La vie des habitants des 1100 villages du pays va être formellement réglementée par un arrêté-cadre. Objectif: maintenir les traditions, et aussi, améliorer la qualité de vie des villageois. Mais le chercheur australien Dominic O'Sullivan y voit surtout la patte d'un régime qu'il juge autoritaire.
•
Aux Fidji, le gouvernement planche sur un projet d'arrêté qui va encadrer la vie des villageois.
Vêtements décents
D'après le quotidien Fiji Sun, le texte vise à renforcer le respect des traditions et balaie tous les aspects, par exemple, ce que les gens doivent porter comme vêtements. Récemment, deux femmes ont provoqué un scandale dans un village parce qu'elles sont arrivées en short. La loi non écrite du village stipulait que les femmes devaient porter des vêtements qui arrivent en-dessous du genou.
Présence obligatoire aux réunions du village
Autre exemple, cité par Naipote Katonitabua, le secrétaire permanent aux affaires i-taukei - c'est-à-dire indigènes: si une assemblée est prévue, tous les habitants et tous les visiteurs doivent y assister, et ce, quelle que soit l'église à laquelle ils appartiennent. Aux Fidji, c'est l'église méthodiste qui a le plus de pouvoir, généralement dans les villages.
Seuls les propriétaires peuvent se marier
Le projet d'arrêté comprend aussi un article sur les mariages. Tout villageois qui voudra se marier devra prouver qu'il possède une maison et une plantation.
« Dans ces villages, la plupart des gens vivent de la pêche et de l'agriculture de subsistance. Le but de cette mesure est de garantir un minimum de stabilité économique et aussi, il s'agit de faire en sorte que les jeunes cessent de dépendre de leurs parents, de se marier et d'avoir des enfants alors qu'ils ne sont pas autonomes financièrement. D'un côté, c'est une mesure cohérente, mais de l'autre, c'est une façon très autoritaire d'encourager l'accession à la propriété », a affirmé Dominic O'Sullivan, chercheur en sciences-politiques à l'université Charles Sturt de Darwin, au micro d'ABC.
Les villageois, exclus de la vie économique ?
Ces lois spéciales pour les Fidjiens qui vivent dans les 1100 villages du pays instaurent un système à 2 vitesses. D'un côté, les Fidjiens des villes, de l'autre, les villageois, soumis à des règles plus strictes, et surtout, excluantes, estime Dominic O'Sullivan:
« Dans l'histoire du pays, l'un des facteurs qui expliquent le niveau de pauvreté parmi les Fidjiens, c'est la politique des colons britanniques à la fin du XIXème siècle. Ils ont exclu les Fidjiens de la vie économique. Et ce nouvel arrêté risque de recréer cette même situation. Les Fidjiens qui choisissent de rester vivre au village, pour des raisons culturelles et familiales, vont mener une existence très contrôlée, très régulée, et ils auront moins d'opportunités d'entrer sur le marché du travail, ce n'est pas encourage par l'arrêté. »
Processus de consultation
Les chefs de chacun des 1100 villages du pays aura un peu de latitude et la possibilité d'adapter ces règles. Ils devraient recevoir une copie du projet d'arrêté d'ici la fin novembre. S'ouvrira ensuite une période de consultations qui devrait s'étendre sur 8 mois.
« La culture politique actuelle à Fidji est imprégnée d'autoritarisme, et bien qu'il y ait eu des élections parlementaires en 2014, c'est une démocratie conditionnelle, souligne Dominic O'Sullivan. Selon la Constitution, c'est l'armée qui conserve l'autorité ultime pour maintenir l'ordre et la paix. Donc j'ai du mal à imaginer quel type de consultation pourrait être mis en place. »
Propriété intellectuelle
En parallèle, Naipote Katonitabua, le secrétaire-permanent aux affaires i-taukei élabore une autre loi pour protéger les traditions fidjiennes. Après les coutumes villageoises, il travaille sur la défense de la propriété intellectuelle. La loi, assure-t-il, permettra par exemple aux Fidjiens de revendiquer la propriété intellectuelle de la pirogue camakau montrée dans Vaiana, la légende du bout du monde, le dessin animé de Disney. Actuellement les constructeurs de pirogue fidjens n'ont pas de recours légal.