L'ONU et son comité de décolonisation interpellés sur la crise calédonienne

A la tribune du C24, le 10 juin 2024, Isis Jaraud Darnault, Naïa Wateou, Françoise Suvé, Jean-Pierre Xowie, Me Xavier Roux, Samuel Hnepeune, Filipo Tarakinikini, Jean-Victor Castor ou encore le révérend James Shri Bhagwan.
La crise dans laquelle la Nouvelle-Calédonie a plongé à la mi-mai était évoquée à l'ONU, cette semaine. Les porte-parole des mouvances indépendantistes et non indépendantistes, ainsi que d'autres voix, se sont exprimés lundi devant le Comité de décolonisation C24, à New York. Une vitrine internationale qui a permis à chaque camp d’exprimer des positions radicalement différentes.

La crise qui secoue la Calédonie depuis un mois s’est retrouvée au cœur des discussions du C24 (lors de cette séance). Lundi 10 juin, les Loyalistes ont profité de cette tribune à l’ONU pour répondre au discours de Daniel Goa. Le 8 juin, lors d'un comité directeur de l'Union calédonienne, son président évoquait une souveraineté "non négociable" pour septembre 2025. 

"Que les forces politiques indépendantistes légitimes se désolidarisent"

"La démocratie doit être respectée. Le droit international doit être respecté", a martelé Françoise Suvé, cheffe des Loyalistes au Congrès de la Nouvelle-Calédonie. "Il n’y aura pas d’indépendance le 24 septembre [2025] comme l’a annoncé récemment le président de l’Union calédonienne Daniel Goa, lors d’un discours menaçant, car les Calédoniens s’y sont opposés par trois fois sous la supervision des Nations unies. Il est donc indispensable que les forces politiques indépendantistes légitimes se désolidarisent des actions terroristes de la CCAT", la Cellule de coordination des actions de terrain. "Et prennent la responsabilité de nous rejoindre à la table des discussions."

"Ni plus ni moins qu'un coup d'Etat"

Pour Naïa Wateou, quatrième vice-présidente du Congrès et élue loyaliste, "trente ans d’accords ont été réduits en cendres en une nuit".

"Un véritable déni du droit international"

Côté indépendantiste, certains représentants n’ont pas pu se rendre à New York, cette semaine. Présent pour le FLNKS, Samuel Hnepeune a rappelé que la Nouvelle-Calédonie restait sur la liste des territoires à décoloniser.

"N’entendre que la puissance administrante" et "le peuple premier"

Avocat du FLNKS depuis quarante ans, Me François Roux a lui aussi pris la parole au nom des indépendantistes. Les discussions doivent se tenir uniquement entre le peuple premier et l’Etat, a-t-il estimé. "L’intervention, dans cette instance, de représentants de colons et d’alliés est une trahison des objectifs de ce comité. Elle doit cesser", a-t-il plaidé. "Je respecte les personnes, mais je vous demande d’écarter les déclarations de celles et ceux qui s’identifient comme loyalistes à l’égard de la puissance administrante. Et je vous demande de n’entendre que la puissance administrante elle-même." Deuxième point, "je vous demande ici d’aider la France à décoloniser (…) Mon pays ne sait pas décoloniser."

"Priorité au dialogue"

"Nous appelons toutes les forces politiques à accorder la priorité au dialogue, sans disqualifier telle ou telle partie prenante", a déclaré Isis Jaraud Darnault, coordinatrice politique de la France auprès des Nations unies (à lire ici). "Ce dialogue doit s’inscrire dans l’esprit des accords de Nouméa : la construction d’un destin commun pour la Nouvelle-Calédonie reposant sur le consensus." Et d'ajouter que Paris "poursuivra sa coopération avec les Nations Unies et le C24, y compris dans cette période clé." 

Envoyer une mission de décolonisation

Le représentant des Fidji, Filipo Tarakinikini, s’est exprimé au nom de son archipel et de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Il a exhorté le C24 à envoyer une mission de décolonisation de l’ONU en Nouvelle-Calédonie.

Les missions du C24

Créé par l'Assemblée générale des Nations unies en 1961, le comité de décolonisation surveille la mise en œuvre de l'engagement international visant à accorder l'indépendance aux peuples colonisés. Dix-sept territoires relèvent de sa compétence, dont une majorité appartient à l’ancien empire britannique. Dans le Pacifique, les Samoa américaines, la Polynésie française, Guam, Pitcairn et Tokelau figurent sur la liste des territoires non autonomes du C24, ainsi que la Nouvelle-Calédonie, qui été réinscrite en 1986.