L'oignon calédonien couvre le tiers des besoins des ménages mais souffre de l'absence de visibilité et d'une véritable politique agricole. Régulièrement, une partie de la production est laissée à pourrir dans les champs.
Des tonnes d’oignons jetées à la décharge, une triste réalité pour nombre de producteurs calédoniens. Chez les Marlier, installés dans la moyenne vallée de Pouembout, deux cents tonnes ont été récoltées depuis début novembre, mais seulement 10 % ont pu être vendus. La répercussion est directe, dans l’exploitation.
« Ça fait mal au cœur pour nous, qu’on nous demande de faire du bon travail, de la belle qualité, et j’ai encore plus mal au coeur pour tous les gens qui sont repartis » explique Meryl Marlier, qui a dû renvoyer chez eux les saisonniers.
Les saisonniers renvoyés chez eux
Les années passées, on a compté jusqu’à soixante saisonniers pour la récolte. Recrutée dans les tribus de la région, cette main d’oeuvre apprécie le travail intermittent qui permet de varier l’activité et la vie sociale.
« Une soixantaine de personnes ne peuvent pas venir travailler dans ces champs-là, sachant que les agriculteurs, la question, c’est comment ils vont les payer demain et après-demain ? » s’interroge Fabio Napoarea, saisonnier de Tiaoué.
Avec un chiffre d’affaires de 36 millions de francs CFP, la filière oignons pourrait être intéressante pour Frantz, le fils de la famille Marlier, qui souhaite reprendre l’exploitation.
« Je connais plein de jeunes qui veulent se lancer dans la terre, qui n’ont peut être pas forcément le foncier mais qui peuvent le trouver, et il faut nous donner la chance de produire pour la Calédonie » explique le jeune homme.
Un tiers de production locale
A Pouembout, six producteurs se sont regroupés en association. Avec 600 tonnes de production moyenne, ils couvrent le tiers des besoins des ménages calédoniens, le reste est assuré par l’importation.
« Suite à un mail que j’ai reçu, étant la présidente du groupement, je m’aperçois qu’ils n’ont comptabilisé que la production d’import, et ils n’ont pas compté notre production », explique Meryl Marlier, de la société agricole Kundi Pouembout. « On se retrouve bloqués parce que le dernier import est rentré au mois d’août, et on va dans les magasins, il y a encore de l’import qui tourne ».
L'aspect phytosanitaire
Autre producteur historique, Benoist Sauray, lui aussi adepte de récoltes à la main mais très sceptique sur l’efficience des services phytosanitaires calédoniens.
« Avec les restrictions de molécules qu’on nous a mises en place, je peux vous dire que ceux-là, ils n’ont pas grand chose dans le ventre. Donc vous pouvez les manger en toute tranquillité, ce qui n’est pas le cas de l’import puisque, sans dénigrer qui que ce soit, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, elles ont des autorisations d’utilisation de molécules que l’Europe a interdites ».
Organiser le marché
Réguler l’importation et assurer l’écoulement de la production calédonienne, c’est le rôle de l’Agence rurale. La filière oignons du Nord ne bénéficie de l’aide publique que pour le transport, mais beaucoup reste à faire quant au stockage et à l’organisation du marché. Ainsi, deux hypothèses de travail sont à l’étude :
« Une hypothèse avec une organisation interprofessionnelle qui pourrait coordonner les productions et planifier ensuite les mises en marché, le complément à l’importation. Ou sinon, au travers d’une structure comme l’Ocef, avec un prix garanti » explique Lionnel Brinon, le président de l’Agence rurale.
Meryl et Fernand Marlier n’ont pu vendre que 10 % de leur production. Comme les autres exploitants, ils ont besoin de visibilité, de statistiques fiables, et d’un marché calédonien organisé pour assurer l’autosuffisance, sans recourir à l’importation au moindre signe de pénurie.
Le reportage à Pouembout de Gilbert Assawa, David Sigal et Nathan Poaouteta :
L'agence rurale réagit
L’agence rurale a réagi ce lundi 11 janvier et estime que c’est le fruit d’un manque d’organisation et d’ententes entre les producteurs et les grossistes.
D’autres champs de compétences sont à prendre en compte et c’est parfois bien compliqué explique Lionnel Brinon, président de l’Agence rurale, joint par Medriko Peteisi.
Oignons itw Brinon
A lire, le communiqué de l'agence rurale en date du 11 janvier 2021 :