Après avoir prohibé la pêche en eaux profondes, le ministre de la Pêche s'apprête à rédiger un projet de loi pour interdire la collecte de bêches-de-mer dans tout le pays. Il s'agit de préserver les stocks, mais aussi les plongeurs, trop souvent victimes d'accidents.
•
Les entreprises de pêche sont vent debout contre cette mesure. « L'une des principales raisons pour lesquelles nous avons décidé d'interdire la pêche avec des appareils respiratoires autonomes, c'est que grâce à ces appareils, les pêcheurs-plongeurs peuvent atteindre les profondeurs où les concombres de mer mer (également appelés holothuries ou bêches-de-mer, NDLR) se reproduisent. Donc on interdit les ARAP pour permettre aux stocks d'holothuries de se reconstituer, en particulier les espèces qui sont exportées vers les marchés asiatiques », a expliqué Semi Koroilavesau, le ministre fidjien de la Pêche, sur ABC cette semaine.
En interdisant les ARAP, il s'agit de protéger les concombres de mer, mais aussi les pêcheurs eux-mêmes. D'après Steven Purcell, chercheur à l'université australienne de Southern Cross, les stocks d'holothuries ayant baissé dans les eaux faciles d'accès, beaucoup de pêcheurs s'aventurent en eaux plus profondes, jusqu'à 50 mètres. Et ils sont maintenant forcés de plonger plusieurs fois par jour pour récolter suffisamment de concombres de mer. Les accidents de décompression sont courants aux Fidji. Il n'y a pas de statistiques officielles, mais les accidents mortels pourraient se compter par dizaines chaque année, sans compter les pêcheurs qui survivent mais restent paralysés.
Un gros manque à gagner pour les pêcheurs
Les deux arguments utilisés par le ministre de la Pêche - la conservation des espèces de concombres de mer et la sécurité des plongeurs, n'ont pas suffi à convaincre les pêcheurs. En décembre, les 13 entreprises de pêche fidjiennes de la Scuba Dive Fiji association, ont déploré l'interdiction sans préavis des appareils respiratoires autonomes de plongée, une mesure qui a mis au chômage la plupart de leurs plongeurs. Elles demandent à ce que ce soit les conseils de villages qui choisissent de renoncer aux ARAP - ou pas.
Les exportations de concombres de mer rapportent 20 millions de dollars par an aux Fidji
La pêche au concombre de mer fait vivre de nombreux Fidjiens depuis les années 1820, date du début des exportations vers les marchés asiatiques.
Selon Watisoni Lalavanua, spécialiste des holothuries au sein de la Wildlife Conservation Society Fiji (une association qui promeut la conservation des espèces aux Fidji), le prix du kilo de bêche-de-mer (concombres de mer séchés) varie de 10 à 1000 dollars australiens, en fonction des espèces. Pour certains espèces, les prix explosent. En 2016, l'une des espèces les plus prisées, le Pacific sandfish, a atteint plus de 1600 dollars le kilo sur le marché de Hong-Kong. Et un concombre de mer japonais peut s'arracher à plus de 2900 dollars le kilo.
Malgré ces réalités économiques, le ministre fidjien de la Pêche envisage sérieusement d'imposer un moratoire total sur la pêche au concombre de mer aux Fidji. « La bêche-de-mer est un important produit d'exportation pour les Fidji. Ces exportations rapportent environ 20 millions de dollars chaque année au pays. Mais il faut considérer ce sacrifice à la lumière de bénéfice de long terme. L'interdiction de la pêche permettra aux futures générations de continuer à manger de holothuries, car elles sont consommées quotidiennement par les Fidjiens eux-mêmes », souligne Semi Koroilavesau.
Malgré ces réalités économiques, le ministre fidjien de la Pêche envisage sérieusement d'imposer un moratoire total sur la pêche au concombre de mer aux Fidji. « La bêche-de-mer est un important produit d'exportation pour les Fidji. Ces exportations rapportent environ 20 millions de dollars chaque année au pays. Mais il faut considérer ce sacrifice à la lumière de bénéfice de long terme. L'interdiction de la pêche permettra aux futures générations de continuer à manger de holothuries, car elles sont consommées quotidiennement par les Fidjiens eux-mêmes », souligne Semi Koroilavesau.
Vers une interdiction de la pêche pure et simple?
Dans un premier temps, dans 6 mois, le ministre va commander un bilan de l'interdiction de la pêche en eaux profondes avec des ARAP. Si l'impact de cette mesure se révèle insuffisant pour protéger les stocks de concombres de mer, il rédigera un projet de loi en vue de l'interdiction totale de la pêche. Semi Koroilavesau estime que le soutien des députés sera facile à gagner, malgré la grogne des pêcheurs. « J'espère, car maintenant tout le monde est au courant des effets négatifs de la pêche au concombre de mer. Je vais proposer l'interdiction au gouvernement, et s'il l'approuve, notre majorité devrait voter pour au Parlement. C'est une politique nécessaire sur le long terme, même si les effets de court-terme vont sûrement provoquer la grogne de certains producteurs-exportateurs. Mais il faut stopper cette pêche pour le bénéfice des générations futures », martèle le ministre.
Les Tonga, la Papouasie Nouvelle-Guinée et plusieurs autres pays du Pacifique ont décidé d'interdire la pêche au concombre de mer, le temps de reconstituer les stocks. Le Vanuatu a du lever l'interdiction après le passage du cyclone Pam en mars 2015, pour permettre aux habitants de gagner un peu d'argent et de reconstruire leurs vies.