Les experts Alain Christnacht et Jean-François Merle se sont retrouvés jeudi soir (28 juillet) au Congrès pour un débat public. Un débat qui a rencontré un vif succès auprès des calédoniens, intéressés et préoccupés par la question de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie après le référendum.
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Jean François Merle, membre de la mission sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie était l’invité du journal télévisé de Nathalie Daly du 29 juillet.
Si la NC n’est plus française demain, est ce qu’elle pourra garder cette architecture institutionnelle ou est ce que celle-ci va tomber avec l’Accord de Nouméa ?
"Ce qui est sûr, c’est qu’on est, en fonction de la réponse à la consultation de sortie, dans 2 hypothèses radicalement différentes.
Dans le cas où les Calédoniens se prononcent pour le maintien de la Calédonie dans la France, il y aura de toute façon une nouvelle organisation institutionnelle parce qu’il faudra réécrire le titre de la Constitution aujourd’hui consacré à la Nouvelle-Calédonie. Et çà peut être l’occasion d’ajuster le fonctionnement des institutions tel qu’il est aujourd’hui. C’est l’objet des questions que nous avons posées.
Si le choix qui est fait c’est celui de l’accession à la pleine souveraineté, alors, il reviendra au nouvel état d’écrire sa constitution, ses institutions, etc…Mais il pourra le faire en s’inspirant de ce qui existe. L’exemple que l’on voit dans d’autres pays qui ont accédé à la pleine souveraineté, c’est qu’il n’y a pas forcément un bouleversement en tous cas immédiatement, on tient compte de l’existant."
L’esprit de collégialité au gouvernement qui a été nécessaire à un moment donné, prévaut-il encore 30 ans après où faut il plutôt mettre en évidence l’efficacité ?
"Ils (les politiques calédoniens. Ndlr) nous en parlent bien entendu puisque c’est une des questions qu’ils ne peuvent pas ne pas se poser eux-mêmes, mais en même temps, dans cette réflexion que nous avons, il faut toujours veiller à ce que la recherche d’une meilleure efficacité, d’un meilleur service rendu aux populations, ne viennent pas contredire les principes fondamentaux sur lesquels les institutions de la Nouvelle-Calédonie ont été bâties. Elles ont été bâties pour partager le pouvoir entre les différentes communautés qui ont leur légitimité sur ce territoire et pour faire en sorte qu’il y ait des outils de dialogue et de consensus. Ce qui a changé fondamentalement depuis 30 ans, c’est qu’on avait à cette époque là des blocs politiques extrêmement forts et structurés. Aujourd’hui, on a un émiettement du paysage politique. Ce qu’il faut essayer de faire, c’est plutôt d’ajuster le fonctionnement pour tenir compte de cet émiettement mais sans forcément remettre en cause l’idée d’avoir une collégialité et une proportionnelle où tout le monde puisse être partie prenante de la gouvernance de la Nouvelle-Calédonie."
La révision de la clé de répartition ?
"Le sujet a bien sûr été abordé parce que cette clé de répartition, elle date précisément des accords de Matignon. C’était un des éléments du rééquilibrage à l’origine, et le rééquilibrage, il a produit en partie ses effets, mais est ce qu’il est achevé ? On peut penser qu’il y a quand même aussi encore des rattrapages à faire, mais les conditions ont changé, les conditions démographiques ont changé, les rapports entre les populations… Alors, est ce qu’il faut encore une clé de répartition ? Pour l’instant, nous n’avons pas entendu qui que ce soit qui dise le contraire. Mais nous avons entendu un certain nombre de formations politiques qui demandent la révision de cette clé de répartition et nous avons regardé avec eux les différentes méthodes qui pouvaient permettre d’y arriver."
L’esprit de Michel Rocard disparu il y a peu, cet esprit de consensus, est-il encore vivace ?
"Dans la réunion plénière hier avec les acteurs politiques de la Nouvelle-Calédonie, on a rappelé que les fondations des institutions aujourd’hui, elles étaient nées justement de cet accord de Matignon, quand le choix d’un compromis fondateur avait été fait de la reconnaissance par les kanak de la légitimité de tous ceux qui habitaient la Nouvelle-Calédonie en 1988, et de la reconnaissance par les autres qu’il fallait partager le pouvoir, et que ce n’était pas simplement la majorité qui s’exprimait mais qu’il fallait prendre en compte la totalité des populations. Çà c’était l’esprit qu’avait insufflé Michel Rocard, et je crois qu’un certain nombre de ceux qui étaient présents autour de la table, même s’ils n’étaient pas à Matignon, en ont gardé l’esprit."