Football : Jacques Zimako Atrë, acclamé une dernière fois

Jacques Zimako à la fin des années 70
La disparition de l’ancien international français né à Drueulu a résonné de sa terre natale à la Corse en passant par bien d’autres contrées. Famille, anciens clubs et partenaires, grand public : tous saluent son talent et sa simplicité.

Les réactions disent beaucoup de l’empreinte qu’il a laissé, partout où ses débordements ravageurs ont pu s’exprimer. Sur les réseaux sociaux, son ancien coéquipier à Saint-Etienne, Laurent Paganelli, évoque la perte « d’un ami, d’un frère ».

L’ASSE qui présente l’un des plus beaux palmarès du football français (10 championnats, 6 coupes nationales) rend hommage à une « légende stéphanoise ». Partout en France et ailleurs, on s’est souvenu d’un style à part. L’ancien journaliste phare de Téléfoot, Didier Roustan l’a joliment décrit : « une feuille virevoltant au gré du vent, mais rapide et jaillissant comme l’éclair ».

Commentaires chaleureux

Jacques Zimako Atrë n’a laissé personne indifférent. Et surtout pas dans l’île qui l’a vu se révéler au plus haut niveau. Sur le site internet de France 3 Corse ViaStella, l’annonce de sa mort était l’information la plus lue mercredi. « Une idole d’enfance », « une belle personne », « un grand cœur » : autant de commentaires chaleureux au moment de se souvenir de celui qui a marqué le SEC Bastia (devenu SC Bastia), son premier club professionnel en métropole. Ce club qui a annoncé publiquement sa mort par ces mots : « c’est avec une immense tristesse que le SC Bastia a appris le décès de son ancien joueur Jacques Zimako, véritable légende (…) dans les années 70 ». 

Il l’avait rejoint très jeune, à 19 ans, suivant un chemin déjà emprunté par quelques aînés. Dans le documentaire « Les Kanaks, la Corse et le football », le réalisateur André Waksman rappelle qu’après une tournée du Gazélec d’Ajaccio en 1963 en Nouvelle-Calédonie, Moïse Gorendiawé avait été le premier à partir. Marc Kanyan avait suivi, puis Charles Teambueon. Tous s’étaient orientés vers le GFCO. 

Lui avait atterri au SEC Bastia en 1972. Un article du magazine Onze Mondial, diffusé sur Twitter, et rédigé par les journalistes Gérard Le Scour et Alain de Martignac livre ces détails. « Février 1972. M.Casaroli, président de l’Amicale des Corses, passionné de football, fils d’un des fondateurs du Sporting Club de Bastia, relance pour la troisième fois l’avant-centre. Il est plutôt maigre, 66kg tout juste, mais personne ne peut l’arrêter. Cette fois, Jacques se laisse convaincre »

Merveilleux souvenirs au public

En l’espace de cinq saisons « Zig-zag », comme il est surnommé, offre de merveilleux souvenirs au public. Lors de la saison 1976-1977, l’attaque formée avec les Papi, Fanfan Félix et Djazic explose. L’équipe termine 3e du championnat de France de 1ère division avec 82 buts inscrits, et obtient une qualification pour la Coupe d’Europe. 

L’enfant de Gaïtcha est courtisé. Il s’engage la saison suivante avec l’AS Saint-Etienne qui a remporté trois titres consécutifs quelques années plus tôt, mais a perdu Jean-Michel Larqué. Les Verts connaissent une période moins faste avant de retrouver le succès avec Michel Platini. Ils sont champions de France en 1981.

Son talent lui ouvre aussi les portes de l’équipe de France. Neuf ans après la participation de Kanyan et Teambueon aux Jeux Olympiques de Mexico 1968 sous le maillot tricolore, il devient lui aussi international.

Le site de la fédération française de football, qui lui a rendu hommage, revient sur le contexte. « C’est lors d'une tournée en Amérique du Sud, dans la Bombonera de Buenos Aires, contre l'Argentine (0-0, amical), que Michel Hidalgo lui offre sa première cape internationale, le dimanche 26 juin 1977 : Zimako entre en jeu à la 64e minute, en remplacement du Nantais Bruno Baronchelli. Il est titularisé la rencontre suivante face au Brésil, au Maracana de Rio (2-2, amical) ». Il connaîtra, au total, 13 sélections chez les Bleus pour deux buts. 

"On perd un grand homme"

Un modèle pour les footballeurs calédoniens comme Christian Karembeu, champion du monde et d’Europe, appelée à 53 reprises en équipe nationale, et qui a témoigné de son influence au quotidien sportif L’Equipe

« Comme on dit chez nous, un grand homme est tombé, si je peux m'exprimer ainsi. Vraiment, on perd un grand homme. Il a ouvert la voie avec Marc Kanyan aux jeunes néo-calédoniens comme nous. Il faut comprendre ce que ça représentait de le voir avec le maillot de Saint-Étienne, de Bastia, de Sochaux ou de l'équipe de France ». 

"Il a brillé, et porté haut les couleurs du pays"

A la tribu de Drueulu, à Lifou, sa famille sait le chemin accompli par cet ainé de 8 frères et soeurs. «  Il a assumé sa carrière de footballeur et m’a légué son rôle au sein de la famille. Il a brillé et porté haut les couleurs du pays et de la chefferie. On est fier de lui » confiait hier Kamama, son petit frère. 

Sa soeur, Hnakone Loqa, est surtout fière des relations qu’il a noué. Elle était proche de lui et de ses deux enfants. « Quand on arrivait dans un endroit en Corse, les gens reconnaissaient toute de suite que j’étais sa soeur. Tout le monde en parlait toujours en bien. Ils le trouvaient très gentil. En Corse, c’est un peu comme ici. Les gens sont sympathiques, ils ont de bonnes relations dans les familles. C’est peut-être pour ça qu’il s’est bien intégré ». 

Jacques Zimako aura aussi été un serviteur du football calédonien. Il était revenu sur le territoire, pour prendre en main la sélection sénior entre 1995 et 1997, s’appuyant sur quelques cadres comme le gardien Gilles Tavergeux tout en renouvelant et rajeunissant largement l’effectif. Il a aussi contribué à la création de l’AS Grand Nord.

Le reportage de Martin Charmasson, Clarisse Watue et Philippe Kuntzmann:

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