Enercal a fait ses comptes. La société d'économie mixte, dont la Nouvelle-Calédonie est l'actionnaire majoritaire depuis 2008, l’annonçait fin octobre : elle sera en cessation de paiement d’ici la fin de l’année si aucune mesure visant à compenser son déficit n'est prise. "Le prix du charbon a été multiplié par presque cinq, et la crise en Ukraine a également des conséquences qui nous sont défavorables sur le taux de change", a indiqué à l'AFP son directeur général, Jean-Gabriel Faget. "Or, toutes les projections nous montrent que la situation ne va pas s’arranger avant au moins trois ans."
Conséquences de la guerre russo-ukrainienne
Selon Enercal, les conséquences de la guerre en Ukraine devraient entraîner un déficit supplémentaire, d'environ cinq milliards CFP, pour l'année 2022. Un chiffre conséquent qui s'ajoute au déficit global de l'entreprise, de neuf milliards CFP. Un vrai casse-tête pour le gouvernement calédonien, déjà contraint de voter en début d’année une augmentation de 11% du tarif public, gelé depuis 2012. Un gel jamais compensé jusque-là par les pouvoirs publics auprès d'Enercal. Pour faire face au surcoût, il faudrait "augmenter à nouveau le tarif public, d’environ 20 %", selon les estimations de l'entreprise.
"Solidarité nationale"
Une situation "inenvisageable", estime Christopher Gygès, membre du gouvernement en charge de la transition énergétique, qui entend plutôt "solliciter l’État au titre de la solidarité nationale". La Nouvelle-Calédonie ne bénéficie pas du système de compensation qui permet au consommateur des départements d’Outre-mer de payer le même prix de l’électricité que dans l’Hexagone, malgré les surcoûts liés à l’insularité.
"Dépendance aux énergies fossiles"
Sur le moyen et long terme, le gouvernement mise "sur les énergies renouvelables pour sortir de la dépendance aux énergies fossiles", indique Christopher Gygès. La Calédonie s’est dotée, pour la période 2016-2022, d'un ambitieux schéma de transition énergétique qui a permis de faire passer la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité de 10 à 23 %. Le pays compte désormais 39 fermes photovoltaïques, produisant 178 Mégawatt/heure (MWh). 25 nouveaux sites de production devraient sortir de terre entre 2023 et 2025. "L’objectif, c’est que l’équivalent de la consommation publique, c'est-à-dire hors secteur métallurgique, soit produit à partir d'énergies renouvelables d’ici à 2030", ajoute Christopher Gygès.
Appliqué au nickel ?
La mise à jour de ce schéma pourrait être appliquée au nickel, dont les trois usines font du Caillou un endroit extrêmement industrialisé, au regard de ses 270 000 habitants. Quelque 75 % de l’électricité produite est d’ailleurs consommée par la métallurgie. Le nouveau texte prévoit donc de porter à 50% la part du renouvelable dans l’alimentation électrique du secteur.
De l'énergie à stocker
Reste l’épineuse question du stockage de l’énergie produite, dans des batteries de lithium-ion. "Aujourd’hui, le stockage sur batterie lithium-ion, c’est une solution qui est extrêmement chère. Le kilowatt/heure qui rentre dans une batterie, à la sortie son prix est multiplié par trois", souligne Jean-Gabriel Faget. Le gouvernement entend développer des stations de transfert d'énergie par pompage. Celles-ci fonctionnent en pompant de l'eau avec l'énergie photovoltaïque le jour, puis utilisent cette eau pour faire tourner les turbines la nuit, et produire de l'électricité. Une alternative plus économique, mais nécessitant des investissements importants: pas loin de 72 milliards CFP pour deux unités, capables de stocker 300 mégawatts.
Somme colossale
Au total, environ 287 milliards CFP d’investissement sont prévus pour le développement des énergies renouvelables. Une somme colossale qui fait débat : présentée aux élus du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, son examen a été reporté par la majorité indépendantiste. Elle a estimé ne pas avoir de visibilité suffisante sur la capacité du territoire à soutenir ces investissements.