L’Eveil océanien, jeune parti représentant la communauté wallisienne et futunienne, a offert la majorité absolue au FLNKS qui prend ainsi les commandes du Congrès de Nouvelle-Calédonie. Les non indépendantistes, vainqueurs des élections provinciales, sont sous le choc.
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[MISE À JOUR SAMEDI 25 MAI]
Le Petit poucet de la vie politique calédonienne mène la danse
Si l’Eveil océanien avait maintenu sa candidate jusqu’au troisième tour de scrutin ou s’était simplement contenté de s’abstenir, le FLNKS aurait pu accéder au perchoir grâce au bénéfice de l’âge. Etant le doyen des élus de cette institution, Roch Wamytan aurait en effet bénéficié de cet avantage sur la candidate unique présentée par l’Avenir en Confiance et Calédonie Ensemble, Magali Manuohalalo.
Mais en faisant le choix d’offrir la majorité absolue au candidat indépendantiste , et cela malgré leur appartenance déclarée au camp du Non à l’indépendance, les « faiseurs de démocratie » ont démontré avec force que leurs trois élus sur les cinquante-quatre qui siègent au Congrès de Nouvelle-Calédonie détiennent les clés du pouvoir.
Dans l’après-midi de ce vendredi, le scénario s’est répété avec l’élection à la tête de la commission permanente du Congrès de Caroline Reignier-Machoro. Comment analyser cette prise de position de l’Eveil océanien ? Le jeune parti affirme qu’il restera libre de ses choix lors de l’examen des futurs lois de pays qui seront soumises à l’approbation des élus, ce n’est pas donc une majorité absolue acquise pour le FLNKS… Avec un positionnement du vote des trois élus variable selon les dossiers, l’Eveil océanien fait entrer le mode de fonctionnement de l’institution dans une nouvelle ère. Les blocs indépendantiste et non indépendantiste seront ainsi en permanence dans l’obligation d’obtenir leurs trois voix pour faire voter les lois où les deux grandes sensibilités politiques seront en opposition. "L'Eveil océanien incarne le changement", martèle Milakulo Tukumuli, le président du parti qui a pour ambition de "construire un modèle de société qui soit le miroir de la population de Nouvelle-Calédonie".Ce rôle d’arbitre pourrait avoir des effets bénéfiques sur le fonctionnement de la démocratie en Nouvelle-Calédonie. Mais présente aussi le risque de déstabiliser un édifice politico-économique déjà fragilisé par les incertitudes sur l’avenir institutionnel. Les expériences passées ont en effet démontré qu’il est difficile de mettre en œuvre un programme sans majorité stable et durable…
On peut aussi imaginer que le choix fait par l’Eveil océanien n’est finalement peut-être qu’un gros coup de semonce à l’encontre de l’Avenir en confiance. Le vainqueur des élections provinciales ne s’est peut-être pas montré assez généreux dans ses propositions de postes au sein des institutions. Le Petit poucet de la vie politique calédonienne semble en effet avoir un appétit très aiguisé, malgré sa faible représentation en terme d'élus.
Des non indépendantistes sous le choc
A l’annonce du retrait au second tour de vote de la candidate de l’Eveil océanien, les visages du camp non indépendantiste se détendent, personne ne semble penser que l’Eveil océanien va voter pour Roch Wamytan. Mais au fil du dépouillement, la tension monte dans les rangs de Calédonie ensemble et de l’Avenir en confiance… L’annonce des résultats est ressentie comme un choc. "Aujourd’hui, l’Eveil océanien a fait le choix de l’indépendance, d’un candidat indépendantiste, en tous cas", a affirmé Virginie Ruffenach qui s’exprimait au nom de l’Avenir en confiance. Le premier parti de Nouvelle-Calédonie à l’issue des dernières élections provinciales, et qui doit malgré cette victoire électorale se contenter désormais uniquement de la présidence de la province Sud. Dans le camp de Calédonie ensemble, la réaction est cinglante et cible directement l’Avenir en confiance, accusée d’avoir commis une grave "faute politique". Avec le « coup » de l’Eveil océanien, Calédonie ensemble se retrouve en effet hors jeu pour la présidence du congrès et de la commission permanente qu’elle aurait dû obtenir grâce à son accord avec l’Avenir en confiance… Mais pour cela, il aurait fallu parvenir à convaincre l’Eveil océanien. Le FLNKS a donc décroché une majorité absolue, qui même si elle n’est pas acquise, secoue très fortement un camp non indépendantiste qui venait à peine d’entamer un chemin très difficile vers la réconciliation au lendemain des résultats des élections provinciales du 12 mai dernier, en ayant réussi notamment à se rassembler autour de la candidature unique de Magali Manuohalalo pour la présidence du Congrès.Vers un gouvernement de Nouvelle-Calédonie à "majorité océanienne" ?
Coup double donc, pour le FLNKS, qui en plus réalise une belle opération en terme d’affichage auprès de ses militants, de l’Etat, et du monde lui permettant ainsi de donner l’impression que la Nouvelle-Calédonie poursuit son chemin vers l’indépendance malgré le Non majoritaire sorti des urnes du référendum du 4 novembre dernier.
Sans compter que le même scénario de candidature commune à « majorité océanienne » risque fortement de se répéter lors de l’élection du gouvernement dans les prochaines semaines. Un positionnement partagé par le Palika et par l’Union calédonienne: « on espère que ce rassemblement océanien, ici au Congrès puisse se poursuivre au niveau du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Nous allons pouvoir imprimer notre marque dans tout ce qui se fait », a notamment déclaré Roch Wamytan.
Si ce scénario se confirme, le FLNKS bouclera la boucle… Mais les tractations restent ouvertes, et le camp non indépendantiste n’a certainement pas dit son dernier mot. L’Eveil océanien sera donc plus que jamais courtisé au cours des prochaines semaines.
Le reportage de Bernard Lassauce et de Claude Lindor.