L'Inde va-t-elle perdre son appétit pour le charbon australien?

La mine géante de Carmichael devrait créer 10 000 emplois sur une période de 50 à 60 ans. Adani a établi son siège australien à Townsville, dans le nord du Queensland.
Depuis deux ans, l'Australie présente le charbon comme essentiel pour sortir l'Inde de la pauvreté. Mais New Delhi vient de publier sa nouvelle stratégie nationale en matière de production d’électricité. 
Contrairement à ce que prévoyaient le gouvernement australien, et l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’Inde ne mise pas tout sur le charbon, loin s’en faut. 
« Pour moi, le contenu de ce plan est stupéfiant, estime Tim Buckley, le directeur de Energy Finance Studies en Australasie, un cabinet spécialisé dans les finances du secteur de l’énergie, qui fait partie de l’organisation américaine Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA). L’Inde va achever la construction des centrales électriques au charbon d’une capacité de 50 gigawatts, qui était déjà lancée. C’est mieux de les terminer, plutôt que d’en faire des actifs bloqués (qui perdent de leur valeur à cause de l'évolution du marché, NDLR). Mais aucune nouvelle centrale au charbon ne sera construite en Inde dans les 10 années qui viennent. »
En conséquence, le meilleur argument du gouvernement australien pour le développement de nouvelles mines de charbon dans le Queensland, s’écroule. En 2014, l’ancien Premier ministre, Tony Abbott, chantait les louanges du charbon, estimant qu’il était « bon pour l’humanité » et permettrait de sortir les Indiens de la pauvreté.
 

Le charbon, une nécessité « morale » 

 
En octobre 2015, Josh Frydenberg, l'actuel ministre de l’Environnement, qui était à l’époque le ministre fédéral des Matières premières, a repris cet argument humaniste à son compte, quand il a  donné son feu vert à la construction de la méga mine de Carmichael. Si la mine de charbon de Carmichael voit le jour, elle sera exploitée par le grand groupe indien Adani, dans le nord du Queensland. Beaucoup de politiques, de militants écologistes et de riverains sont opposés à cette mine gigantesque, avant tout en raison des émissions de CO2 qu’elle va produire, alors que la Grande Barrière de Corail voisine souffre justement du changement climatique. 
« Je pense qu’il y a une solide justification morale à la construction de cette mine. Le charbon aidera à tirer des centaines de millions de personnes de la pauvreté énergétique, pas seulement en Inde, mais dans le monde entier », avait déclaré Josh Frydenberg à l'époque.

 

Mais l’Inde elle-même ne voit pas le charbon comme la panacée pour le développement

 
Dans sa nouvelle stratégie, elle fait la part belle aux énergies renouvelables. Elle veut multiplier par 6 la production d’énergie à partir de sources propres, en misant avant tout sur l’hydroélectricité. Mais New Delhi va aussi investir dans le nucléaire et le gaz. Pour Tim Buckley, le plan du gouvernement indien sonne le glas du charbon.
« La nouvelle politique énergétique de l’Inde met en suspens le projet d’Adani. Cette mine s’annonce désormais comme un gouffre financier, un projet inutile et coûteux. Il est obsolète depuis 6 ans », assure-t-il. Cependant, Adani balaie les prédictions de l’analyste du secteur de l’énergie. 
 

Adani, serein, affirme que le demande de charbon ne risque pas de faiblir en Inde 

 
Le groupe indien indique qu’il va utiliser le charbon de la mine de Carmichael pour alimenter ses propres centrales électriques, et que donc la demande en charbon ne risque pas de faiblir.« Ce qui se passe sur le marché n’a pas d’influence sur Adani, puisque nous utilisons notre propre charbon dans nos centrales », a déclaré le porte-parole d’Adani sur ABC.
Le gouvernement fédéral australien croit toujours à la réussite de la mine de Carmichael, et maintient son offre de prêt à des taux préférentiels à Adani, pour que l'exploitant puisse construire une ligne de chemin de fer entre la mine et le port qui exportera le charbon australien.