Le Calédonien sera sans doute l’an prochain sur le circuit principal du golf américain (PGA Tour). Sa première victoire dans le Korn Ferry Tour, dimanche, lui permet de passer 6e au classement, et de se rapprocher de son Graal. Il se confie sur cette grosse performance.
Une victoire qui le mène aux portes du paradis. Paul Barjon a soulevé, dimanche 2 mai en Alabama (Etats-Unis), son premier trophée en deuxième division américaine. L’ex-joueur de Dumbéa a remporté en playoff le Huntsville Championship sur le Korn Ferry Tour. Le professionnel calédonien en a profité pour grimper de la 15e à la 6e place et pour "sécuriser encore un peu plus" sa possible accession au PGA Tour, le championnat le plus réputé au monde. Il raconte à NC la 1ère comment il a réussi ce tour de force.
Le tournant du putt du Huntsville Championship
Lorsqu'il se présente au Huntsville Championship, Paul Barjon a déjà joué la moitié d'une saison commencée en 2019, mais rallongée en raison de la crise sanitaire causée par l'épidémie de Covid-19. Il fait partie des meilleurs joueurs du Korn Ferry Tour, et prétend déjà à la montée dans l'élite, du fait de sa présence dans le top 25 au classement.
"En résumé, c'était quatre journées sous le par, sur un parcours très bien défendu par les concurrents. Généralement, les victoires se jouent sur des scores, au plus bas, de -20 ou -25 sous le par. La semaine dernière, c’était -15. Un parcours plus délicat qui demandait d'être solide au niveau du grand jeu, détaille-t-il. Cela a bien marché pour moi pendant trois jours, mais au début du 4e tour, je fais double bogey [deux coups au-dessus du par], ce qui a relancé les autres joueurs. J'ai réussi à bien revenir dans la partie, en me battant jusqu'à la fin."
Son playoff au Huntsville Championship. Images exclusives pour NC La 1ère, de la chaîne américaine WAAY 31 TV.
A la fin du 4e tour, ils sont trois adversaires à égalité : le Calédonien Paul Barjon, le Chilien Mito Pereira et l'Américain Billy Kennerly. "En cas d’égalité, il y a un playoff, une mort subite. On joue des trous supplémentaires, résume Paul Barjon. Sur le troisième, je fais un bel eagle [deux coups en dessous du par] ce qui me permet de remporter le tournoi."
J’ai terminé deuxième à plusieurs reprises sur des tournois du circuit l’année passée, en étant tout proche de la victoire. Là, j’ai finalement gagné. Cela me tenait à cœur. Et, en plus, avec un putt pour finaliser l'affaire !
Encore 12 tournois cette saison
Avec ce coup d'éclat, le golfeur de 28 ans fait un bond en avant de neuf places au classement. Il est désormais dans le Top 10, avec de la marge sur ses rivaux dans sa quête. Pour autant, pas question de s'arrêter en si bon chemin : "Il faut comprendre qu'en fin de championnat, les joueurs du top 25 du Korn Ferry Tour, ne seront qu'une partie des professionnels assurés d'accéder au PGA Tour, développe Paul Barjon. En fait, on pourrait dire qu'on est sur la fin de la liste des admis. Donc, si tu termines premier de la deuxième division, tu es en fait le premier des derniers promus. Alors que si tu termines 25e, tu es le dernier de la fin de la liste. Et dans ce cas de figure, tu ne pourras pas avoir de place l'an prochain sur les gros tournois de la première division, les plus dotés, quand tous les favoris comme Dustin Johnson ou Tiger Woods décideront d'y participer. Il y a un système de priorité aux meilleurs."
Il reste donc 12 tournois à Paul Barjon pour continuer de briller en deuxième division. Il a déjà quitté l'Alabama pour rejoindre, plus au nord, le Tennessee. Deux tournois sont au programme à Nashville et Knoxville. Il prévoit ensuite "une semaine de repos/entraînement", avant de reprendre la route pour Chicago, dans l'Illinois. "Je suis très content de ma victoire, mais j’essaye de tourner la page, et de me reconcentrer sur le tournoi qu’on a cette semaine, parce que c’est une saison très longue. Il ne faut pas trop ralentir."
Le PGA Tour, ce "rêve de gamin" si difficile
Une marque de fabrique pour le Dumbéen. Il reste concentré sur son objectif : figurer au plus haut niveau mondial, et s'y installer. "C’est un rêve de gamin. C’est une opportunité en or qui se présente à moi. Ce n'est pas tous les jours que quelque chose comme ça arrive, s'émerveille Paul Barjon. Cela fait longtemps que je bosse dessus."
Là où j'ai quand même été fort pendant toutes ses années, en amateur comme en professionnel, c'est d'avoir su garder la tête sur les épaules, et de continuer à bien jouer.
"Aujourd'hui, c'est un palier vers mon objectif principal qui est de gagner des tournois majeurs, et de rester sur le PGA Tour pendant dix-quinze ans, ou plus. Et de faire une carrière dont on pourra se souvenir", sourit-il. Pourtant, rares sont les Français à être parvenus à se fixer à un tel niveau. C’est même la première fois depuis Thomas Levet en 2003 et 2005 qu’un représentant tricolore peut disputer une saison complète dans l’élite du golf mondiale.
