La figure et l’héritage du pasteur Leenhardt passés au crible

Jeanne et Maurice Leenhardt.
Une personnalité emblématique et complexe se trouvait au cœur du colloque organisé vendredi et samedi, à l’université de la Nouvelle-Calédonie. Trois demi-journées autour du missionnaire protestant, fondateur de Do Neva, ethnologue et auteur de plusieurs ouvrages liés à la culture kanak.
«Maurice Leenhardt, contexte et héritages», le nom du colloque qu’accueillait l’université en fin de semaine. Organisé par son laboratoire de recherche «Troca», il portait plusieurs ambitions: replacer cette figure de l’histoire calédonienne dans son époque, évoquer son réseau relationnel, mettre en exergue la complexité et les contradictions du missionnaire-ethnologue, ou encore l’influence de ses travaux. 

Le compte-rendu de Brigitte Whaap et Philippe Kuntzmann :
©nouvellecaledonie
 

Une vingtaine d'années à Houaïlou

Au début du XXe siècle, Maurice Leenhardt est envoyé par les autorités protestantes pour évangéliser les «indigènes» de Calédonie. Il fonde la mission de Do Neva. Pendant la vingtaine d’années que le religieux reste à Houaïlou, il apprend la langue et s’intéresse à la culture kanak. 
 

«Des archives considérables»

Son héritage : des livres ethnologiques, mais surtout des documents. «On a constaté qu’on avait des archives considérables qui existaient en Nouvelle-Calédonie et qui, en partie, restent à exploiter», explique Yann Bevant, directeur du laboratoire Troca. Autre élément déclencheur du colloque, le besoin d’un bilan critique «compte-tenu de l’importance, encore aujourd’hui, de la figure du pasteur Leenhardt». 
 
Sur cette photos, les missionnaires Leenhardt et Laffay.
 

Des étudiants curieux et critiques

Plusieurs thèmes ont été abordés pour essayer de mieux comprendre la personnalité de l’homme, que ce soit le missionnaire protestant ou l’anthropologue. En présence d’élèves de master, curieux mais aussi critiques. «On a pu voir l’ampleur que Maurice Leenhardt a pu avoir sur le peuple kanak», réagit Audrey Paimbou-Poumoine, étudiante en civilisation, culture et société. «Pourquoi [et] comment, il a pu produire ces écrits-là. En fait, c’était à la conquête du protestantisme. Mais connaissant la société kanak, il y a certaines choses que je ne conçois pas…»
 
Patrice Godin durant le colloque.
 

Ecrits par des pasteurs et moniteurs kanak

Patrice Godin, membre de Troca et anthropologue, a exploré ces archives. Constat : une partie des écrits sont l’œuvre des pasteurs et moniteurs kanak. «On a quelque chose d’extrêmement raretoute une série d’Océaniens qui ne sont pas des collaborateurs de l’anthropologue, mais véritablement des anthropologues eux-mêmes», insiste-t-il. «C’est cette anthropologie-là qu’il faut essayer de faire ressortir. Pas simplement pour le contenu d’information qu’il y a encore dans ces écrits-là, pas simplement pour les descriptions mais aussi pour les analyses, les visions qu’ils livrent de leur propre société.» 
 
 

Groupe de travail interdisciplinaire

Suite au colloque, les chercheurs veulent explorer les archives du pasteur Leenhardt, au sein d’un groupe de travail interdisciplinaire. Une façon d’essayer de mieux cerner ce personnage complexe, et emblématique.