le départ, dès la première fois où elle m'a vu. Franchement, je ne peux que la remercier pour ça. J'ai énormément de reconnaissance pour cette personne. Elle le sait déjà, c'est comme une deuxième mère pour moi aujourd'hui. 

Quels sont vos espoirs pour ce rassemblement national, au sein d'une équipe championne du monde l'an passé et vice-championne olympique à Paris ? 

S.W : Je sais que cette convocation ne veut pas forcément dire que je suis prise directement en équipe de France. Je vais vraiment aller là-bas pour prouver, il faut continuer les efforts, ce n'est que le début. L'étape qui était de faire partie de cette sélection sénior est passée. Maintenant, à moi de prouver lors des entraînements. 

Suzanne Wajoka évolue depuis 2023 à l'Entente sportive bisontine.

Cela vient récompenser les efforts de la saison dernière au sein de l'Entente sportive bisontine, en première division. Comment la jugez-vous individuellement et collectivement ?

S.W : Collectivement, on a manqué de régularité. Une saison mitigée avec autant de victoires que de défaites (NDLR : 12 succès, 11 revers). On va dire que c'était compliqué. Individuellement, par contre, j'ai trouvé une stabilité. Une belle saison qui se concrétise avec ma nomination comme troisième meilleure ailière gauche du championnat. Cela faisait partie de mes objectifs et j'étais vraiment contente. C'est une étape de franchie, une étape validée.

90 buts marqués, à près de 63% de réussite : qu'est ce qui explique ces performances ?

S.W : Mon équipe a su me donner des bons ballons. Défensivement, on a su faire groupe pour que je puisse enchaîner ensuite sur des contre-attaques. Individuellement, j'ai fait moins d'erreurs et je me suis montrée plus efficace à l'aile. J'ai gravi un petit palier à ce niveau-là, et c'est une satisfaction pour moi. 

Suzanne Wajoka a marqué 90 buts la saison passée. Le compteur en affiche huit de plus en ce début d'exercice 2024-2025, après deux matchs joués.

Après Fleury Loiret, vous avez rejoint l'Entente sportive bisontine en 2023. Est-ce que la transition s'est facilement passée ?

S.W : Au début, c'était un peu compliqué de changer d'équipe, de ville. D'autant que Fleury était mon premier club professionnel. J'ai eu du mal à m'adapter, mais grâce aux filles et aux personnes qui m'accompagnent, j'ai pu vite m'intégrer au fil des mois qui ont suivi mon arrivée. 

Une nouvelle saison vient de commencer avec déjà deux victoires en autant de matchs à Plan-de-Cuques et contre le Paris 92. Vous en êtes déjà à huit buts ... 

S.W : On va dire que nous avons une bonne équipe cette année, assez complète sur la base arrière. On défend bien et on se projette vite vers l'avant. Ce sont des points positifs pour faire une belle saison et gagner des matchs. Cela montre aussi que notre préparation d'avant-saison a été réussie.

Si l'équipe a été renouvelée et que nous n'avions pas l'habitude de jouer ensemble sur la base arrière, on a montré sur les deux premiers matchs qu'on adhérait au projet de jeu mis en place par l'entraîneur, Jérôme Delarue. On a toutes bien respecté nos rôles et ce que l'on avait à faire. Notre travail et notre connexion sur le terrain ont été récompensés. 

Quels sont les objectifs pour le club et à titre individuel ? 

S.W : Pour l'équipe, c'est vraiment d'être en haut du tableau pour faire partie des clubs qui vont jouer la Coupe d'Europe la saison prochaine. En Coupe de France, ce serait d'aller le plus loin possible : demi-finale, finale pourquoi pas. Sur un plan personnel, je voudrais faire encore partie des meilleures ailières gauches de la première division et aller le plus loin possible en équipe de France puisque je viens d'avoir ma sélection. Je veux continuer de travailler durement, physiquement et mentalement.

Suzanne Wajoka a été désignée 3e meilleure ailière gauche de la première division la saison passée.

 

Sur le plan mental justement, vous avez connu en 2021 une rupture des ligaments croisés du genou droit. Comment avez-vous traversé cette période délicate ?

S.W : Beaucoup de personnes m'ont accompagné durant cette période de blessure. Je pense à Olivia Vaïtanaki, mon ami, mes proches et des personnes de club de Fleury. Je n'étais pas toute seule. 

Olivia Vaïtanaki vous fait venir en 2015 au pôle espoir du Pacifique qu'elle dirige à Dumbéa. En quoi ce passage est déterminant pour vous ?

S.W : Je ne connaissais pas trop le handball. En intégrant le pôle, Olivia nous a fait découvrir ce qui nous attendait dans le même type de structure dans l'Hexagone. Il fallait assimiler le rythme : aller au lycée, enchaîner avec l'entraînement, rentrer à l'internat, se lever tôt le lendemain pour un nouvel entraînement. Elle a mis en place à Dumbéa une organisation identique à celle que l'on trouve en France. L'idée, c'était que l'on puisse arriver dans un lieu où l'on connaît déjà le fonctionnement.

Vous partez au pôle France du Centre Val de Loire en 2016 et, rapidement, vous intégrez les équipes de France jeunes, jusqu'à être désignée capitaine des moins de 21 ans. C'est un autre tournant pour vous ?

S.W : Cela m'a permis de me projeter dans l'avenir, de me fixer des objectifs à atteindre. Qu'est ce que je veux vraiment pour plus tard ? Devenir professionnelle, aller en sélection A, figurer parmi les meilleures à mon poste, pourquoi pas rejoindre un club de Champions League à l'étranger ... Je pense que ca m'a vraiment permis de me préparer à tout ça. Ma première sélection en équipe de France jeunes, c'est un grand souvenir. Je dirais aussi notre 4e place aux championnats d'Europe moins de 17 ans en 2017 avec Pauletta Foppa que tout le monde connaît dans le handball français. 

Sur le Caillou, lorsque l'on croise de jeunes handballeuses au pôle espoir du Pacifique, votre nom est souvent cité comme un modèle à suivre. Qu'avez-vous envie de leur dire ?

S.W : Je leurs dis de poursuivre leur rêve, d'aller jusqu'au bout, et que l'on a rien sans travail. J'ai aussi un autre message à faire passer. Je voudrais remercier toutes les personnes qui m'ont félicitée sur les réseaux ou par message, pour leur bienveillance. Je remercie également particulièrement Olivia Vaïtanaki, son mari, ma mère pour tout ce qu'elle fait pour moi, ma famille, et mon copain qui me soutient tous les jours. Cela me touche beaucoup.