"Thomas Levet a joué pendant un long moment. Victor Perez a aussi quelques tournois à son actif, tout comme Antoine Rozner, rappelle-t-il. Victor Dubuisson, quand il avait bien 'marché' au World Golf Championship, avait aussi participé à des épreuves [en 2014 et 2015]. Donc, beaucoup de joueurs français sont venus pour des tournois, mais je ne suis pas sûr que beaucoup jouaient des saisons complètes. Si je ne m’abuse."
Paul Barjon fait remarquer qu'aujourd'hui, les cartes de qualifications accordées en fin d’année pour le circuit américain donnent seulement la possibilité de jouer sur le Korn Ferry Tour. Il est devenu, dit-il, "un palier plus ou moins inévitable, à moins de jouer en Europe et de faire partie du Top 50 mondial".
Il a dû cravacher du Canada aux Etats-Unis
Mais le chemin n'a pas été facile jusqu'à cette victoire. Passé professionnel à l'été 2016, il commence par le tour canadien. "J’ai gagné là-bas, et j’ai obtenu ma promotion sur le Korn Ferry Tour, mais ma saison 2017, aux Etats-Unis, n'a pas été très glorieuse. Si j'ai signé deux Top 10 solides, globalement, j'ai été trop inconsistant dans mon jeu, confie Paul Barjon. J'ai donc été obligé de repartir sur le tour canadien pendant deux ans. Et lors de la deuxième année, j'ai remporté l'ordre du mérite, ce qui m'a donné un nouveau pass d'entrée pour la deuxième division américaine."
L'abnégation, à ce niveau, n'est pas une option. D'autant que les saisons, physiquement et psychologiquement, sont usantes. Les golfeurs vivent comme des auto-entrepreneurs. "J'essaye de trouver des sponsors, pour placer leurs logos sur mon sac, mon polo, ma casquette. C'est important parce que je dois tout payer", confie-t-il.
Mes frais, mais aussi ceux de mon caddie pour les déplacements en avion, les locations de voiture, les taxes. C’est comme tout, c’est la vie, et il y a beaucoup de dépenses.
C'est peu de le dire quand votre championnat commence aux Bahamas, vous emmène en Colombie, au Panama puis au Mexique, avant de vous faire balader sur tout le territoire américain. "Là, on a trois tournois de suite dans la même région. J’ai loué une voiture pour trois semaines. Tous les tournois sont à deux heures de route, l’un de l’autre. Mais, généralement, on se déplace en avion, et après, on loue une voiture. Toutes les réservations sont gérées par les joueurs eux-mêmes."
"A chaque fois, quelqu’un me demande où se trouve la Nouvelle-Calédonie"
Aux Etats-Unis, il ne manque jamais l'occasion de mettre en avant sa terre natale. "Cela amène la curiosité de mes partenaires de jeu, et celle des fans. A chaque fois, quelqu’un me demande où se trouve la Nouvelle-Calédonie", sourit-il.
Je trouve que c'est sympa d'éduquer un peu les gens, de leur dire qu’il existe un petit bout de paradis dans le Pacifique, très, très loin. C’est génial !
Paul Barjon est notamment très attaché à sa commune de naissance, Dumbéa. Il y est né le 19 septembre 1992, au sein d'une famille de golfeurs. "Mon grand-père était très impliqué dans l’Open de Dumbea, et plus tard dans celui de Tina. Un grand-père dans ce sport donc, mais aussi mon père. J'ai commencé à pratiquer à 7 ans à l'école de golf, avec Philippe Tabonne comme entraîneur. Il m’a donné l’envie de jouer. Je pouvais aussi compter sur un super groupe d'amis avec lesquels j'ai grandi. On est toujours en contact. Il y a Emeline Mardelaine, qui bosse toujours là-bas. C’est top d’avoir conservé cette liaison avec eux. Ils ne sont pas tous forcément dans le golf, mais ils ont tous une appréciation pour le sport."
Il suit également attentivement les golfeuses du Caillou, exilées, comme lui, aux Etats-Unis. En particulier, Emilie Ricaud, la fille de l'un de ses entraîneurs lorsqu'il était amateur à Dumbéa, Dominique. Elle a récemment remporté en équipe un tournoi de conférence NCAA avec son université de North Texas.
"Venir ici, c’est l’une des seules solutions pour arriver rapidement au plus haut niveau. En Europe, le golf féminin a pris un bon coup avec le virus, et il était déjà très inférieur au LPGA [1ère division féminine américaine]. Je pense que c’est quelque chose d’inévitable. Moi je me dis toujours : 'Si tu veux battre les meilleurs, il faut que tu joues contre les meilleurs'. Après, c’est une adaptation assez difficile, on est livré à nous-même, la langue est différente, on est à 15 ou 20 heures de vol de la terre natale. C’est quelque chose - au niveau émotionnel - qui est assez dur à vivre. Mais quand les résultats viennent, cela surpasse tous les sacrifices."