Il y avait de quoi en perdre le souffle. Thomas Goyard a traversé une finale pleine de péripéties et de suspense avant d'atteindre l'argent en planche en voile olympique. Une ultime étape hallucinante, et arithmétique, qui a connu (pour lui) un dénouement heureux. NC la 1ere revient sur quelques dizaines de minutes scrutées avec angoisse depuis la Calédonie.
Un 31 juillet à 15h33
15h33 heure locale, c’est l’horaire annoncé, le samedi 31 juillet, pour la Medal race en RS:X hommes. Mais la ponctualité de ces JO est mise à défaut : à l’heure dite, flottement sur le plan d’eau d’Enoshima, à environ deux heures au Sud de Tokyo. La finale hommes de planche à voile olympique prend du retard, il n’y a pas assez de vent pour les concurrents. A savoir les dix premiers du classement général après douze manches préliminaires.
L’argent ou le bronze à portée de voile
A ce stade, Thomas Goyard a fini dans le top 10 de dix régates sur douze et en a gagnées trois. Il occupe la deuxième place au classement, avec 52 points. Contre 33 pour le Néerlandais Kiran Badloe, plus régulier, et déjà assuré d’obtenir l’or. En revanche, les deux autres places du podium olympique sont à portée du Français. Seulement, il n’a que deux coups d’avance sur le troisième, l’Italien Mattia Camboni. Et cinq sur le quatrième, le Polonais Piotr Myszka.
Un feuilleton de faux départs
Au bout d’une vingtaine de minutes, la course est lancée. Mais un départ volé, comprenez un faux départ sur la ligne fictive, a été signalé. Alors que la première manche se déroule, l’incertitude plane quant au(x) fautif(s). Premier sanctionné, Mattia Camboni. Puis voilà que Piotr Myszka est à son tour coupé dans sa lancée. A ce moment, Thomas Goyard est assuré de prendre l’argent. Sauf qu'après un tour de course, lui aussi est rappelé à l’ordre par les juges.
Tout le monde compte
Atterrement des windsurfeurs mis de côté, pendant que la Medal race continue de se jouer sous leurs yeux. Pour les trois hommes, c’est 22 points de pénalité. Il faut sortir les calculettes pour savoir si un adversaire est en mesure de les doubler, au terme de cette ultime étape remportée par l’Israëlien Yoav Cohen.
Ouf final pour les Bleus : le principal danger venait du Chinois Bi Kun mais celui-ci ne rattrape pas l'écart qui le sépare de Goyard. Quatrième de la course, il prend la troisième place du général. Le Hollandais Badloe, deuxième du jour, remporte comme prévu la grande victoire. Et à un petit point près, Thomas Goyard, engagé dans ses premiers Jeux Olympiques, accède à un magnifique titre.
🥈 Après Charline Picon, c'est à Thomas Goyard 🇫🇷 de recevoir sa médaille d'argent !
— France tv sport (@francetvsport) July 31, 2021
Quelle journée pour nos Français ! Ils gonflent le total de nos médailles à 16 👏🏅 pic.twitter.com/nDz3qshVj9
"J’ai pas rêvé ?"
Sur sa page Facebook, le désormais vice-champion olympique se demande s’il n’a "pas rêvé".
Au micro, l'ingénieur en systèmes industriels raconte avec humour ce grand moment de suspense mathématique. "J'étais en train de faire mes calculs. Tellement j'étais paniqué, ou sous l'émotion, de me dire que quatre fois deux, ça faisait bien huit."
Des sentiments intenses, fairplay compris. "C’est incroyable, je ne réalise pas trop. Je suis très content, évidemment", exprime Thomas. "Après, je suis très triste aussi pour Mattia et Piotr parce que c’est des athlètes incroyables, qui ont prouvé beaucoup de choses ces derniers temps. Le sport est dur. Franchement, c’est dur."
🗣️ "Ils m'arrêtent après un tour, j'ai cru que j'avais passé la mauvaise bouée ! Je n'ai pas compris"
— France tv sport (@francetvsport) July 31, 2021
Après une course pleine de rebondissements, Thomas Goyard 🥈🇫🇷 nous raconte comment il a vécu cette Medal Race.
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Une performance calédonienne
Sur le Caillou, on crie au Cagourico. Le véliplanchiste qui offre alors à la France sa seizième médaille dans ces JO est né en Martinique il y a vingt-neuf ans. Il a grandi en Calédonie. Thomas Goyard est sociétaire à l’Association calédonienne de planche à voile. Dans les locaux de l’ACPV, situé sur la Côte-Blanche, on n’a pas raté une miette de la course.
Voyez ce compte-rendu de Martin Charmasson, Christian Favennec et Claude Lindor :
L’ancien champion Laurent Gaüzère était devant les écrans. "Improbable", "phénoménal", "génial" : il n’a pas assez de qualificatif. "C’est magique. On n’a jamais aucun Calédonien qui est parti aux Jeux Olympiques pour nous représenter en planche à voile", insiste-t-il, "alors qu’on a plein de champions en planche à voile. Mais pas sur les JO. Enfin, Thomas a remis ça à sa place."
Troisième Cagou sur un podium olympique
Il devient le premier Calédonien médaillé olympique en windsurf. Et seulement le quatrième Français depuis 1984 : Franck David avait pris l’or à Barcelone. Julien Bontemps, l’argent, à Pékin. Et Pierre Le Coq, le bronze, à Rio.
Il est aussi le troisième Cagou à monter sur un podium des JO (le premier dans une épreuve individuelle !). Il y a en effet eu l'argent de Robert Chef d'Hôtel au 4 x 400 mètres en… 1948, c'était à Londres. Et la double performance du cycliste Laurent Gané, champion olympique de vitesse par équipes en 2000 à Sydney, et médaillé de bronze de la vitesse par équipes en 2004 à Athènes.
Cap sur 2024, version windfoil
Thomas Goyard, médaillé de bronze lors des Mondiaux 2020 en Australie, était arrivé en eaux nippones après des qualifications d’un niveau très élevé, côté Français. Son palmarès vient de s'embellir fort joliment.
Mais comme son petit frère Nicolas, le rideur a déjà les yeux tournés vers les JO suivants. A Tokyo, il a vécu la dernière compétition olympique de RS:X puisque dès 2024, la catégorie sera remplacée par l'IQ Foil. Un horizon parisien qu'il évoquait dès le soir du 31 juillet.
Le lendemain, NC la 1ere le trouvait au téléphone avec ses parents, depuis leur catamaran en Calédonie. L'occasion de souligner qu'une médaille olympique, même individuelle, ne se décroche pas tout seul. "Kiran Badloe, celui qui a gagné, il y a eu un moment où Thomas s’est entraîné pendant un an avec lui", raconte Soizic Goyard.
"Et Yoav Cohen, l’Israélien : il leur fallait un matériel correct et Thomas a donné un de ses meilleurs ailerons à Yoav pour qu’il puisse faire sélectionner son pays aux JO. Et il a terminé la Medal race devant. Mais c’est un partage."
Pour progresser, plus haut, plus loin, plus fort, il faut le faire avec les autres. Et c’est en collaborant que le sport monte.