"Nous passons d'une relation générique... à une relation spécifique avec les Etats-Unis. Un accord de coopération en matière de défense a été conclu", a annoncé le Premier ministre de Papouasie-Nouvelle Guinée, James Marape. Ce lundi, ce pays du Pacifique a signé un pacte de sécurité avec Washington qui permet aux forces américaines d’accéder aux ports et aéroports papouasiens.
“Mieux patrouiller”
Cet accord a été conclu avant l’ouverture du sommet des îles du Pacifique, réunissant les Etats-Unis et quatorze états insulaires du Pacifique sud à Port Moresby. Parlant d'un accord "totalement transparent", le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken a précisé que les deux pays pourraient monter à bord des navires l'un de l'autre, partager leur expertise et "mieux patrouiller" ensemble en mer. Par ailleurs, en plus de cet accord, les Etats-Unis ont promis à la Papouasie un financement de près de 5 milliards CFP (45 millions de dollars) pour lutter contre le crime organisé, le changement climatique, le virus du sida et des équipements de protection pour son armée.
Concrètement, cet accord étend la capacité des Américains à se déployer militairement dans la région, leur donnant un point d'appui le long des routes maritimes vers l'Australie et le Japon. En échange, la Papouasie aura accès aux satellites américains de surveillance, ce qui lui permettra de mieux combattre les activités illégales en haute mer, a précisé James Marape.
La Chine en filigrane
Même si Anthony Blinken a déclaré que cet accord n’avait “rien à voir avec un autre pays, qu’il s’agit de notre relation avec les îles du Pacifique et de la vision que nous partageons pour cette région", la Chine est au coeur des préoccupations stratégiques américaines. Et pour cause, l'année dernière, Pékin a signé un pacte secret avec les îles Salomon voisines qui l'autorise à déployer ses troupes dans le pays. Une décision qui avait alerté l'ensemble du Pacifique ainsi que les Etats-Unis. En réaction, quelques mois plus tard, le président américain Joe Biden, au cours d'un sommet historique à Washington, avait annoncé une nouvelle implication de son pays dans la région et une aide de près de 100 milliards CFP aux territoires insulaires du Pacifique, dont la Nouvelle-Calédonie.
La même année, Pékin avait proposé son aide aux pays du Pacifique sous la forme d'un accord basé sur la sécurité régionale et le développement économique. Mais ce projet n'avait pas suscité de consensus.
Aujourd'hui, les Etats-Unis redoutent qu'avec un point d'ancrage militaire chinois dans le Pacifique Sud, la Chine ne déborde sa base navale de Guam et ne complique la défense de Taïwan en cas d'invasion chinoise. "Port Moresby n'est plus l'avant-poste diplomatique endormi qu'il a pu être", analyse Gordon Peake au centre pour l'Asie de l'Institut des Etats-Unis pour la paix (Usip). "Même si la Chine n'est mentionnée nulle part dans le document, elle est en filigrane de cet approfondissement des relations entre les Etats-Unis et la Papouasie-Nouvelle Guinée", dit-il. James Marape a toutefois précisé que cet accord ne l'empêcherait pas de conclure des alliances similaires avec d'autres pays, y compris la Chine.
En Papouasie, cet accord alimente la crainte que le pays ne donne trop de libertés aux forces américaines à certains points d'accès clés du pays. En conséquence, des manifestations d'étudiants ont éclaté à Port Moresby. Des pneus ont été brûlés, des véhicules caillassés, a rapporté un agent de sécurité privé de l'université de Papouasie-Nouvelle-Guinée.