Transformer une épreuve difficile en une renaissance. C'est ce qu'a vécu Antoine Ollivier, enfant hyperactif, passionné de natation et triathlon, lorsqu'il s'est blessé à la cheville à l'âge de 12 ans. Obligé de mettre entre parenthèses ses activités pendant plusieurs mois, il choisit de se relancer en changeant de discipline. Aujourd'hui, le voilà triple médaillé mondial et double champion de France junior en kitesurf freestyle.
"La rééducation a duré longtemps. Après cette période, il a voulu faire du kite. L'idée de départ, c'était de s'amuser sur l'eau et de profiter plutôt que de faire de la compétition", rappelle son père, Laurent, ancien éducateur de natation à l'Olympique aux côtés de Don McKenna et Gil Verlaguet. Rapidement, le garçon montre de belles aptitudes et se lance des défis renversants. "Après huit mois de pratique, il a voulu sauter depuis le sommet de la balise d'un îlot. Je lui ai dit de s'entraîner techniquement pour le kite, et physiquement pour se préparer à sauter d'aussi haut. C'était 17 mètres", raconte le papa.
Une préparation en solo, avec le plaisir comme leitmotiv
Particularité de son fils : il fait tout, tout seul. Pas de préparateur physique, pas d'entraîneur sur le territoire. Un mode de fonctionnement qui correspond au tempérament du jeune sportif, habitué à une certaine rigueur et à faire preuve de volonté. Antoine se dit toujours heureux de travailler, mais conserve le plaisir comme ligne directrice. "Après avoir vu plusieurs de ses vidéos sur les réseaux sociaux, il a été repéré par l'organisateur d'une étape de la Coupe du Monde qui lui a proposé de venir sur le circuit international. En deux ans, il a été champion du monde, vainqueur de l'Elite Mondial junior, et champion national. Il a progressé très vite, sans vraiment s'imposer de règle".
On retrouve Antoine sur la plage du Méridien à Nouméa, l'un de ses spots de prédilection pour répéter les tricks qu'il veut passer sur le circuit. Le temps est parfait, le vent souffle à vingt nœuds. "Parfois, je me focalise sur une seule figure que je tente pour la première fois, ou une que j'ai l'habitude de réussir et que je veux perfectionner. Aujourd'hui, j'essaye de réaliser tous mes tricks. Cela me permet de voir où j'en suis dans ma progression."
Sa recette en freestyle : engagement, vitesse, force et tonicité
Avec Arthur Guillebert, il est l'un des rares kitesurfeurs calédoniens capables de proposer le "double handle pass", deux tours en l'air, en passant à chaque fois la barre dans son dos. "C'est vraiment quelque chose de compliqué à faire. Il faut beaucoup d'engagement pour aller assez haut, avec énormément de vitesse, de force et de tonicité. Il faut lâcher prise et envoyer direct, sans trop réfléchir en l'air, parce qu'on peut avoir peur. C'est tout un travail dans l'eau et en dehors".
Six mois lui ont été nécessaires pour maîtriser le mouvement. "Je l'ai essayé à chaque session, de façon acharnée. Maintenant, ça passe tout le temps donc je suis très fier". Bien appréhender le vent, se concentrer sur l'exécution de la figure, et trouver la position idoine de la voile sont autant de paramètres à gérer pour performer. "En freestyle, ce qui vaut beaucoup de points c'est quand la voile est basse. On s'en sert moins pour monter, et quand on le fait, c'est avec beaucoup de vitesse. Dès qu'on chute, cela fait assez mal, mais on est préparé pour."
Sa seconde passion : les réseaux sociaux
Une fois sa session sur l'eau terminée, Antoine n'en a pas tout à fait fini avec le kite. Il s'adonne à sa seconde passion, étroitement liée à la première. Devant son ordinateur portable, chez lui, pendant des heures, il réalise lui-même les montages vidéos de ses entraînements. Des clips diffusés ensuite via son compte Instagram, suivi par 46 000 followers. Cela lui donne à lui et ses sponsors de la visibilité pour financer des saisons dont le budget avoisine les trois millions de francs CFP. À l'heure actuelle, ses parents en financent la moitié. "C'est énormément de travail à côté du sport : toutes les vidéos, la communication autour, mais j'adore ça. Je consacre une grosse partie de mon temps à cette activité.
Des vidéos où l'on voit les plus belles figures. "Le niveau chez les professionnels seniors est très élevé. C'est très important d'innover dans de nouvelles figures, dans une nouvelle manière d'approcher notre discipline. C'est certain qu'il faut prendre des risques. Il faut essayer, être le premier à tenter des choses, tout en prenant toutes les précautions possibles et imaginables. C'est un sport extrême, donc à haut niveau, ça peut être risqué."
Cette année, pour sa première saison chez les seniors, Antoine Ollivier espère bien continuer de briller. Face à une trentaine de concurrents sur le GKA Kite World Tour, il espère se classer dans le top 8.
Un reportage de Martin Charmasson et Christian Favennec :